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Intervention de Patricia Adam

Réunion du 28 avril 2009 à 15h00
Lutte contre l'inceste sur les mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, notre débat d'aujourd'hui touche à des expériences douloureuses et des actes abjects. La volonté de soutenir les victimes de l'inceste nous est commune. Ce débat ne peut donc être abordé dans un esprit de « censure a priori », qui conduirait à accuser ceux qui émettent des réserves sur le texte d'être insensibles au sort des victimes ou, pire encore, de défendre les auteurs d'inceste – j'ai cru voir à ce propos certains sourires tout à l'heure. Mais telle n'est pas votre intention, madame la rapporteure ; nous l'avons tous compris.

Il est vrai que, sur ces questions, les chiffres manquent ; c'est un élément très important. Mais nous commençons à obtenir certaines données, grâce à la loi de 2007 sur la protection de l'enfance, qui a créé des observatoires et obligé l'ensemble des acteurs à produire les éléments d'information préoccupants dont ils ont connaissance. Nous savons ainsi que 90 % des violences sexuelles dont sont victimes des mineurs sont exercées dans le cercle familial ou l'entourage proche – autrement dit relèvent de l'inceste.

Le débat est d'autant plus légitime aujourd'hui qu'il n'a pas encore eu lieu, le groupe UMP ayant choisi de ne pas associer à ses travaux l'ensemble de l'Assemblée, notamment ses commissions et ses groupes d'étude. Les travaux du groupe d'étude sur la famille et l'adoption, que je copréside avec Michelle Tabarot, se déroulent pourtant dans une atmosphère particulièrement consensuelle. Je déplore qu'à aucun moment nous n'ayons été informés de cette proposition de loi ; nous aurions été prêts à y travailler, dans l'intérêt des victimes.

Le sujet est propice au consensus, et nous espérons que vous entendrez nos avis et propositions. En effet, la commission ne nous a pas démentis lorsque nous avons souligné les imperfections de votre texte, dont elle a gommé plusieurs aspects problématiques au plan juridique. Plus marqué par la compassion que par la rigueur juridique, il représente un écueil que le législateur doit éviter : la loi compassionnelle. Il traduit, en outre, une méconnaissance de la problématique de l'enfance dans son ensemble et des textes qui l'encadrent – je pense notamment à la loi Guigou, à la loi Perben II et à la loi Bas.

La question de l'inceste a déjà fait l'objet de plusieurs propositions de loi et donné lieu, le 17 juin 2005, à un avis de la défenseure des enfants de l'époque, Mme Claire Brisset, au terme d'un travail minutieux, abordant la problématique sous ses aspects tant psychologiques et médicaux que juridiques. Dans cet avis, Mme Brisset concluait qu'il n'était pas nécessaire de modifier notre droit pénal pour mieux réprimer les auteurs d'inceste, rappelant que la répression était assurée par le biais des infractions existantes – le viol et les agressions et atteintes sexuelles –, assorties de circonstances aggravantes si elles étaient commises par des ascendants sur des mineurs de quinze ans. Elle ajoutait que, s'agissant des cas d'inceste, les tribunaux étaient particulièrement sévères, voire exemplaires, comparativement à d'autres pays européens.

Par ailleurs, elle mettait en garde le législateur contre le risque d'une définition trop large du crime d'inceste, qui conduirait à y inclure des personnes sans intention criminelle – comme ce pourrait être le cas dans des familles recomposées – ou, inversement, à introduire une inégalité de traitement entre les victimes d'inceste et les victimes d'un tiers hors cercle familial, au risque de réprimer plus sévèrement le premier cas que le second, fût-ce un viol sur mineur commis par un récidiviste.

En revanche, l'avis préconisait d'améliorer la prise en charge des victimes et des auteurs, renvoyant notamment au rapport de février 2005 de la commission Viout, mise en place après le scandale d'Outreau. Il préconisait déjà que soient appliquées des dispositions votées dans les lois Guigou et Perben. Mais le groupe UMP en a-t-il seulement fait une évaluation ?

Nous constatons malheureusement que cet avis de 2005 n'a pas été pris en compte dans votre texte et que l'actuelle défenseure des enfants, Mme Versini, n'a pas non plus été consultée sur la question, comme ne l'ont pas été des associations qui travaillent sur ce sujet depuis fort longtemps et y investissent beaucoup de temps et d'argent, notamment en équipant des tribunaux de lieux d'écoute – ce que l'État ne fait pas.

Nous avons souhaité souligner le risque que nous font courir les lois conçues dans la précipitation et sous le coup de l'émotion et de la compassion. Nous aurions souhaité, dans l'intérêt même des victimes de l'inceste, que ce travail de réflexion fût réalisé en amont. À défaut, nous souhaitons au moins que ce texte puisse être débarrassé de ses aspects les plus controversés et que la réflexion soit poursuivie au Sénat qui, espérons-le, aura le temps de travailler plus sereinement que nous sur le sujet. On ne peut malheureusement pas être certain que ce texte sera examiné au Sénat, quand on sait que soixante-cinq textes examinés en première lecture par l'une des deux assemblées n'ont jamais été mis à l'ordre du jour de la deuxième…

Enfin, nous espérons vous avoir convaincus que nous sommes prêts à engager un débat constructif et que vous serez disposés à entendre ce que nous avons à dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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