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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 26 octobre 2007 à 21h45
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 — Après l'article 35

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Si vous m'y autorisez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 492 .

Avant de vous les présenter conjointement, permettez-moi de regretter, une fois de plus, la perte de sens et de cohérence du travail parlementaire en raison de l'application pour le moins extensive, voire abusive, de l'article 40 de la Constitution.

Tout amendement peut être déclaré irrecevable, sans plus d'explication, dès lors que son adoption aurait pour conséquence des charges supplémentaires pour l'État ou les régimes sociaux, mais également si l'on considère qu'il n'a pas de lien avec le texte examiné. La situation est ubuesque. Les amendements ayant une implication financière sont refusés, tout comme ceux d'ordre social.

S'agissant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, il n'est tenu aucun compte de sa spécificité par rapport aux autres branches de la sécurité sociale. La tarification des AT-MP, base exclusive de financement de cette branche, couvre le champ de la prévention des risques, de la réparation et de l'action sociale. Chaque année, le taux de cotisation employeur doit être ajusté de manière à permettre d'atteindre l'équilibre de la branche. L'impact financier des mesures proposées devrait donc avoir pour conséquence le réajustement des cotisations des employeurs. Elles ne devraient en rien être une charge pour les finances sociales en général, pas plus que pour l'État.

Les conséquences de la LOLF sont implacables. Non seulement le droit d'amendement, mais aussi celui de déposer une proposition de loi, sont largement entamés. En outre, ces amendements étant déclarés irrecevables, des sujets entiers restent invisibles, alors que leur mise en débat permettrait d'éclairer nos discussions et de les résoudre dans leur globalité et leur transversalité.

Comment prétendre, madame la ministre, traiter des accidents du travail et des maladies professionnelles en fermant les yeux sur l'ensemble des obstacles structurels à l'amélioration de leur prévention ? Comment prétendre lutter contre la sous-déclaration des maladies professionnelles avec simplement un article annuel dans le PLFSS autorisant un reversement notoirement sous-évalué de la branche AT-MP à l'assurance maladie ?

C'est dramatiquement inconséquent pour les comptes sociaux, l'assurance maladie supportant des dépenses qui relèvent normalement de la branche AT-MP.

C'est surtout dramatique pour les salariés, qui sont toujours plus nombreux à être exposés à des substances que l'on sait dangereuses, qui voient leur santé durablement et irréversiblement détériorée par leur travail, qui, comble d'injustice, ont toujours autant de mal à faire reconnaître leurs droits en matière de réparation et qui attendent que soit mis un terme à l'impunité des responsables de leur situation.

Sur la vingtaine d'amendements que j'ai tenu à déposer et qui intéressent directement la prévention des risques professionnels et la santé des salariés, une quinzaine sont tombés sous le coup de l'article 40. Il ne sera donc pas possible de discuter de la nécessaire réforme de la médecine du travail, pourtant essentielle à une politique effectivement préventive en médecine professionnelle.

Les carences de cette dernière ont été mises en lumière, notamment à l'occasion du drame de l'amiante. La justice s'intéresse enfin à son rôle. Pour avoir été à Condé-sur-Noireau à la rencontre des habitants de la « vallée de la mort », des victimes de l'amiante et de leurs familles, je mesure l'importance que revêt la mise en examen pour non-assistance à personne en péril du médecin du travail des établissements Ferodo-Valeo.

N'oublions pas pour autant de nous interroger sur les causes des défaillances de l'institution elle-même : la pénurie chronique de médecins du travail, l'absence d'indépendance vis-à-vis de l'employeur, le sens de leurs missions, leur rôle au service de la construction de la santé des salariés complètement entravés par le piège de l'aptitude. Ne nous dispensons pas d'oeuvrer à la construction d'un service public de santé au travail garant de l'indépendance des professionnels, de leur compétence, de la réorientation de l'activité spécifique de la médecine en milieu du travail vers la prévention primaire, secondaire et tertiaire.

Réfléchissons aux outils de nature à faciliter les relations entre médecine de ville et médecine professionnelle, à ceux facilitant la connaissance et la reconnaissance des pathologies d'origine professionnelle. Nombre d'entre elles restent invisibles, alors que l'accent est mis sur les comportements personnels dits à risques. Moins d'un millième des décès survenant chaque année en France est attribué à des maladies professionnelles. L'Institut de veille sanitaire recense chaque année 11 000 à 23 000 nouveaux cas de cancers attribuables à des expositions professionnelles. Seuls 2 059 salariés sont reconnus victimes de maladies professionnelles, avec des variations d'une CRAM à l'autre allant du simple au double.

Il est incontestable qu'un phénomène massif de sous-déclaration persiste. Les raisons en sont bien connues. Le processus de déclaration et de reconnaissance des maladies professionnelles est vécu à juste titre comme un véritable parcours du combattant. La victime elle-même a souvent bien du mal à remonter le fil de sa carrière, afin d'identifier les expositions aux risques souvent multiples. Quant au médecin généraliste censé prendre en charge son patient dans sa globalité, il n'a guère d'informations sur les risques auxquels celui-ci a pu être exposé tout au long de sa carrière. Il n'a même pas à sa disposition le formulaire lui permettant de signaler les maladies professionnelles.

Nos amendements nos 493 et 492 proposent concrètement de faciliter la déclaration et la reconnaissance des maladies professionnelles, le suivi médical post-professionnel, en organisant la traçabilité des expositions professionnelles.

Ainsi serait créé et identifié au sein du dossier médical personnel un volet spécifiquement dédié à la santé au travail sur lequel le médecin du travail serait tenu de reporter les seules informations relatives aux aspects professionnels de la santé des salariés — expositions, surveillance médicale particulière, visites médico-professionnelles. Ces informations, consultables par le médecin généraliste, ne sauraient l'être par l'employeur. Le médecin du travail, quant à lui, n'aurait pas accès à l'ensemble des données personnelles générales du patient contenues dans le DMP.

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