Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi n'est pas un grand texte d'un point de vue législatif, mais c'est un texte intéressant. Il est donc utile d'en débattre. Toutefois, il souffre de beaucoup de manques : des questions centrales touchant l'agriculture et la profession agricole n'y sont pas traitées. Peut-on véritablement débattre d'un texte inabouti, qui manque d'ambition et qui se satisfait du moindre ? C'est tout l'objet de ma question préalable.
D'un certain point de vue, il est dommage de remettre en cause la pertinence de ce projet car les quelques dispositions qu'il contient, aussi maigrichonnes soient-elles, ne sont pas vraiment contestables. Comme l'a rappelé le ministre, elles s'inscrivent dans une continuité, celle d'un processus global de simplification du dispositif de valorisation des produits et du renforcement des contrôles de qualité. Reste que ce projet de loi manque d'ambition et de courage : au lieu de prendre à bras-le-corps les véritables enjeux agricoles, il contourne les questions qui font actuellement débat. Je n'en citerai ici que quelques unes à titre d'exemple : la présence des OGM dans les cultures et les produits agro-alimentaires ; les différences de réglementations relatives à l'agriculture biologique à l'échelon européen, source de distorsions de concurrence ; la relocalisation de nos productions au plus près des centres de consommation ; le respect saisonnier des cultures.
De plus, si je ne me trompe pas, l'ordonnance ratifiée par ce projet de loi est relative à la valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer. Or, comme l'a souligné Jean Gaubert, les produits forestiers et ceux de la mer sont quasiment absents du texte. Pourtant, ils sont au coeur de l'actualité la plus récente : souvenez-vous, monsieur le ministre, des marins-pêcheurs du Guilvinec, que vous avez rencontrés. La hausse des prix du pétrole a provoqué une grave crise sectorielle, ce qui les a poussés à manifester. On en connaît les raisons profondes : l'approvisionnement se fait de plus en plus difficile du fait de la raréfaction de la ressource halieutique. Les pêcheurs sont contraints d'aller de plus en plus loin en haute mer, avec des bateaux de plus en plus grands, équipés de chaluts de plus en plus larges et de moteurs surdimensionnés – de 800 à 900 chevaux ! –. Ils prennent ainsi de plus gros risques, tout en dépensant davantage de carburant. Bien sûr, vous avez proposé des mesures immédiates pour tenter d'aider la profession mais aucune mesure structurelle, ce qui n'a rien de rassurant.
Le Parlement semble de plus en plus exclu : nous sommes dessaisis de notre pouvoir de réformer et même de notre capacité à proposer des améliorations au travers d'amendements, comme le soulignait André Chassaigne. En effet, avec les dispositions relatives à l'Institut national de l'origine et de la qualité, vous confirmez la tendance à déléguer à des instances autonomes la fixation des cahiers des charges, grâce auxquels vous vous dédouanez de toute responsabilité. Les organismes de défense et de gestion, qui remplacent les anciens syndicats d'appellation, se voient reconnaître une mission d'intérêt général et sont chargés d'élaborer les critères définissant les différents produits, avalisés ensuite par voie réglementaire. Il n'appartient donc plus au législateur d'intervenir, puisque ce sont les organismes de défense et de gestion qui doivent trancher sur des questions sensibles, parfois sujettes à polémiques à la fois scientifiques et idéologiques, qui mériteraient d'être tranchées grâce à un vrai débat démocratique et non par des décisions confidentielles. Je condamne ce procédé qui désengage le législatif et ôte tout pouvoir d'appréciation aux élus.
Ce projet de loi a été écrit, selon toute probabilité, avant que les conclusions du Grenelle de l'environnement ne soient rendues. Cela expliquerait qu'elles n'y soient pas reprises. Mais cela n'empêche pas certains textes de coller à l'actualité. Il en va ainsi du projet de loi sur le pouvoir d'achat, qui a immédiatement suivi l'intervention télévisée du Président de la République : il a été présenté en conseil des ministres ce matin et nous avons dû en débattre en commission cet après-midi, examinant des amendements alors que nous ne disposons même pas du texte exact, ce qui est tout à fait scandaleux. Un mois et demi après le Grenelle de l'environnement, le projet de loi aurait pu tenir compte du résultat de cette consultation.