Monsieur le secrétaire d'État, l'Union européenne est un acteur essentiel de la lutte contre le changement climatique, qui constitue un problème mondial.
Les transports constituent le premier secteur responsable des émissions de gaz à effet de serre en France avec 26 % des émissions ; ils arrivent au second rang en Europe avec un taux de 21 %. Par rapport à 1990, année de référence du protocole de Kyoto, c'est le seul secteur dont le volume d'émissions ait augmenté.
La route assure 85 % du trafic de voyageurs – contre 6 % pour le rail – et 84 % du trafic de marchandises – contre 10 % pour le rail, et 3 % seulement pour le transport fluvial. Or c'est le chapitre qui lui est consacré qui nourrit le plus de critiques. Le compte n'y est pas, regrettent les organisations syndicales et les associations de défense de l'environnement.
En effet, on constate plusieurs reculs importants par rapport au relevé de conclusions de la négociation achevée en octobre dernier. Si l'objectif de réduire de 20 % les émissions de dioxyde de carbone d'ici à 2020 figure bien dans le texte, les doutes grandissent sur la politique proposée pour y parvenir, car tenir cet engagement nécessite une rupture avec les politiques précédentes. Nous attendions une révolution écologique, selon les propres termes du Président de la République. Craignons qu'elle n'ait pas lieu.
Le projet de loi qui nous est soumis s'inspire du long et fructueux travail du Grenelle, mais en pratiquant le tri sélectif : il omet certains principes phares appelant une rupture avec le système actuel qui ont pourtant été approuvés par l'ensemble des parties et, dans le même temps, il estampille « Grenelle » des décisions prises par le Président de la République – que vient, par exemple, faire l'allusion aux partenariats publics privés dans ce texte ?
Il n'y a pas ici les éléments de choix de « rupture » ou de « changement drastique de stratégie dans les transports », comme le suggérait le titre du chapitre négocié au Grenelle. Les grands effets d'annonce ne font pas une politique des transports.
Une tribune publiée dans Le Monde en mars dernier, signée par de nombreux acteurs du Grenelle, redonne à celui-ci ce qui doit être à mon sens sa finalité : « Nous avons travaillé ensemble pour que le Grenelle marque une rupture dans le laisser-aller d'un mode de développement qui brûle ses vaisseaux et pour qu'il ouvre en même temps des pistes constructives vers de nouvelles façons de produire, de consommer, de se déplacer, d'innover, de se nourrir, de se loger, d'organiser le territoire, de respecter la nature… Autrement dit, cette réflexion ne se limite pas à des mesures écologiques ; elle porte un véritable projet de société. »
Le transport s'inscrit en effet dans une réflexion d'ensemble : on ne transporte pas pour transporter mais bien pour répondre à un besoin dans l'organisation de la production et du vivre ensemble. Ce secteur, le plus émissif en émissions de gaz à effet de serre, et deuxième consommateur d'énergies fossiles, est un levier majeur d'action urgente qu'il convient d'actionner pour que le Grenelle ne soit pas, comme on peut aujourd'hui le craindre, un acte manqué.