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Intervention de Bernard Derosier

Réunion du 2 juillet 2009 à 15h00
Mobilité et parcours professionnels dans la fonction publique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Derosier :

Pour reprendre l'exemple que j'ai cité mardi soir, la suppression du poste de secrétaire d'État chargé de la fonction publique à l'occasion du remaniement ministériel pose question, vous en conviendrez ! Cette décision est étonnante au moment où des sujets stratégiques, comme la mobilité ou le dialogue social, sont en cours de discussion. Vous avez, par communiqué, souligné que si la fonction publique n'avait plus de secrétaire d'État, elle avait un ministre, et que c'était vous. Certes, mais vous avez de si lourdes charges, monsieur le ministre, que la fonction publique, je le crains, ne sera pas la première de vos préoccupations, sauf à dégager les moyens nécessaires à sa mise à mal. Mais j'y reviendrai.

La vision du Président de la République est dangereuse pour l'organisation de l'État, car les valeurs et les principes de la fonction publique risquent d'être subordonnés uniquement aux choix budgétaires opérés par l'autre partie du ministère que vous dirigez, c'est-à-dire le budget.

Par ailleurs, dans cette droite ligne, le Gouvernement a confirmé, dans le débat d'orientation des finances publiques, la suppression d'au moins 34 000 postes de fonctionnaires dans le budget de l'État pour l'année 2010. Ces dizaines de milliers de suppressions de postes, ajoutées à celles décidées ces dernières années, vont fragiliser encore davantage notre capacité d'intervention publique ainsi que nos équilibres territoriaux.

Enfin, le Gouvernement nous propose aujourd'hui un texte qui, s'il est adopté, aura à terme pour conséquence de modifier profondément le visage de la fonction publique française.

Les organisations syndicales s'y sont fortement opposées et, le 26 mars 2008, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, que j'ai l'honneur de présider, a émis un avis négatif sur ce projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. Aucune voix favorable, y compris du collège employeur, n'y a été exprimée, tandis que, devant le Conseil supérieur de la fonction publique de l'État, seuls les représentants de l'administration ont approuvé ce projet. Mais pouvaient-ils faire autrement ?

Ce vote résulte de l'opposition aux dispositifs principaux du texte que sont l'accompagnement financier des mobilités liées aux restructurations, le dispositif de réorientation professionnelle, le cumul d'emplois à temps non complet et l'introduction de l'intérim, qui instituerait une nouvelle voie d'accès sans concours à la fonction publique et une nouvelle catégorie d'agents, ainsi qu'une remise en cause du statut.

Alors que la mission des conseils supérieurs de chacune des fonctions publiques est d'assurer la concertation nécessaire au suivi des textes législatifs et réglementaires concernant les agents, le Gouvernement ne veut pas entendre leur appel. Cela est d'autant moins étonnant qu'actuellement, la dimension du dialogue social dans la fonction publique est sinistrée, que ce soit sur les aspects statutaires ou sur les salaires. Votre affirmation d'une augmentation de 3 % est une contrevérité, monsieur le ministre, dans la mesure où vous englobez dans ce pourcentage des mesures annexes qui ne correspondent en rien à la rémunération indiciaire des fonctionnaires.

Le Gouvernement n'a pas renoncé à s'attaquer aux fonctionnaires coupables d'être, selon lui, en trop grand nombre dans un service public qui n'en demande pas tant.

Sur la forme, ce texte pose en soi un problème de méthode. En effet, alors que le Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique était en cours d'élaboration, nous avons vu arriver en mars 2008, à la surprise générale, le projet de loi sur la mobilité. Je m'étais étonné l'an dernier de la précipitation qui menait le Gouvernement, sans attendre la publication de ce Livre blanc ni tenir compte des conclusions des concertations engagées depuis plusieurs mois, à présenter une réforme de la fonction publique censée accompagner la procédure de révision générale des politiques publiques.

Quant au recours à la procédure d'urgence, faut-il rappeler qu'après l'adoption du texte par le Sénat dès le 29 avril 2008, soit vingt jours après son adoption par le conseil des ministres, et son examen par notre commission des lois le 4 juin suivant, nous en sommes toujours au même point plus d'un an après ? En effet, d'annonce en annonce, son examen a plusieurs fois été reporté et, pour tenir compte de notre nouveau règlement intérieur, nous avons été amenés à procéder à un second examen en commission des lois le 17 juin. Vous conviendrez, dans ces conditions, monsieur le ministre, que le concept d'urgence mérite au moins, en l'occurrence, une sérieuse reconsidération !

En vérité, le recours à l'urgence a pour conséquence d'entraîner une seule lecture dans chacune des assemblées, et donc, de limiter le débat parlementaire. Comme le Gouvernement serait tranquille s'il n'y avait ni Parlement ni opposition !

Par ailleurs, lors de la dernière réunion de la commission des lois, le Gouvernement a présenté pas moins de douze amendements tendant à créer, par des articles additionnels, des dispositions nouvelles. Voyant dans ce texte le moyen législatif adéquat pour faire passer de multiples dispositions, le Gouvernement s'est opportunément intéressé à ce projet de loi qui était en souffrance depuis plus d'un an et se retrouve ainsi inscrit à l'ordre du jour de notre session extraordinaire de juillet. La période est bien choisie pour faire taire les contestations extérieures ! Mais tout à l'heure, monsieur le ministre, les organisations syndicales de la fonction publique dans leur ensemble viendront à nos portes témoigner de leur violente opposition à votre projet. Vous qui vous prétendez un défenseur des fonctionnaires et de la fonction publique, je vous invite à venir avec moi saluer les représentants des fonctionnaires !

Sur le fond, l'orientation générale du texte n'a pas changé depuis son examen par le Sénat : l'objectif, à travers ce projet de loi, est finalement d'assurer la mobilité des fonctionnaires de l'État puisque, partant du concept de révision générale des politiques publiques, le Gouvernement considère que l'objectif numéro un est de diminuer le nombre de fonctionnaires de l'État.

Ainsi, le texte proposé ne répond pas aux problèmes soulevés pour réformer la mobilité et les parcours professionnels des agents publics, et, par conséquent, ne donne pas lieu à délibérer. Par ailleurs, il est contraire aux principes constitutionnels et républicains qui fondent le statut de la fonction publique. Ce n'est guère surprenant, car cela illustre le fait que la République ne constitue plus la référence fondamentale du pouvoir en place. Quand le chef a parlé, les sujets doivent se taire !

Sous couvert de lever les obstacles juridiques à la mobilité des fonctionnaires et de créer les conditions permettant d'assurer la continuité et l'adaptation du service public, le projet de loi se donne pour objectif d'octroyer aux administrations de nouveaux outils pour gérer les restructurations liées à la RGPP et, donc, faciliter les réductions d'effectifs.

Favoriser la mobilité des fonctionnaires est un objectif louable, mais le texte proposé présente un déséquilibre : c'est surtout la mobilité de la fonction publique de l'État vers les collectivités territoriales qui est visée. D'ailleurs, plusieurs dispositions du texte risquent de se traduire par des surcoûts pour les collectivités locales, même si aucun fonctionnaire de l'État ne leur est imposé. Le recrutement de fonctionnaires de l'État par les collectivités locales ne donnerait lieu à des aides de l'État que de façon facultative et limitée. Ces fonctionnaires conserveraient leurs avantages indemnitaires, entièrement à la charge de la collectivité qui les recrute. Les dispositions prévoyant que le détachement ou la disponibilité sont de droit lorsque le fonctionnaire bénéficie de l'accord d'une administration ou de tout autre organisme public ou privé pour exercer des fonctions en son sein risquent d'entraîner de lourdes charges pour les collectivités en cas de réintégration du fonctionnaire. Ces situations peuvent peser lourdement sur de petites collectivités. C'est désormais la règle pour l'État de faire payer les collectivités territoriales. Une disposition vient encore d'être confirmée par le Gouvernement : il s'agit du versement de la GIPA aux fonctionnaires d'État devenus fonctionnaires territoriaux – je pense aux techniciens et ouvriers de service dans les collèges et les lycées. C'est par référence à une période où ils étaient salariés de l'État que le calcul de la GIPA qui peut leur être versée a été établi. Il eût été normal que l'État compense cette dépense supplémentaire, non prévue dans les transferts. Le Gouvernement a arbitré et décidé que c'était aux collectivités territoriales de payer.

Aujourd'hui, trop peu d'agents parviennent à passer d'un ministère à un autre ou d'une fonction publique à l'autre. Les passerelles ne fonctionnent pas suffisamment. Soit ! Mais le contexte politique lui-même pose question avec l'accélération de la suppression d'emplois publics. Ainsi, on nous parle de mobilité, mais dans le même temps, on restreint les débouchés. Vous conviendrez, mes chers collègues, que l'on a du mal à s'y retrouver !

Le projet de loi, présenté comme la panacée pour les fonctionnaires, ne répond donc pas à leurs attentes fortes et réelles en matière d'amélioration de la mobilité, entre les différents versants de la fonction publique et au sein de chacun d'entre eux. À l'inverse, l'objectif gouvernemental est la remise en cause des principes statutaires de la carrière et de séparation du grade et de l'emploi, auxquels les agents sont attachés, parce qu'ils leur permettent d'exercer leur mission de service public en toute sérénité et surtout en toute neutralité.

La mobilité doit profiter aux agents et à la qualité du service rendu. Or, dans ce texte, elle n'est prise en compte que comme outil de restructuration pour l'État basé sur un objectif d'allégement drastique de son budget à travers ses missions et ses emplois. De la même manière, le projet de loi élargit pour la fonction publique de l'État le recours à des agents contractuels.

La loi prévoit aujourd'hui que les remplacements des titulaires, « dans la mesure où ils correspondent à un besoin prévisible et constant, doivent être assurés en faisant appel à d'autres fonctionnaires ». Il est proposé ici d'introduire la possibilité de ne pas respecter cette règle statuaire. Or le fait que l'État n'ait pas donné aux administrations les moyens de respecter la loi ne saurait justifier que l'on adopte des dispositions moins protectrices !

Autoriser et renforcer le recrutement de personnels sous contrat, en dehors des seuls besoins ponctuels déjà prévus par la loi, c'est introduire plus de flexibilité et de précarité dans la fonction publique, ce que nous ne pouvons accepter ! La permanence de l'emploi – et donc du statut – est la garantie fondamentale de la continuité du service public et du bon exercice des missions.

Mais le summum de votre volonté destructrice du service public, c'est le recours à l'intérim. Pourquoi une telle disposition, puisqu'elle n'est pas nécessaire dans la mesure où le statut prévoit les modalités de recrutement de contractuels ? En effet, les dispositions législatives permettent de recruter des vacataires et des saisonniers, et les centres de gestion ont mis en place des services de remplacement pour les collectivités territoriales. Notre rapporteur, président de la Fédération des centres de gestion, pourrait vous l'expliquer, même s'il a signé, par ailleurs, une proposition de loi tendant à faciliter le recrutement d'agents hors statut dans les collectivités territoriales à la seule discrétion des exécutifs locaux !

C'est pourquoi je pense qu'il s'agit, monsieur le ministre, d'un moyen déguisé pour économiser des postes. L'idée-force se cachant derrière ce projet de loi est de favoriser la politique gouvernementale d'allégement des effectifs dans les administrations de l'État pour aller de pair avec le non-renouvellement d'un départ sur deux à la retraite. Ce texte revient donc à accompagner l'hémorragie de la fonction publique.

À l'inverse, le service public a besoin de stabilité pour une bonne gestion de ses emplois et des compétences. C'est pourquoi il doit être servi par des personnels dont la qualification est reconnue, présents sur tout le territoire, et non des salariés interchangeables et corvéables à merci.

Que l'on ne s'y méprenne pas, je ne suis pas opposé à ce que le statut de la fonction publique soit réexaminé et modernisé, mais je déplore que cela arrive par petites touches successives et parfois insidieuses.

En définitive, il est difficile d'admettre que ce texte réponde aux problèmes de mobilité dans la fonction publique et permette de dynamiser les carrières. Par ailleurs, il pose des questions fondamentales qui constituent autant d'inquiétudes et d'incertitudes pour l'avenir de notre service public, des agents et des employeurs publics.

Deux points du projet de loi cristallisent toutes les inquiétudes : d'une part, le recours à l'intérim et, d'autre part, le système de « réorientation professionnelle » prévoyant qu'un agent dont l'emploi est supprimé sera mis en disponibilité sans salaire ou à la retraite s'il refuse trois offres d'emplois publics à la suite. Ce faisant, vous allez augmenter le nombre d'allocataires du revenu de solidarité active. Cette part du budget de l'État devra donc être abondée pour permettre à ces anciens fonctionnaires de vivre a minima du RSA.

Prenant le prétexte de dynamiser les parcours professionnels des fonctionnaires et d'offrir aux administrations publiques des outils permettant une gestion des ressources humaines performante, le Gouvernement invite le Parlement à mettre en cause les grands principes constitutionnels et républicains qui fondent le statut de la fonction publique érigée en 1946.

Ainsi, est contredit dans la foulée le principe d'égal accès des citoyens aux emplois publics proclamé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel, tous les citoyens étant égaux aux yeux de la loi, ils « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Afin de garantir au mieux le respect de ce principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics, le recrutement des agents de la fonction publique s'effectue en principe par voie de concours. Cependant, le projet de loi, affirmant créer les conditions qui permettent d'assurer la continuité et l'adaptation du service, propose de recourir à l'intérim pour faire face à des besoins temporaires dans les administrations publiques.

Sous couvert de lutter contre la précarité dans la fonction publique, le Gouvernement nous suggère de recourir à des entreprises de travail temporaires afin de limiter le recours aux contractuels – recours, soit dit en passant, élargi par le présent texte lui-même ! – ou à des vacataires. Étrange logique qui veut que, pour lutter contre la précarité dans la fonction publique, on sape les fondements mêmes de cette dernière, de son recrutement et de son statut !

Quand on ne peut intellectuellement ou politiquement critiquer un principe, le vider de son contenu est une façon habile de le mettre à mort sans le dire ! En effet, en application de la règle énoncée par l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 constituant le titre Ier du statut général des fonctionnaires, les emplois permanents de l'administration doivent être occupés par des fonctionnaires et les cas de recours aux agents non titulaires sont limitativement énumérés par les dispositions propres à chacune des trois fonctions publiques. Dès lors, la règle est que l'emploi soit occupé par un fonctionnaire titulaire qui bénéficie, par définition, d'un emploi statutaire.

La lutte contre la précarité devrait donc se concentrer sur la question de l'application et de la pertinence du statut de la fonction publique. D'ailleurs, justifier le recours à l'intérim pour «éviter la reconstitution d'un vivier de précaires au sein de la fonction publique » est un argument qui ne manque pas d'audace : le Gouvernement essaie de nous faire croire que les salariés intérimaires ne sont pas des salariés précaires ! Je souhaiterais qu'il trouve un meilleur argument que celui-là pour expliquer une situation qui est, de toute façon, injustifiable et inacceptable, car le remplacement d'un fonctionnaire par un agent intérimaire augmentera les formes d'emplois précaires. Les hôpitaux ont, certes, recours aux intérimaires pour faire face à la pénurie de personnel, mais est-ce une raison pour généraliser l'intérim ? La solution ne consiste-t-elle pas plutôt à augmenter le nombre de recrutements d'agents titulaires ? Évidemment, pour le Gouvernement, il n'en est pas question, puisque l'objectif est justement de supprimer des postes de fonctionnaires !

C'est pourquoi cette mesure s'inscrit pleinement dans la logique de la révision générale des politiques publiques. Outre le fait qu'elle a vocation à faire économiser des postes, elle traduit également l'idéologie du Gouvernement qui consiste à banaliser le contrat dans la fonction publique et à dénaturer le statut. Or remplir une mission de service public n'est pas la même chose que servir les intérêts d'une entreprise privée. Imagine-t-on un jour de faire appel à des juges intérimaires, par exemple, s'il manquait des magistrats dans un tribunal ?

Nous sommes donc face à des intérêts totalement contradictoires. Vouloir imposer l'intérim est tout simplement idéologique. Ce n'est d'ailleurs pas sans lien avec la volonté d'externaliser de plus en plus de missions de service public. C'est aussi dans la lignée de ce que préconise le Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique qui vise à substituer la logique du marché à celle du service public.

Le texte que nous examinons comporte précisément un ensemble de mesures qui confondent manifestement les logiques de l'emploi public et celles de l'emploi privé. En effet, si l'embauche de contractuels pose déjà des problèmes déontologiques, comment un ministre de la fonction publique peut-il soutenir qu'un salarié mis à disposition de l'administration par une entreprise de travail temporaire sera soumis aux mêmes obligations s'imposant à tout agent public ? Le secret professionnel, la discrétion professionnelle, toutes ces qualités d'un fonctionnaire, qui font partie de sa déontologie, ne se retrouveront pas forcément chez des personnes qui, en toute bonne foi, auront fait appel à une agence d'intérim pour trouver un emploi.

Le projet de loi présenté par le Gouvernement comporte aussi, pour tous ceux qui sont attachés à la qualité du service public, des mesures inacceptables, notamment cette mobilité définitive des fonctionnaires qu'on renverrait s'ils n'acceptent pas les mutations qu'on leur impose. Ce processus de «réorientation professionnelle », puisque c'est de cela qu'il s'agit, est une situation qui sera imposée au fonctionnaire et qui pourra déboucher sur un licenciement de fait pour l'agent placé en disponibilité d'office – donc sans traitement – ou, le cas échéant, admis à la retraite. Il s'agit là non seulement d'une remise en cause de la garantie de l'emploi, principe fondamental du statut, mais aussi d'une remise en cause du principe de la fonction publique de carrière. Cette réorientation s'appliquera dans un cas bien précis : celui où le poste de l'agent est supprimé ou susceptible de l'être suite à une restructuration. Cette réorientation est donc la suite logique des destructions des services publics, le signe de nouvelles suppressions d'emplois et d'introduction de plus de flexibilité dans la fonction publique. Actuellement, l'État multiplie les restructurations de ministères et de services dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Si elle n'est pas strictement encadrée, cette réorientation professionnelle servira donc à maquiller les futures suppressions de postes et d'emplois sous couvert d'engagements de réorientation professionnelle non respectés.

Cette mesure est inadmissible, car son adoption reviendrait à autoriser les employeurs publics à licencier leurs agents, sans autre forme de procès, après trois refus de postes consécutifs, en laissant ces derniers sans salaire, sans avancement et sans droit à la retraite ! Je me demande d'ailleurs si cette disposition s'appliquera aussi aux préfets placés hors cadre, lorsqu'ils ne seront plus en odeur de sainteté auprès du pouvoir central ? Cette question peut vous faire sourire, mais elle inquiète fortement les fonctionnaires de notre pays, car la mobilité instaurée par le projet de loi est un peu curieuse : elle est, en effet, de renvoyer purement et simplement dans leurs foyers les fonctionnaires qui refuseront les propositions de mutation qui leur seront présentées, c'est-à-dire de les licencier et de les envoyer au chômage.

Au regard de ces éléments, les députés du groupe socialiste, républicain, citoyen et divers gauche voient dans cette mesure une grave atteinte au principe de garantie de l'emploi et la généralisation de la précarisation du métier de fonctionnaire. C'est pourquoi nous nous opposons fermement à une application systématique de la logique de la révision générale des politiques publiques qui anime le Gouvernement, et qui consiste à « dégraisser », y compris au sein de la fonction publique.

Le Gouvernement a fait de la baisse du nombre de fonctionnaires un des symboles de la rigueur de sa politique budgétaire, ce qui confirme l'approche purement comptable et idéologique du service public et de la fonction publique et le peu de considération à l'égard du travail des fonctionnaires.

L'objectif du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique est en cela limpide : le Gouvernement veut diminuer le nombre de fonctionnaires de l'État ! C'est pour cette raison qu'il faut craindre un plan de restructuration de la fonction publique et un démantèlement de nombreuses administrations. Cela anticipe une restructuration drastique à l'échelle d'un employeur – l'État – qui emploie à lui seul 2,5 millions d'agents publics et parmi eux les enseignants, les policiers, les magistrats, les militaires. En clair, on assiste à une vaste opération de destruction des fondements de la fonction publique qui mettra à mal le bon fonctionnement des services publics. En effet, ce projet de loi constitue moins un texte en faveur de la mobilité et des parcours professionnels des fonctionnaires qu'une remise en cause du statut de la fonction publique, afin de permettre la mise en oeuvre des restructurations qui découlent de la RGPP. À ce propos, je déplore que, depuis le lancement de cette RGPP en 2007, aucun débat sur le périmètre des missions des services publics ou sur la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales n'ait eu lieu. Le défaut majeur de cette politique est bien d'avoir fait l'impasse sur le sens des réformes à partir de l'examen des missions de service public pour y entrer à travers les moyens et le coût associé à la masse salariale des agents publics.

La politique budgétaire du Gouvernement a eu pour conséquence de nombreuses restructurations dans les services publics et une régression sans précédent des conditions d'exercice des missions de service public dans notre pays.

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