Je reviendrai brièvement sur quelques éléments déjà évoqués, en en ajoutant un ou deux.
Vous nivelez par le bas, monsieur le ministre. Une fois de plus, vous faites de cet élément fondamental qu'est le repos compensateur un élément de la concurrence entre les entreprises. Les exemples qui ont été cités – Continental Edison, Goodyear ou, non loin de ma circonscription, Sarreguemines – montrent que ce phénomène peut faire tache d'huile. Lorsque, dans un secteur – géographique, mais aussi secteur d'activité –, une entreprise prend une décision en la matière, les autres entreprises font de cet exemple un argument pour expliquer aux salariés qu'il n'y a pas de raison de ne pas faire la même chose, au motif que l'entreprise risquerait de ne pas survivre et les salariés de perdre leur emploi.
La question du repos compensateur me conduit, monsieur le ministre, à évoquer un sujet important que vous souhaitiez, je crois, aborder au mois d'octobre : le travail du dimanche. Je ne comprends pas l'idée selon laquelle l'ouverture des commerces le dimanche aurait pour effet que les gens achèteraient davantage. Les gens achètent quand ils peuvent acheter, quand ils ont des besoins et les moyens de satisfaire ces besoins et leurs envies. Certes, si un seul magasin ouvre le dimanche, son chiffre d'affaires en sera sans doute conforté, mais je ne vois pas comment, le fait que tous les magasins en fassent autant pourrait profiter à la consommation et à la bonne marche de notre économie.
Comme l'a fort bien montré tout à l'heure notre collègue Muet, il en va de même des repos compensateurs : si une seule entreprise adopte une pratique sociale s'apparentant au dumping vers le bas, elle pourra peut-être individuellement y gagner, mais si toutes les entreprises l'imitent, il est bien évident que toute notre économie y perdra.
Plusieurs de nos collègues ont en outre rappelé la nécessité des repos compensateurs pour la sécurité dans l'entreprise. En allongeant les journées de travail, vous prenez le risque de supprimer ces repos compensateurs – ou de moins de les voir diminuer ou disparaître. Pour les chauffeurs de poids lourds, la loi ne prévoit-elle pas qu'au-delà d'un certain nombre d'heures de travail, ils doivent prendre un repos qui leur permettra de reprendre leur activité dans des conditions satisfaisantes de sécurité individuelle et collective ?
Enfin, puisque le ton est au lyrisme et que Jean Mallot a eu la gentillesse de rappeler une phrase de Joseph Stiglitz – je ne parle pas de sa deuxième citation, qui, si je puis me permettre cette remarque, aurait pu être de Pierre Dac. Or, dans la même interview du 28 janvier 2008 sur ce qui reste de la radio publique, Joseph Stiglitz déclarait également : « Quand on n'a pas de temps libre, on ne voit pas sa famille ». Peut-être cette phrase est-elle un peu moins profonde que la citation précédente, mais du moins la famille peut-elle être ici, outre celle des liens du sang ou du mariage, une famille politique, sociale ou philosophique. Prendre le risque de supprimer ou de voir diminuer les repos compensateurs peut être très préjudiciable à l'épanouissement de notre société. Notre ambition n'est-elle pas, finalement, de favoriser l'épanouissement individuel et collectif de l'ensemble de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)