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Intervention de René Dosière

Réunion du 2 juillet 2009 à 15h00
Mobilité et parcours professionnels dans la fonction publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

C'est sur le terrain que l'on rencontre des gens qui ont un véritable sens de l'intérêt général – ne l'oublions pas, car c'est là la spécificité de nos services publics.

Examiner la situation à l'étranger permet de souligner notre originalité. Il existe deux types de pays. Les pays en voie de développement ignorent la tradition de la fonction publique, qui travaille souvent dans des conditions très discutables. Les services publics s'en trouvent désorganisés et, in fine, l'économie de ces pays ne fonctionne pas. Je passe en outre sur les phénomènes de corruption, et sur le fait que l'on n'y peut obtenir de service que moyennant une rémunération supplémentaire : les fonctionnaires de ces pays, faut d'être payés correctement – voire payés tout court – trouvent d'autres voies de rémunération. Ayant participé pendant plusieurs années à des missions d'assistance à la fonction publique dans les anciens pays de l'Est, alors en reconstruction, j'ai pu constater combien l'absence d'une véritable fonction publique constituait un handicap au développement économique.

Autre regard : celui que l'on peut porter dans les pays développés de tradition libérale, où l'on tente d'introduire les critères, les valeurs et les méthodes de rentabilité du secteur privé dans la fonction publique, avec pour conséquence la dégradation de la qualité du service public.

J'en veux pour preuve l'évolution du fonctionnement de La Poste. À mesure que les critères de rentabilité sont plus présents dans les divers secteurs d'activité postale, la notion de service public recule et la qualité des prestations n'a plus rien à voir avec la mission de service public. Nous vivons cette situation en permanence : il suffit d'observer ce qui se passe dans les services postaux.

Il va de soi que la fonction publique doit évoluer mais, monsieur Diefenbacher, elle ne cesse d'évoluer ! On constate cette évolution permanente sur le terrain, où les agents consentent à des efforts considérables. Certains articles de ce texte – les premiers, en particulier – participent de ce mouvement consistant à adapter en permanence la fonction publique. Toutefois, le texte qui nous est présenté va bien plus loin, et s'inscrit d'ailleurs dans le sillage de lois précédentes qui, par petites touches successives – la méthode est bien connue –, désarticulent les bases de notre fonction publique qui constitue pourtant le socle de notre modèle social.

Je ne prendrai qu'un exemple : la disposition qui ouvre la possibilité, si le besoin s'en fait sentir, de recourir à l'intérim, comme dans l'industrie. Curieuse mesure, qui illustre bien la philosophie de ce texte. La fonction publique ne se limite pas à la seule compétence de ses agents ; elle est plus que cela. Le recours possible à l'intérim m'a rappelé cette évocation que Charles Péguy faisait des instituteurs de la IIIe République, ces fameux « hussards noirs » de la République, dans son Cahier de la quinzaine intitulé « L'argent ». Il y décrit la véritable mystique républicaine de ces fonctionnaires, et leur « dévouement sans mesure à l'intérêt commun ». Voilà ce qu'est la fonction publique ! Ce n'est pas seulement la compétence ; c'est aussi autre chose. Comment remplacera-t-on un instituteur ayant une véritable vocation par un instituteur intérimaire ? En commission, nous avons beaucoup parlé des infirmières : il est vrai que dans un bloc opératoire, la technicité des actes rend peut-être possible le remplacement d'une personne par une autre de même compétence, mais ces cas sont très peu nombreux. L'ensemble des tâches de la fonction publique sont accomplies par des personnes qui ont une autre culture, une autre tradition qui dépasse le seul problème de la compétence.

Votre texte, monsieur le ministre, s'inscrit dans le cadre d'une politique économique globale, dont l'objectif affiché – même si l'on en parle moins à l'occasion de ce texte – est bien de ne pas renouveler un poste de fonctionnaire sur deux. Pourquoi un sur deux d'ailleurs et pas deux postes sur trois, ou trois postes sur quatre ? Quoi qu'il en soit, la règle est mathématique. Avons-nous trop de fonctionnaires ? La question mérite d'être posée. Il n'existe pas, à ma connaissance, d'élément comparatif significatif avec d'autres pays, dans la mesure où les notions du service accompli diffèrent selon les lieux.

En revanche, il est vrai que la répartition des fonctionnaires sur le territoire est inégale dans tous les domaines. Or, rien n'est fait : au contraire, ces inégalités de répartition sont maintenues. Il est vrai aussi qu'il existe un décalage entre les administrations déconcentrées et l'administration centrale : plusieurs rapports ont montré que la décentralisation et la reprise d'un certain nombre de tâches aux échelons centraux n'a pas pour autant entraîné la diminution des effectifs de l'administration centrale. Il est vrai, enfin, qu'il existe des doubles emplois dans la fonction publique territoriale entre les niveaux communal et intercommunal : faute de les harmoniser pour construire la commune du XXIe siècle, qui devrait être la communauté, ces doubles emplois perdurent et le texte n'y répond pas.

Au fond, il s'agit d'un texte ambivalent, dont certaines dispositions – je l'ai dit – ne sont pas inintéressantes, mais dont la philosophie générale est lourde de significations. C'est pourquoi les socialistes et les hommes et les femmes de gauche ne sauraient approuver une telle orientation : nous voterons contre ce texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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