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Intervention de Jean-Luc Préel

Réunion du 5 février 2008 à 15h00
Adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Préel :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi a pour objet de ratifier l'ordonnance du 26 avril 2007, qui transpose un ensemble de directives européennes, notamment la directive technique du 31 mars 2004 concernant le médicament. Il était grand temps d'effectuer cette transposition : elle aurait dû intervenir avant le 30 octobre 2005 ! Comme souvent, hélas, la France traîne les pieds. Espérons qu'elle ne tardera pas à rejoindre les bons élèves de l'Europe !

Le Gouvernement, nous dit la rapporteure, a choisi la voie de l'ordonnance en raison de l'urgence. Urgence toute relative, puisque la directive date de 2004, et que son caractère contraint ne permet de toute façon pas d'en changer le fond. Pourtant, la procédure de l'ordonnance court-circuite le Parlement, d'autant plus qu'aucun projet de ratification déposé par le Gouvernement ne risque d'être rejeté.

Nous avions certes déjà discuté de ce projet en janvier 2007, lors de l'examen de la loi d'habilitation, mais le débat avait été détourné par un article choquant dans lequel le Gouvernement nous demandait de pouvoir légiférer par ordonnance dans le domaine de l'observance. Le problème est réel : pour être efficace, un traitement doit être suivi régulièrement. Il concerne avant tout le patient, car c'est dans son intérêt que le médecin prescrit telle ou telle molécule. C'est donc à ce dernier de faire preuve de pédagogie et d'expliquer les raisons du traitement, la stratégie thérapeutique et les éventuels effets pervers.

C'est d'abord aux professionnels de santé, médecins, infirmières, pharmaciens, de veiller à l'adhésion au traitement en instaurant une relation de confiance. Si l'article a heureusement disparu, le problème demeure, il mérite discussion et ne saurait être réglé par ordonnance. Quelles sont vos intentions, madame la ministre, s'agissant de l'observance ? Un texte nous sera-t-il un jour présenté ?

La directive de 2004 que nous transposons est très importante. Elle a fait l'objet de nombreux débats au Parlement européen et a abouti à un texte équilibré et consensuel. L'ordonnance de transposition comporte cinquante-trois articles regroupés en huit chapitres consacrés notamment aux médicaments traditionnels à base de plantes, aux produits d'origine humaine, aux produits cosmétiques, aux médicaments vétérinaires. Il n'est pas possible, dans ce laps de temps très court, de discuter de ces cinquante-trois articles, ce qui montre bien la limite des lois de ratification. Curieusement, cette loi de ratification comporte un article autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance en matière de sanctions pénales et administratives applicables dans le domaine des produits de santé, et pour poursuivre la transposition de la directive de 2004 relative au don de gamètes et à l'assistance médicale à la procréation. Sur un sujet aussi sensible, il convient d'être prudent. Nous devons en principe revoir en 2009 les lois relatives à la bioéthique votées en 2004. Il ne faudrait pas que cette ordonnance comporte des dispositions prises sans discussion approfondie avec toutes les personnes concernées, les services spécialisés, et qu'elles soient, de plus, sans rapport avec la bioéthique.

Je ne reviendrai pas sur le rôle du médicament, sur la protection des brevets, sur la nécessité de promouvoir, d'aider la recherche, car nous attendons tous des médicaments efficaces contre les maladies fréquentes et invalidantes dans nos pays développés – cancer, maladie d'Alzheimer – les maladies orphelines, mais aussi les maladies tropicales qui touchent des millions de personne chaque année. C'est un réel souci.

Il est donc nécessaire de développer la recherche, de favoriser les coopérations publiques et privées, et de donner à l'industrie les moyens de financer la recherche et le développement de molécules innovantes et des thérapies géniques, qui sont, hélas, de plus en plus coûteuses. Vous souhaitez, madame la ministre, développer l'utilisation des médicaments génériques dont l'intérêt unique est d'être moins coûteux que le médicament princeps, mais ce ne sont pas les « génériqueurs » qui découvriront les molécules que nous attendons pour demain. De plus, il conviendrait de mieux suivre la biodisponibilité des molécules. Elles sont certes déjà contrôlées, mais les neurologues ont démontré ces dernières semaines que des épileptiques équilibrés par le princeps voyaient, sous générique, leurs crises d'épilepsie revenir. Ils ont ainsi montré que les taux sanguins étaient très variables selon le générique utilisé. Si cette communication était confirmée, elle mériterait, me semble-t-il, une réelle réflexion. Il faut donc veiller à protéger l'industrie qui cherche et innove en garantissant la protection des brevets et en donnant un prix suffisamment rémunérateur aux molécules réellement innovantes.

J'en viens à l'article 6 – dont on a déjà parlé depuis le début de cette discussion – qui concerne l'utilisation à des fins humanitaires des médicaments non utilisés. Il s'agit effectivement d'un problème de santé publique complexe. Le but était de faire bénéficier des populations dans le besoin, souvent en Afrique, des médicaments non utilisés rapportés dans les officines. Les pharmaciens avaient mis en place Cyclamed et des associations avaient organisé la collecte, la vérification des médicaments et leur redistribution. Mais un rapport de l'IGAS de février 2005 a démontré l'existence de fraudes avec un circuit parallèle de médicaments, ce qui était parfaitement inacceptable. En outre, moins de 5 % des médicaments non utilisés collectés auprès du public sont redistribués à des fins humanitaires. C'est pourquoi avait été fixé un délai de dix-huit mois – qui prendra fin le 31 août 2008 – pour mettre en place une nouvelle filière. Cependant, les partenaires concernés semblent rencontrer des difficultés pour créer cette nouvelle filière permettant notamment aux associations humanitaires de disposer de médicaments dans de bonnes conditions. À la demande d'associations humanitaires, notamment, les sénateurs ont donc voté le principe d'une prolongation du délai jusqu'au 31 décembre 2009. Notre rapporteure, Mme Gallez, n'est pas favorable à cette prolongation sur laquelle nous devrions revenir. Un accord avec le Gouvernement semble finalement avoir été obtenu pour fixer cette prolongation au 31 décembre 2008. Il n'en demeure pas moins, madame la ministre, que la création d'une nouvelle filière est indispensable et je souhaite que vous la mettiez en oeuvre avec tous les partenaires concernés dans une démarche qualité. La délivrance à titre gratuit de médicaments aux personnes en situation de précarité doit s'effectuer sous la responsabilité d'un médecin ou d'un pharmacien.

En conclusion, le groupe Nouveau Centre votera cette loi de ratification qui correspond à un texte équilibré et consensuel qui doit permettre une meilleure protection du patient et une meilleure organisation de la chaîne du médicament. Il convient cependant d'être vigilant, s'agissant de la prochaine ordonnance relative à la PMA, la procréation médicalement assistée. Notre groupe souhaite également la création rapide d'une nouvelle filière pour les médicaments non utilisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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