M. Albert Facon appelle l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur des demandes d'informations personnelles exprimées auprès de leurs clients par certains établissements financiers. Afin de lutter contre le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent et s'appuyant sur l'arrêté n° 2009-1087 du 2 septembre 2009 et sur les articles L. 561-6 et R. 561-12 du code monétaire et financier, la Caisse d'épargne adresse à ses clients un courrier accompagné d'un questionnaire, présenté comme une obligation réglementaire, relatif à leurs revenus, leur patrimoine, leurs prestations sociales... En sus, il leur est demandé de transmettre une pièce d'identité (carte nationale d'identité, passeport, titres de séjour d'étranger...) et des justificatifs de domicile de moins de trois mois et de revenus. La banque précise, conformément à l'article L. 561-8 du même code, qu'elle se réserve le droit de reconsidérer sa relation avec la personne si celle-ci refuse de répondre aux questions, et ce même lorsqu'elle est cliente depuis plusieurs dizaines d'années. Or ces articles ne concernent que les ouvertures de compte. Ces demandes de renseignements seraient de plus en plus fréquentes alors que l'article L. 561-9, paragraphe 2, dispose que « les personnes mentionnées à l'article L. 561-2, c'est-à-dire les banques, ne sont pas soumises aux obligations prévues aux articles L. 561-5 et L. 561-6 pour autant qu'il n'existe pas de soupçon de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ». Il semble que la Caisse d'épargne utilise le prétexte de la lutte contre le blanchiment d'argent et les activités terroristes, pour enrichir ses bases de données à des fins commerciales. Aussi il lui demande de prendre les mesures nécessaires afin d'endiguer ces pratiques de contrôles bancaires abusifs et d'assurer la protection des consommateurs.
Les demandes d'informations relatives à la situation professionnelle, économique et financière du client (niveau de revenu, domicile, activité professionnelle, patrimoine...) et au type de relation d'affaires (origine des fonds, destination des fonds, etc.) de la part des établissements de crédit en France, auxquelles l'auteur de la question fait référence, s'inscrivent dans le cadre de leurs obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme, telles qu'elles résultent des recommandations du Groupe d'action financière (GAFI), de la 3e directive européenne dite « anti-blanchiment » et telles que posées par le code monétaire et financier. Ces obligations de vigilance à l'égard de la clientèle ont d'ailleurs été considérées par le GAFI comme largement conformes aux standards internationaux en la matière, dans le cadre de son rapport d'évaluation de la France publié le 28 février 2011. Ainsi, pour l'application de l'article L. 561-6 du code monétaire et financier relatif à la vigilance constante que doit exercer tout établissement de crédit sur son client, l'objet et la nature de la relation d'affaires, l'article R. 561-12 de ce même code prévoit que l'établissement recueille et analyse, avant d'entrer en relation, des éléments d'information parmi ceux figurant dans la liste dressée par l'arrêté du 2 septembre 2009 (dont l'adresse datant de moins de trois mois, l'activité professionnelle, les revenus ou encore tout élément pertinent permettant d'apprécier le patrimoine). De même, pendant toute la durée de la relation d'affaires, l'établissement assure une surveillance adaptée aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme en vue de conserver une connaissance adéquate de son client. À cet effet, il doit mettre régulièrement à jour les dossiers de ses clients. Enfin, l'établissement doit pouvoir justifier, à tout moment, à l'Autorité de contrôle prudentiel de l'adéquation des mesures de vigilance mises en oeuvre aux risques présentés par la relation d'affaires. En cas d'impossibilité pour l'établissement d'identifier son client ou d'obtenir des informations sur l'objet et la nature de la relation d'affaires, l'établissement est tenu de ne pas établir la relation d'affaires ou bien de la rompre, en vertu de l'article L. 561-8 du code monétaire et financier. Il pourra, en outre, procéder à une déclaration de soupçon auprès du service Tracfin. La collecte et le traitement de ces données nominatives sont, bien évidemment, soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (www.cnil.fr), qui conditionne cette collecte à des finalités déterminées, en l'occurrence la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et prévoit, pour le client, un droit d'opposition sans frais au traitement des données collectées à des fins de prospection commerciale. À la demande du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la Fédération bancaire française (FBF) a élaboré des bonnes pratiques professionnelles destinées à encadrer les demandes de mise à jour des dossiers des clients. Ces bonnes pratiques concernent les nombreux dossiers de la clientèle existante qui, en application de l'approche basée sur les risques, n'a été classée, par l'établissement ou le législateur, ni dans la catégorie des clients à risque faible, ni dans la catégorie des clients à risque élevé. Elles ont fait l'objet d'une concertation avec les autorités, notamment la CNIL, et d'un examen par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) le 9 novembre 2010. Le CCSF a également examiné, en lien avec les professionnels du secteur financier et les autorités compétentes, un document à destination du public, afin d'expliquer le contexte normatif des sollicitations dont les clients des banques et des assureurs font tout particulièrement l'objet et de clarifier les garanties en termes de protection des données personnelles dont dispose le client. Ce document, présenté sous forme de questions-réponses, est accessible en ligne sur le portail du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, depuis le visuel situé en bas à droite de la page d'accueil intitulé : lutte contre le blanchiment : ma banque et mes informations personnelles : http://www.economie.gouv.fr/index.php. Dans sa partie relative aux garanties, il pose clairement le principe de l'absence de traitement des données ainsi collectées à des fins de prospection commerciale. Ainsi, sauf accord préalable du client, ces données ne pourront être utilisées par les professionnels financiers qu'aux seules fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Tant les bonnes pratiques de la FBF que ce communiqué public s'attachent, selon les recommandations du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et sous le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), à faire prévaloir le principe de la proportionnalité des données personnelles collectées aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme présentés par le client, le produit ou le service. Dans ces conditions, le recueil d'informations à caractère personnel s'avère essentiel pour détecter toute opération anormale, déclarer au service Tracfin toute opération suspecte et participer ainsi efficacement à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, tout en veillant à ce que ces informations ne soient pas utilisées à d'autres fins.
1 commentaire :
Le 05/04/2012 à 08:14, Justine (juriste) a dit :
Au nom de la lutte contre le terrorisme et le blanchiment de capitaux, le gouvernement a autorisé les banques à recueillir des informations personnelles sur leurs clients (revenus, patrimoine, etc). Cependant, des garde-fous ont été instaurés par la CNIL, que la réponse ministérielle omet de mentionner :
« A l'exception des données relatives à l'identification et au justificatif de domicile, la collecte des informations précitées avant l'entrée en relation ou au cours de celle-ci ne peut être systématique et indifférenciée pour l'ensemble des personnes concernées. Elle doit s'avérer nécessaire à l'évaluation du risque présenté par le client, l'opération demandée ou le contrat souscrit et être proportionnée à la classification des risques de l'établissement financier élaborée ab initio par grandes catégories de client, de produit et de contrat. » CNIL, Délibération n° 2011-180 du 16 juin 2011.
Il faut en conclure que les établissements financiers ont le droit de demander aux consommateurs des justificatifs d’identité et de domicile. Toute autre demande (concernant notamment le patrimoine ou la situation professionnelle, économique et financière) ne peut être systématique. Elle doit être réservée aux situations comportant un risque supposé de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme.
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