Madame la ministre – puisque M. Le secrétaire d'État est sorti – un député ça compte sans doute beaucoup, mais un député de la majorité, ça ne doit pas parler.
Les membres du groupe UMP réfractaires au projet de loi n'ont pas pu s'exprimer pendant la discussion générale : sans doute est-ce ce que l'on appelle la majorité silencieuse.
Si un parlementaire de l'UMP au moins avait pu s'exprimer comme l'a fait Jean Dionis du Séjour pour le Nouveau Centre, cela aurait montré que le texte que nous étudions traite d'un problème important et complexe : l'adaptation de la tradition française du droit d'auteur à l'évolution technologique d'Internet.
Adaptation ou confrontation ? L'importance de la question et sa difficulté demandent qu'on aille au-delà des idéologies et des clivages politiciens. Le fait qu'au Sénat les socialistes aient été favorables au texte, et, qu'à l'Assemblée, des membres de la majorité ne le soient pas, le prouve amplement.
Certains ont pourtant tenu à transformer ce débat en un affrontement entre la gauche et la droite. Ils n'ont pas hésité à multiplier les provocations malgré les mises en garde du président Accoyer, ou les appels à la sérénité de Marc Laffineur. Ce choix est à l'origine les nombreux incidents de séance de la semaine dernière. Pourtant il ne s'agit pas d'un débat droite-gauche, mais d'une nouvelle querelle des anciens et des modernes.
Si la question est vaste, le projet de loi est modeste : il s'agit d'un simple appendice de la loi DADVSI. On a voulu opposer ces deux textes de manière artificielle : la loi DADVSI serait répressive, et le projet de loi HADOPI pédagogique. En fait, tel qu'il avait été voté, le premier texte comprenait lui aussi une réponse graduée fondée sur une échelle d'amendes que réclament aujourd'hui certains de nos collègues comme Jean Dionis du Séjour ou Patrice Martin-Lalande. Seulement, ces amendes avaient finalement été annulées par le Conseil constitutionnel.
Certes la situation actuelle d'une assimilation du téléchargement à la contrefaçon est disproportionnée, mais la solution qui nous est proposée n'est pas satisfaisante puisqu'elle entraîne une pénalisation collective des familles, des entreprises, des immeubles, et de nombreux innocents, victimes des astuces d'Internet. Le problème du triple play dans les zones non dégroupées, et l'atteinte au droit à l'éducation ont également été évoqués durant les débats.
Présentant le plan numérique 2012, Éric Besson déclarait : « C'est devenu aussi indispensable que l'eau et l'électricité. » Et voilà que l'on va couper l'eau parce qu'un voisin en a peut-être bu quelques verres ! J'ajoute que de beaux esprits, comme Alain Juppé ou Claude Goasguen, ont exprimé des réserves sur ce texte.
Par ailleurs, il existe de vraies différences entre les lois DAVDSI et HADOPI : en premier lieu, l'urgence.
En effet, DAVDSI avait pour objet de transposer une directive européenne de 2001, afin d'éviter à la France d'être pénalisée pour son retard. Ce n'est pas le cas pour HADOPI, et il faut se féliciter qu'une seconde lecture ait lieu, qui devrait permettre au moins d'adoucir le texte.