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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 19 février 2009 à 9h30
Lutte contre les discriminations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, un mot d'abord du contexte dans lequel nous nous trouvons ce matin. Le président Copé nous a souvent appelé à mener des discussions sérieuses permettant au Parlement d'exercer véritablement sa fonction législative. Je dirai donc à la majorité qu'elle a ici l'occasion de débattre d'un sujet important et de propositions sérieuses, comme l'a fait d'ailleurs le Sénat il y a peu de temps – M. Méhaignerie l'a évoqué – à propos d'une proposition de loi socialiste. Je rappelle que celle-ci a été adoptée par la majorité sénatoriale, ce qui va permettre d'ouvrir un certain nombre de professions aux étrangers non communautaires.

S'agissant du sujet de notre débat de ce matin, je souligne tout d'abord que la lutte contre les discriminations liées à l'origine est un enjeu majeur pour la société française En effet, celles-ci sont importantes, voire massives, dans notre pays. La situation de la France au regard de ce type de discrimination, qui, je le rappelle, constitue la première cause de saisine de la HALDE, est peu enviable. Cette réalité est souvent méconnue ou sous-estimée, mais la France est un pays qui connaît des phénomènes de discrimination liés à l'origine de très grande ampleur.

Assez peu d'études ont été réalisées sur ces questions. À cet égard, je suis d'accord avec le président de la commission des affaires sociales : il faudrait que ces études soient plus nombreuses. Mais il y en a une en particulier que je veux citer : c'est celle du Bureau international du travail et de la DARES, destinée à mesurer l'ampleur des discriminations à l'embauche à l'encontre de jeunes Françaises et Français en raison de leur origine. Cette étude, réalisée en 2005-2006, a porté sur un testing très important : plus de 2000 tests – 2 440 exactement –, et dans des régions très diverses, ce qui en fait une étude extrêmement représentative. Les résultats sont vraiment accablants : 11 % seulement des entreprises testées suivaient des procédures de recrutement non discriminatoires. Cela veut dire que presque 90 % des entreprises recrutaient de manière discriminatoire. Autre enseignement de cette étude : la discrimination s'exerce dans plus de 70 % des cas au détriment des groupes dits minoritaires, notamment des candidats au recrutement issus des minorités dites visibles. Au passage, on note qu'une partie très minoritaire, voire marginale, de la discrimination, s'exerçait au détriment des Français « d'origine hexagonale ancienne », pour reprendre les termes de l'étude. Cela montre que c'est un phénomène extrêmement important, souvent méconnu et sous-estimé, et qui appelle évidemment une grande attention de notre part.

George Pau-Langevin a souligné que les discriminations sont un poison pour la société française. En effet, elles nourrissent le ressentiment, la frustration, la haine de l'autre, et sont vécues comme une injustice profonde qui met en cause l'idée même d'égalité selon laquelle chacun doit avoir la possibilité de faire valoir ses mérites. Il n'y a rien de plus terrible que de se sentir ou de se vivre comme condamné en raison de ses origines, de sa couleur de peau, de la consonance de son prénom ou de son nom, ou bien encore en raison de son lieu de résidence. On le voit bien aujourd'hui en Guadeloupe, où s'exprime un mouvement dont l'un des ressorts est précisément ce sentiment d'injustice et d'exclusion.

C'est le même sentiment qui s'était exprimé lors des émeutes dans les banlieues ; elles ont eu lieu il y a trois ans, mais les causes restent extrêmement présentes.

La lutte contre les discriminations liées à l'origine est un enjeu majeur pour notre pays. Si la France n'est pas capable de relever ce défi, elle sera confrontée au délitement de son pacte républicain et de sa cohésion sociale. Elle sera aussi, d'ailleurs, confrontée à des revendications identitaires qui se multiplieront et s'exprimeront avec vigueur.

Je le dis pour ceux qui ont quelques difficultés à intégrer ces notions d'identité : le meilleur moyen de faire le lit des revendications identitaires, c'est encore de ne rien faire pour combattre les discriminations qui y sont liées. Or ce combat, en France, reste encore frileux et souvent marginal.

C'est le deuxième constat que je voudrais faire : la France a tardé et tarde encore à mettre en place des instruments de lutte efficace contre les discriminations. L'essentiel du dispositif institutionnel et législatif dont nous disposons actuellement pour lutter contre les discriminations a été impulsé par l'Union européenne. La France a non seulement tardé à transposer les directives européennes, mais elle l'a fait de manière imparfaite, il y a quelques mois, car elle était menacée de sanctions de la part de la Commission européenne.

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