Monsieur le président, madame la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, mes chers collègues, la mission « Pilotage de l'économie française », créée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008 afin de tenir compte du nouveau périmètre du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, regroupe différentes activités d'appui à la définition et à la mise en oeuvre de la politique économique et financière, ainsi que de la politique de l'emploi.
La mission représente 844,1 millions d'euros de crédits de paiement pour 2008. L'évolution du périmètre ne permet pas de comparaison d'ensemble avec le passé.
Comme dans toute mission d'état-major et d'étude, les crédits de personnel sont très largement prédominants, puisqu'ils représentent environ 70 % du total.
La mission regroupe deux programmes : le programme « Statistiques et études économiques », qui représente 451,5 millions d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 1,3 % par rapport à 2007, et un nouveau programme « Politique économique et de l'emploi », doté de 392,6 millions d'euros en crédits de paiement.
Le programme « Statistiques et études économiques » concerne principalement les activités de l'INSEE.
Le nouveau programme « Politique économique et de l'emploi » est un programme composite, regroupant les moyens en personnel de trois directions d'état-major du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi : la direction générale du Trésor et de la politique économique, la direction de la législation fiscale, et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, qui relevait précédemment du ministère de l'emploi.
Le plafond d'emplois de la mission est de 9 425 équivalents temps plein travaillé, dont une forte majorité concerne le programme « Statistiques et études économiques ».
Le budget proposé pour la mission n'appelant pas d'observation particulière, je souhaite souligner, eu égard aux objectifs du programme « Statistiques et études économiques », les enjeux actuels de la politique statistique.
Parmi ces enjeux, la mesure du chômage a fait récemment l'objet de controverses. Il est nécessaire d'en renforcer la fiabilité et la transparence. Jusqu'à présent, le taux de chômage mensuel était calculé à partir de deux sources, qui sont à l'origine d'un décalage : d'une part, l'enquête emploi de l'INSEE, qui fournissait le nombre de chômeurs au sens du Bureau international du travail en moyenne annuelle, d'autre part, les statistiques mensuelles sur les demandeurs d'emploi de catégories l, 2 et 3, hors activité réduite, issues des données de l'ANPE. Selon la définition du BIT, un chômeur est une personne ayant travaillé moins d'une heure au cours d'une semaine de référence, disponible dans un délai de deux semaines et ayant effectué des démarches actives de recherche d'emploi. Quant aux catégories 1, 2 et 3 de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE, elles regroupent les personnes qui n'ont pas travaillé plus de 78 heures au cours du mois et qui sont à la recherche d'un contrat de travail, quel qu'il soit.
La méthode de définition du taux de chômage mensuel à partir de ces deux sources suppose qu'elles évoluent de manière similaire. Or elles ont connu des évolutions divergentes en 2004, 2005 et 2006. En janvier 2007, l'INSEE a annoncé sa décision de différer le « calage », auquel elle procède chaque année, des statistiques mensuelles de demandeurs d'emploi en 2006 sur les résultats en moyenne annuelle de l'enquête emploi. Selon les estimations mensuelles, la moyenne annuelle était de 9,1 %, tandis que, selon l'enquête emploi, le taux de chômage atteignait 9,8 %. Un rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales sur les méthodes statistiques d'évaluation du chômage vous a été remis le 24 septembre dernier, madame la ministre. Il indique que la décision de l'INSEE était techniquement justifiée. Les auteurs estiment que si la variation du nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE en fin de mois donne en général une indication fiable des tendances du marché du travail, les évolutions du service public de l'emploi ont entraîné en 2005 et 2006 une surestimation de la baisse du chômage par les données de l'ANPE. Plusieurs changements, comme la mise en place des entretiens mensuels personnalisés, qui a entraîné mécaniquement des radiations, ont eu un impact statistique. Quant à l'enquête emploi, les inspections estiment qu'elle manque de fiabilité pour mesurer précisément les évolutions conjoncturelles du taux de chômage, en raison notamment de la taille réduite de l'échantillon – 70 000 personnes, contre deux fois plus dans la plupart des grands États membres de l'Union européenne.
Conformément aux recommandations du rapport, l'INSEE et la DARES ont décidé de ne plus procéder au calage annuel des statistiques de demandeurs d'emploi sur l'enquête emploi et d'arrêter la publication de la série mensuelle de chômage au sens du BIT. Par ailleurs, l'INSEE a annoncé vouloir publier chaque trimestre les résultats de l'enquête emploi et étudier, d'ici à la fin 2007, les possibilités d'améliorer sa précision, notamment en augmentant la taille de l'échantillon. Afin de faciliter les comparaisons, l'INSEE adoptera dans ses publications les mêmes critères qu'Eurostat pour le calcul du taux de chômage trimestriel, ce qui implique notamment d'englober dans le champ France métropolitaine et départements d'outre-mer. La problématique des DOM est en effet une question récurrente. Au-delà de ces évolutions positives, il est nécessaire de parvenir à des indicateurs reflétant la diversité des situations vis-à-vis de l'emploi, pour tenir compte de ce que les spécialistes appellent le «halo du chômage ». Dans cette perspective, un groupe de travail a été chargé, au sein du conseil national de l'information statistique, de proposer de nouveaux indicateurs en matière d'emploi, de chômage, de sous-emploi et de précarité de l'emploi. Ses conclusions sont attendues pour le printemps 2008.
Un autre enjeu est d'obtenir une mesure de l'inflation conforme à ce que ressent le public. Malgré les différents travaux de l'INSEE – qui ne sont pas en cause – pour compléter la production statistique dans ce domaine, l'écart entre l'inflation mesurée et l'inflation ressentie, constaté depuis la mise en place de l'euro, ne s'est pas résorbé. Un tel décalage s'est produit dans tous les États membres de la zone euro, mais il a disparu depuis en Allemagne et en Italie, tandis qu'il persiste en Grèce, en Belgique et en Finlande. L'indice des prix à la consommation est établi à partir de la collecte d'environ 200 000 prix, pour un ensemble fixe de biens et de services, en respectant leur importance dans la consommation totale des ménages. Il s'agit donc d'un indicateur global, qui concerne toutes les formes de commerce et toutes les catégories de consommateurs ; il reflète une évolution moyenne mais ne permet pas à lui seul de bien appréhender chacune des réalités individuelles ou particulières. Face au décalage entre l'inflation mesurée et l'inflation ressentie, l'INSEE calcule des indices par catégories de ménages et par forme de vente. Il conduit également différents travaux concernant le traitement du logement dans l'indice des prix, l'achat de logement étant considéré comme un investissement et donc exclu du calcul de l'indice. Enfin, différents efforts de communication sont déployés auprès du public sur la signification de l'indice des prix, notamment via le site Internet de l'INSEE. Il convient de poursuivre ces travaux visant à obtenir une mesure de l'inflation plus conforme à ce que ressent le public, de façon à compléter l'indice des prix à la consommation.
Il faut également débattre plus largement de la mesure du pouvoir d'achat. Des réflexions portent actuellement sur la notion de « dépenses contraintes », autrement dit les dépenses faisant l'objet d'abonnements ou de prélèvements automatiques. Leur poids a fortement augmenté dans le budget des ménages, en particulier de ceux dont les revenus sont les plus faibles, réduisant fortement la part de ressources restant disponible. La question de la mesure du pouvoir d'achat, qui a une composante « prix » et une composante « revenus », devrait être débattue dans le cadre du cycle de discussions sur l'emploi et le pouvoir d'achat avec les partenaires sociaux, qui s'est ouvert le 23 octobre dernier.
Enfin, il convient de conforter l'indépendance de fait de l'INSEE. Cette indépendance professionnelle, qui est un principe fondamental de la gouvernance statistique, est qualifiée dans un rapport d'évaluation établi par Eurostat en janvier 2007 de « point fort de la culture de l'INSEE », mais elle est parfois mise en cause dans les médias. L'inscription de ce principe dans le droit, comme c'est le cas dans la plupart des États membres de l'Union européenne, doit donc être une priorité. À mon sens, cette question devrait être séparée de celle du statut de l'INSEE, qui est une direction générale du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi. La transformation de ce statut risquerait en effet de perturber la fonction de coordination des services statistiques ministériels remplie par l'INSEE, qui est un institut central de la statistique et qui recense dix-huit sources d'information.
Madame la ministre, les études en cours et la nomination d'un nouveau directeur général devraient permettre de répondre aux exigences de transparence et de fiabilité. J'ai pris beaucoup de plaisir à analyser cette mission au coeur de l'actualité. Je vous remercie par avance des réponses que vous nous apporterez. La commission des finances a émis un avis favorable sur l'ensemble des crédits de cette mission.