Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment de franchir une nouvelle étape dans la modernisation de nos pratiques parlementaires, je voudrais aujourd'hui insister sur le nouveau cadre que dessinent la Constitution, la présente proposition de loi et, bientôt, la réforme de notre règlement afin de renforcer notre contrôle sur les affaires européennes.
Mon expérience de président de la délégation chargée des affaires européennes, nourrie d'échanges désormais presque quotidiens avec nos partenaires étrangers, a forgé ma conviction que les parlements les plus influents sont ceux qui ont pleinement intégré la dimension européenne dans leurs travaux. C'est ce que nous allons faire.
D'abord, bien sûr, parce qu'une loi nationale ne peut être efficace si elle ignore la précieuse expérience accumulée par nos voisins et l'environnement européen dans laquelle elle s'intègre.
Ensuite, et je dirai surtout, parce le temps des cloisonnements artificiels entre ce qui relève de l'Europe et ce qui appartient aux États est révolu. Qui peut croire aujourd'hui que nos plans de relance puissent prétendre tourner la page de la crise s'ils ne s'accompagnent pas d'une stratégie concertée à l'échelle économique pertinente, telle celle qu'a conduite le Président de la République ?
Qui peut imaginer une seconde qu'un État seul puisse relever le défi du changement climatique ? La présidence française en a donné la preuve éclatante : la volonté politique, pour répondre aux attentes des peuples, ne peut désormais plus connaître de frontières.
Dans ce contexte, quelle doit être la place des parlements ? Je crois aujourd'hui que le simple contrôle des gouvernements, maîtres exclusifs de l'agenda européen, est très largement dépassé. Non qu'il ne compte plus : il reste de notre devoir de vérifier que les positions défendues à Bruxelles par nos représentants reflètent fidèlement la volonté du Parlement. C'est ainsi que nous auditionnons régulièrement le ministre des affaires européennes avant et après chaque Conseil européen.
Disons-le clairement, l'essentiel du chemin est parcouru et je veux féliciter le Gouvernement pour l'excellence des pratiques qui prévalent aujourd'hui dans nos relations quotidiennes. Cela rend d'ailleurs superflue toute limitation dans les documents qui pourraient nous être transmis. Dès lors que tout fonctionne bien, je ne vois pas ce qui nous empêcherait de graver cette harmonie dans le marbre de la loi. Pour ma part, je salue l'excellent travail fourni par le président de la commission des lois et je me rallie à la proposition de la commission.
Pour peser sur la forme même que prennent les textes européens, il faut savoir agir vite, identifier clairement les options politiques et dégager les consensus préalables sur lesquels s'appuie l'action commune. Nous avons, à cet égard, des atouts considérables. J'en veux pour preuve notre récente résolution sur le profil nutritionnel des denrées alimentaires qui, derrière un sujet d'apparence technique confectionné par l'obscure machine des comités bruxellois, cachait une menace directe et concrète pour nos productions traditionnelles, de fromages en particulier.
À cet égard, notre force repose sur notre capacité à intervenir au bon moment, avec la juste force et vers le bon interlocuteur, pour relayer nos préoccupations et nos sensibilités nationales à Bruxelles. C'est dans ce domaine que nous avons les plus grands progrès à accomplir.
La révision constitutionnelle a fait l'essentiel. Nous voici désormais maîtres de notre tempo et libres de nous adresser directement aux institutions européennes. Tel est l'esprit du nouvel article 88-4 qui nous autorise, enfin, à adopter des résolutions sur « tout document émanant d'une institution de l'Union ». Libérés de l'entrave d'une intervention formelle qui ne pouvait jusqu'alors qu'intervenir au stade ultime de la décision européenne, nous pouvons désormais nous saisir des enjeux européens dès que cela se révèle nécessaire, lorsqu'il est encore temps de les infléchir, voire de les inspirer. Mais pour en user pleinement, il nous faut adapter nos méthodes de travail, dont chacun reconnaîtra qu'elles sont perfectibles. Tel est l'objet de l'article 1er de la présente proposition de loi, qui ne prend son sens qu'avec la révision du règlement qui l'accompagne et la suit immédiatement.
L'urgence est de simplifier nos règles de procédures. Une procédure de contrôle trop complexe, mal comprise de ceux appelés à l'exercer, est une procédure condamnée à l'indifférence et à l'échec. Ainsi, l'article 1er simplifie drastiquement les relations entre les assemblées et le Gouvernement sur ce qui touche à l'Europe. Nul besoin d'égrener une liste fastidieuse de transmissions obligatoires asphyxiant les parlementaires sous un flux de documents non hiérarchisés. Il suffit de fixer des principes clairs : tous les projets de valeur normative doivent nous être soumis ; pour le reste, nous pourrons demander tout document utile au Gouvernement.
Dans un même esprit, il apparaît légitime de laisser à chaque assemblée le soin de déterminer les règles de composition et de fonctionnement de leur commission chargée des affaires européennes, désormais directement instituée par la Constitution, ne serait-ce que pour adapter leurs effectifs au nombre de membres des assemblées concernées et refléter fidèlement les différentes commissions permanentes.
C'est toujours le souci de simplicité et de clarté qui inspire la réforme des règles d'adoption des résolutions européennes proposée dans la révision du règlement que nous examinerons bientôt. Le nouveau schéma serait le suivant : chaque député pourrait librement déposer une proposition de résolution ; celle-ci serait préalablement instruite par la commission des affaires européennes. Par la suite, la commission permanente concernée au fond disposerait d'un mois pour examiner le texte, voire, si elle l'estime opportun, de l'approuver tacitement. Ensuite, comme aujourd'hui, les présidents de commission ou de groupe et le Gouvernement pourraient demander l'inscription de la proposition à l'ordre du jour. À défaut, celle-ci serait réputée approuvée par l'Assemblée. La procédure, toutefois accélérée, serait exactement la même pour les avis que le traité de Lisbonne nous autoriserait à adopter pour dénoncer l'incompatibilité d'un projet européen avec le principe de subsidiarité.
Voilà, en quelques mots, le dispositif qui nous est proposé. Je le crois équilibré et efficace, nous donnant des armes simples pour relever à bras-le-corps le défi de l'Europe. Je remercie la commission des lois pour la qualité de son travail et, tout particulièrement, son président M. Jean-Luc Warsmann. C'est pourquoi je vous invite à adopter le texte adopté par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)