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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 4 mai 2009 à 16h00
Protection de la création sur internet — Article 1er a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

Comme l'a souligné Alain Suguenot, ce texte ne répond en rien aux problèmes auxquels peuvent être confrontés aujourd'hui certains artistes. En effet, ce projet de loi très mal nommé ne prévoit rien en faveur de la création : comme nous l'avons démontré à maintes reprises, pas un euro de plus n'ira aux créateurs, aux auteurs, aux compositeurs, aux cinéastes. Mêmes les producteurs, les seuls à connaître actuellement quelques difficultés, ne toucheront rien de plus.

La SACEM, qui gère les droits d'auteur, n'est pas en difficulté : au contraire, elle a vu ses revenus progresser d'année en année, à l'exception d'une année où ils ont reculé de 0,4 % – autant dire l'épaisseur du trait.

Il est pour le moins étonnant que ce texte ne dise pas un mot au sujet de la création, alors même que le problème du financement de la création, de la protection des artistes, du rayonnement culturel, est une question pendante, que la politique menée par ce gouvernement, loin de régler, aggrave.

Le texte n'apporte rien non plus en matière de pédagogie, puisqu'il n'évoque pas la question de la gratuité, de ce qui est marchand, de ce qui doit être acheté ou rémunéré. Quand une ville décide, comme l'a fait Paris, d'instaurer la gratuité des collections permanentes de ses musées, elle enregistre immédiatement une progression des entrées : les visiteurs viennent passer dix minutes au musée, retournent quatre ou cinq fois dans la même salle, parfois dans la même journée. Alors que cette pratique s'accompagne d'une pédagogie axée sur l'idée que la culture a un coût, que les créateurs doivent pouvoir vivre, la loi que nous examinons ne dit pas un mot à ce sujet, pas un mot sur la chaîne de la création, sur ce qui permet à un artiste de toucher son public et pas seulement par le biais d'Internet.

Durant des années, on a vendu aux consommateurs des abonnements Internet et des ordinateurs sur la promesse d'un accès illimité et gratuit à un monde merveilleux de contenus. Dès lors que cet argument de vente a été massivement utilisé, il ne serait que justice que tous ceux qui se sont fait tant d'argent sur les contenus contribuent aujourd'hui à la création. Or ce projet de loi ne le permet en rien : pas un euro pour la création, pas un mot de pédagogie, pas un effort pour inventer le nouveau modèle de rémunération des créateurs auquel il est pourtant urgent que nous nous attelions en ce début de xxie siècle qui, à force de commencer, est déjà bien entamé.

Plus grave encore, une grande confusion est entretenue dans les esprits, y compris chez de très grands artistes. Ceux que vient de citer le porte-parole de l'UMP se trompent quand ils pensent que cette loi va faire quoi que ce soit pour la création et pour la protection de leurs droits. Ils se trompent surtout s'ils s'imaginent que cette loi va entreprendre quoi que soit contre le marché. C'est au contraire le règne absolu de la marchandisation que cette loi consacre, l'interdiction formelle de la gratuité et l'interdiction de penser la création à l'ère d'Internet et des nouveaux rapports qui doivent s'instaurer entre les publics et les artistes.

Ce projet de loi durcit les choses, et M. Lefebvre se trompe quand il affirme suivre l'avis du rapporteur.

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