« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ». L'article 1er de notre Constitution est l'un des monuments de notre identité républicaine. Il est un but à atteindre et à préserver. Il est un projet toujours inachevé, et en perpétuelle évolution.
Cela étant, il ne constitue pas un modèle figé à tout jamais. En effet, force est de constater que la société française ne le respecte pas. Il suffit de se plonger au coeur de la vie quotidienne de nos compatriotes pour mesurer le chemin qu'il nous reste à parcourir : combien d'énarques ou de polytechniciens sont fils d'ouvriers ? Combien de prénoms dictent encore le recrutement à l'emploi ou l'accès au logement ?
Ces constats, nous les partageons tous. Chacun de nous mesure, dans sa permanence, combien notre République ne sait plus réellement assurer l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Notre école ne compense pas toujours – et moins bien qu'hier – la diversité des origines sociales. Elle ne sait plus reconnaître tous les mérites et toutes les intelligences. L'origine sociale ou géographique des élèves est souvent davantage un sésame de réussite que l'intelligence et le travail bien fait. Nous pourrions tous multiplier les exemples de ces travers de notre République, qui ne sait plus s'adapter à de nouvelles réalités culturelles et sociales.
Plus grave encore : nous avons, collectivement, du mal à assumer ces défauts républicains. Notre société politique est traversée de tabous et de passions dès qu'il s'agit de la construction républicaine. Les relations entre notre République et ses différences ne sont pas assumées. Les débats récurrents sur lesquels nous nous écharpons dans cette enceinte en sont la démonstration permanente.
À mon sens, derrière cet article 1er se dresse en fait un tabou français : celui de débats que nous avons collectivement du mal à aborder en toute sérénité, sans déclencher des polémiques passionnelles. Dès qu'il s'agit d'immigration, d'identité nationale, de laïcité, d'intégration, d'égalité des chances ou de discrimination, nos passions se déchaînent ; les interdits et les censures morales fusent pour annihiler tout débat digne de ce nom. Pourtant, ces sujets sont tous connexes de celui que nous abordons aujourd'hui.
Parmi ces tabous et ces passions, je citerai par exemple notre incapacité collective à nous interroger sur la pertinence actuelle de la loi de 1905 ; les difficultés de la gauche à aborder la question de l'identité nationale ; les nôtres, à droite, à aborder la question du droit de vote des étrangers non communautaires – auquel, à titre personnel, je suis favorable.