Je n'ai fait que relire précisément le texte !
Faute de vouloir tirer toutes les conséquences que fait porter la définition de l'inceste sur celle – nécessaire – de la cellule familiale, vous vous réfugiez dans une conception de la famille très élargie, de plus en plus éloignée des réalités actuelles et de la perception qu'en ont nos concitoyens. Qui peut aujourd'hui prétendre qu'une relation entre un jeune homme de dix-sept ans et la concubine de son frère ou de son oncle de vingt ans est par essence plus incestueuse qu'une relation entre cousin et cousine ? Et je ne parle pas des relations entre un père et sa fille de dix-huit ans…
Telle est pourtant la conclusion qui découle de votre définition. Cela démontre que le choix de se référer aux interdits du mariage, dont le périmètre est un vieil héritage du droit canon, ne permet plus de répondre de façon satisfaisante à la caractérisation d'un inceste. D'ailleurs, madame la rapporteure, en décidant d'étendre ces interdits à l'ensemble de leurs conjoints et alliés sous quelque forme que ce soit, vous avez vous-même senti la faille de cette référence, et la difficulté, face à des réalités familiales de plus en plus mouvantes et soumises à recomposition, de concevoir la famille comme un ensemble de relations exclusivement fondées sur les liens de filiation et de fratries.
Le fait que nous débattions aujourd'hui du texte adopté par la commission nous a permis d'éviter le plus grave écueil sur lequel reposait la proposition de loi initiale. En effet, le risque de contresens aurait été encore plus grand si nous avions adopté l'infraction de fait constituée par toute atteinte sexuelle ou pénétration sexuelle de quelque nature que ce soit.
Non seulement elle pouvait amener à criminaliser des relations consenties à des degrés ténus de parentalité – entre beau-frère et belle-soeur, par exemple –, mais elle aurait pu conduire, dans les cas où l'auteur d'un viol est lui-même mineur, à préjuger de son absence de consentement et à transformer le bourreau en victime. La réécriture que vous avez proposée en commission me paraît être la bonne réponse à cette difficulté, puisque, désormais, ce n'est plus l'inceste qui constitue l'agression, mais l'agression qui doit être considérée comme incestueuse.
Toutefois, je vous invite à aller au bout de cette logique et à offrir au juge la plus grande liberté d'interprétation et les outils de qualification appropriés. Sans doute nous faut-il distinguer entre l'inceste absolu – celui qui se déroule au sein de la cellule familiale, quelles que soient les formes de parentalité et d'alliance qui la régissent – et les relations qui interviennent dans le cadre des familles élargies, où la difficulté juridique actuelle réside moins dans la dénomination incestueuse des faits que dans leur qualification comme agression.
En tout cas, il n'est pas automatique qu'une relation entre beau-frère et belle-soeur soit incestueuse, comme il n'est pas automatique qu'une relation entre cousins ne le soit pas. Dans ces situations, il me semble que le critère prioritaire est moins le degré familial qui unit deux personnes que l'autorité de fait que l'un peut exercer sur l'autre et qu'il est nécessaire d'établir pour considérer qu'il y a eu agression.
Au-delà de ces imperfections, la reconnaissance de l'inceste permettra, je l'espère, madame la rapporteure, d'éviter qu'un certain nombre d'agressions intrafamiliales ne soient déclassées en atteintes sexuelles et correctionnalisées. Néanmoins, j'attends de nos débats qu'ils démontrent votre volonté de parvenir à un large consensus sur la définition de l'inceste, plutôt que de faire de cette question grave l'enjeu d'une appropriation politicienne. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
J'attends également du Gouvernement qu'il précise les moyens dont il entend se doter pour agir concrètement. L'article 40 a en effet privé votre texte de toute ambition en matière d'accompagnement médical, ce qui est d'autant plus inquiétant que Roselyne Bachelot – dont vous dites vous être assurée du soutien – n'a nullement inscrit cette dimension dans le projet de loi sur l'hôpital qui arrive en discussion au Sénat, par exemple. Je souhaite donc être rassurée sur les moyens qui accompagneront la mise en oeuvre du dispositif.
En tout état de cause, j'espère sincèrement que nous pourrons voter un texte décisif pour la lutte contre l'inceste qui prenne en compte nos amendements, et non nous prononcer sur une simple loi d'affichage générant de faux espoirs pour les victimes qui attendent depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)