Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui d'un texte visant à compléter et à renforcer les dispositifs législatifs existants, en réponse aux accidents graves impliquant des chiens survenus depuis l'été dernier et dont les médias se sont abondamment fait l'écho.
Avant d'aborder le contenu de votre projet de loi, madame la ministre, je veux dénoncer la pratique gouvernementale – qui n'est certes pas récente – consistant à présenter une loi en réaction à un drame ou un fait d'actualité. Nous savons tous que la législation d'émotion est vouée à l'échec, parce qu'elle ne prend ni le temps de la réflexion, ni le recul toujours nécessaire, et parce qu'elle sera balayée à la prochaine vague d'émotion légitime. La révision de la législation opérée en 2007 n'a pas encore pu porter ses fruits qu'elle est déjà jugée obsolète et inefficace ! Le Parlement ne peut légiférer sans cesse dans la précipitation, sous le coup de l'émotion et de la pression médiatique, sous peine de produire des lois imprécises se réduisant à un effet d'annonce.
La question des chiens dangereux n'est pas récente : en 1999, le gouvernement Jospin a apporté une première réponse avec la loi relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux. Ce texte a créé des catégories de chiens en fonction de leur dangerosité, et imposé des obligations aux maîtres assorties de sanctions.
Neuf ans plus tard, un double constat s'impose : la loi reste peu et mal appliquée par les différents acteurs. Alors qu'elle prévoyait la création d'une fourrière par commune ou groupement communal, force est de constater que cet objectif est toujours de l'ordre de l'incantation. Malgré un volet très répressif, elle n'a pas permis d'éliminer tous les chiens dangereux et encore moins les accidents.
Le principe de classification des chiens en fonction de leur dangerosité apporte des réponses, mais ne saurait tout régler, car il a ses limites. Ainsi, il est exagéré de penser que tous les chiens de première catégorie sont dangereux : les statistiques montrent que la majorité des morsures sont le fait de chiens non classés comme dangereux. Les efforts ne doivent pas seulement porter sur l'interdiction de certaines races de chiens, mais prendre davantage en compte la responsabilité des maîtres et le comportement de l'ensemble des chiens. À mon sens, vous ne le faites pas suffisamment.
La formation du propriétaire est essentielle et votre projet, madame la ministre, fait des avancées dans ce domaine. Mais il reste vague s'agissant du contrôle de l'application des mesures proposées et des moyens qui seront alloués pour assurer le respect de cette législation. Il est fort à craindre que cette loi, comme la précédente, ne soit pas vraiment appliquée.
Vous faites également porter une très lourde responsabilité sur les maires. Or je m'inquiète de l'insécurité juridique qui entoure cet édifice. Quelle sera, par exemple, la responsabilité du maire en cas de morsure d'un individu dans sa commune si le propriétaire du chien n'est pas en possession de l'attestation d'aptitude ? Il sera difficile pour les maires d'appliquer les nouvelles mesures à moyens constants. À l'heure où la responsabilité juridique des élus est de plus en plus souvent engagée et compte tenu du manque de renouvellement de la classe politique locale, surtout en milieu rural, il serait dangereux, à mon avis, d'élargir le champ de la responsabilité des élus.
Les récents accidents ont aussi montré que les victimes sont souvent des enfants. Les parents ont une responsabilité s'agissant tant de l'éducation de leurs animaux que de l'éducation des enfants en contact avec ces animaux. Peut-être pourrions-nous aussi réfléchir à l'idée que l'école transmette les règles essentielles de précaution et de sécurité aux enfants, et ce dès leur plus jeune âge. On pourrait par exemple envisager la rédaction d'un livret. Le présent texte ne prévoit rien en matière d'éducation s'agissant du rapport entre l'homme et l'animal.