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Intervention de Roger Karoutchi

Réunion du 28 avril 2009 à 15h00
Lutte contre l'inceste sur les mineurs — Discussion d'une proposition de loi après engagement de la procédure accélérée

Roger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, la prohibition de l'inceste est un élément commun à toutes les civilisations. Pourtant, en dépit des enjeux essentiels qu'il représente, l'inceste ne figure en tant que tel dans aucune de nos lois.

Certes, le code civil prohibe le mariage et le pacte civil de solidarité entre membres d'une même lignée familiale. De même, le code pénal prévoit des peines aggravées lorsqu'une atteinte sexuelle, une agression sexuelle ou un viol est commis par une personne ayant un lien de parenté avec la victime. Mais il n'existe pour autant ni crime ni délit d'inceste à proprement parler.

Votre proposition de loi, madame Fort, vise à inscrire pour la première fois dans nos textes la notion d'inceste, et vous avez parfaitement exposé pourquoi il est important de franchir ce cap aujourd'hui.

Jean-François Copé, président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, vous a confié une mission sur le sujet, mission qui vous a conduite à procéder à l'audition d'un grand nombre de professionnels et à rencontrer de nombreuses victimes et associations.

Votre rapport démontre parfaitement que l'acte incestueux est une violence spécifique qui se nourrit du non-dit. C'est notamment pour cette raison que dénommer expressément l'inceste dans la loi contribue à mieux cerner le phénomène et donc à le combattre plus efficacement.

Je tiens à saluer votre investissement personnel et votre détermination, madame la rapporteure, à défendre cette cause. La conviction que vous vous êtes forgée au contact de cette douloureuse réalité vous a permis d'obtenir le soutien de vos collègues parlementaires, bien au-delà des clivages politiques habituels.

C'est indiscutablement le rôle du Parlement de traduire dans nos textes les préoccupations sociales aussi graves de nos concitoyens. Des initiatives législatives comme la vôtre répondent à l'esprit même de la réforme récente de nos institutions.

La consécration de la notion d'inceste vise deux objectifs, que traduit clairement la proposition de loi : une meilleure connaissance des ressorts et de l'ampleur du phénomène incestueux ; une répression adaptée des actes incestueux.

En premier lieu, il faut identifier le phénomène. Il est très difficile, aujourd'hui encore, de savoir combien l'inceste fait de victimes. Selon des enquêtes menées par divers organismes, et rappelées dans ce rapport, elles seraient, en France, plus d'un million.

Les conséquences de l'inceste sont catastrophiques non seulement au niveau individuel, mais aussi pour la société dans son ensemble. Le retentissement de ces actes sur des victimes mineures est d'autant plus fort qu'il est le fait d'adultes qui sont censés les protéger et qu'il menace le développement ultérieur de l'enfant.

L'inceste est très souvent à l'origine de comportements à risques tels qu'anorexies, addictions à l'alcool ou aux stupéfiants, ou tentatives de suicide.

C'est aussi un facteur d'exclusion sociale qui se manifeste par l'échec scolaire, professionnel ou, plus simplement, relationnel.

Plus généralement, l'inceste menace l'un des fondements de notre société : la famille. Celle-ci n'est alors plus l'espace de protection et d'éducation de l'enfant, qui assure son épanouissement, mais devient au contraire un lieu de souffrance et d'isolement.

Nommer l'inceste permet d'en parler plus aisément et donc de mieux le prévenir et de mieux assurer sa détection.

La proposition de loi comporte plusieurs dispositions relatives à la prévention de l'inceste et à la protection des victimes.

Elle prévoit ainsi une information dans les écoles et une sensibilisation du public par les médias.

Elle permet la constitution de partie civile des associations luttant contre l'inceste.

Elle rend obligatoire la désignation, dans la procédure pénale, d'un administrateur ad hoc qui agira aux côtés de toute victime d'inceste tant qu'elle est mineure. À cet égard, j'indique que, par décret du 30 juillet 2008, Mme la garde des sceaux a augmenté sensiblement – de 20 % à plus de 50 % – les indemnités versées aux administrateurs ad hoc. Le niveau de rémunération ne doit en effet pas empêcher des personnes de qualité d'exercer ces missions importantes et difficiles d'aide aux mineurs victimes.

Le texte prévoit également que le Gouvernement adressera, avant la fin de l'année, un rapport au Parlement sur l'amélioration de la prise en charge des victimes. Ce rapport sera notamment l'occasion de présenter le déploiement sur l'ensemble du territoire national des unités médico-judiciaires, auquel la ministre de la santé et la garde des sceaux travaillent depuis plusieurs mois.

Le second objectif de cette proposition de loi est de consacrer l'inceste dans le droit pénal afin d'assurer une répression adaptée à cette infraction spécifique.

Des lois récentes ont déjà fait évoluer le droit ; elles assurent une répression accrue des auteurs d'actes incestueux et prennent en considération la situation particulière des mineurs victimes. J'en citerai seulement deux, qui font directement écho aux préoccupations exprimées par Mme Fort dans son rapport.

La loi du 9 mars 2004 permet aux mineurs victimes de déposer plainte et de poursuivre l'auteur des faits dans un délai plus long. Ainsi, toutes les infractions sexuelles, même qualifiées de délit – agression ou atteinte sexuelle – sont prescrites au bout de vingt ans lorsque la victime est un mineur de quinze ans et après dix années sans acte d'enquête pour les mineurs de quinze ans révolus. Ces délais, qui excèdent ceux des crimes ou leur sont équivalents, ne commencent à courir, de surcroît, qu'à la majorité de la victime.

En permettant aux victimes de dénoncer les faits longtemps après leur majorité, à une période de leur vie où leur maturité et leur évolution leur permettent enfin de dénoncer ce qui, jusque-là, était souvent indicible, le législateur a tenu compte de leur situation particulière.

La seconde loi que je souhaite rappeler est celle du 5 mars 2007, relative à l'équilibre de la procédure pénale. Elle prévoit un enregistrement systématique des auditions du mineur, sans le subordonner à son consentement ou à celui de ses parents comme c'était le cas auparavant. Elle rend par ailleurs obligatoire l'assistance par un avocat de tout mineur victime d'infractions sexuelles lorsqu'il est entendu par le juge d'instruction. Ces dispositions facilitent et libèrent la parole de l'enfant dans les procédures et les prétoires, en intégrant les difficultés propres au recueil de la parole de l'enfant victime.

Avec la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui, l'inceste sera inscrit dans le code pénal, défini et mieux cerné. L'acte incestueux tel que défini dans le texte couvre toutes les infractions sexuelles existantes. Il est naturellement le fait de membres du cercle familial précisément désignés.

Cette liste des auteurs possibles d'inceste inclut très opportunément les conjoints et concubins des parents du mineur victime. La situation des familles recomposées est ainsi prise en considération. L'adulte qui, sans être parent de l'enfant, tient ce rôle à son égard pourra ainsi être logiquement reconnu coupable d'inceste comme un parent naturel ou adoptif.

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