Au terme de plusieurs mois de réflexion et de consultations, vous nous proposez, madame la ministre, un texte pragmatique, réaliste, qui s'empare d'un problème difficile à résoudre. Un de ces problèmes considéré comme mineur par d'aucuns, alors qu'il ne l'est pas, considéré comme simple par d'autres – n'est-ce pas, monsieur Demilly ? – alors qu'il ne l'est pas davantage.
L'enjeu est clair. Il s'agit, dans un pays comptant 10 millions de chiens, répartis en plusieurs centaines de races et leurs croisements, et vivant avec nos enfants dans l'intimité de nos familles, de prendre des dispositions préventives pour que ne se produisent pas des accidents graves risquant d'atteindre l'intégrité physique, voire la vie, de nos concitoyens les plus jeunes ou les plus faibles.
Comment le faire sans stigmatiser telle ou telle race, car le critère de la race n'est pas le bon ? En effet, cela a été dit à plusieurs reprises, la plupart des accidents ne sont pas le fait de chiens réputés dangereux au sens de la loi de 1999.
Enfin, comment prendre en compte le rôle des maîtres, si important dans le comportement du chien, tout en respectant un équilibre entre dispositions réglementaires et libertés individuelles ?
Le texte intègre l'ensemble de ces contraintes, en tient compte et produit un ensemble de solutions cohérentes.
Outre les mérites des rédacteurs qui ont imaginé, sous votre autorité, madame la ministre, ce projet de loi et l'ont fait évoluer, le fait de prendre les avis d'experts et de professionnels pour appréhender la situation sous tous ses angles a été une bonne idée. Je vous le dis, ce texte donne satisfaction aux professionnels qui ont à connaître les difficultés que causent les chiens mordeurs dans la vie courante.
Ce préalable étant posé, quelles sont les lignes de force de la loi qui est soumise à notre sagacité ?
Premièrement, le texte, sans méconnaître la nécessaire répression des abus et des fautes, se préoccupe surtout de prévention en s'appuyant sur un principe clé : en cas d'accident, la responsabilité du maître, quant au comportement du chien, est toujours engagée. On ne réglera pas le problème en affirmant qu'il faut supprimer les mauvais chiens, monsieur Demilly. C'est la source des mauvais maîtres qu'il faut tarir. C'est la seule solution, et c'est parce qu'on a oublié cette évidence en 1999 que le problème n'a pas été résolu.
Deuxièmement, sans renoncer à la catégorisation – chiens dangereux, d'attaque ou de défense –, ce qui eût été impossible dans le contexte actuel, le texte introduit l'idée que tout chien est potentiellement dangereux. Il dispose ensuite que tout chien dangereux, ou évalué comme tel, doit être soumis, ainsi que son maître, à des règles précises. Tous les cas de figure sont envisagés.
Tout d'abord, un maire ou le préfet peut prescrire l'évaluation comportementale d'un chien estimé ou signalé dangereux. Si l'animal est reconnu comme tel, son maître pourra se voir imposer une formation lui conférant l'aptitude à détenir un tel animal.
Ensuite, dans l'esprit de la loi de 1999, un chien dit « dangereux », selon la définition de l'article L. 211-12 du code rural, doit toujours subir une évaluation comportementale, et son maître doit obligatoirement détenir une attestation d'aptitude.
Enfin, et cette innovation est majeure, tout chien, quel qu'il soit, s'il vient à mordre, glisse immédiatement dans la catégorie des chiens dangereux et doit être soumis à la même évaluation comportementale. Le cas échéant, au vu de cette évaluation, le maître se voit imposer de suivre une formation pour obtenir une attestation d'aptitude.
Sans entrer dans les détails de la loi, car nous allons le faire ensemble, j'affirme qu'en prévoyant de prendre en compte le couple chien-maître, lorsqu'un animal est classé comme dangereux au titre de l'article L. 211-12, qu'il est soupçonné d'être dangereux, par jugement du maire ou du préfet, ou qu'il a prouvé qu'il était dangereux parce que mordeur, la loi couvre l'éventail du risque.