Nous persistons à affirmer que ces deux mesures, en remettant en cause le principe même de l'imposition du patrimoine, sont inconstitutionnelles. Cela est particulièrement vrai de l'article 6, qui prévoit la déduction des versements au capital des PME. L'impôt choisi n'est plus un impôt. Quel contribuable ordinaire peut s'exonérer d'un impôt avec la perspective d'en obtenir un rendement sur investissement de l'ordre de 15 % ? C'est encore plus choquant quand le dispositif s'étend aux investissements dans les fonds communs de placement, qui n'ont même plus l'argument du risque. Sur ces différents points, le Conseil constitutionnel devra donner son interprétation.
Quant au mécanisme voté par le Sénat, qui permettait à un contribuable de décider lui-même de l'application de son bouclier fiscal à l'ISF, il a été heureusement supprimé par la commission mixte paritaire. Une question est d'ailleurs, me semble-t-il, restée sans réponse dans nos débats. L'ISF ainsi évité sera-t-il décompté des impôts pris en compte dans le bouclier fiscal ?
Non content d'augmenter les inégalités individuelles, vous réhabilitez les inégalités de naissance à trois jours de l'anniversaire de la nuit du 4 août, qui vit l'abolition des privilèges. Ils étaient quatre Français sur cinq et neuf conjoints sur dix à être déjà totalement exonérés des droits de succession. Vous voulez qu'ils soient presque cinq sur cinq et dix sur dix. Est ce ainsi que vous favorisez la société du travail ?
Comme l'écrivait Philippe Frémeaux, « une société où le pouvoir se transmet sans avoir à faire preuve de mérite a un petit goût d'Ancien régime ; c'est une société condamnée à une croissance lente où les rentiers l'emportent sur les créateurs ».
On retrouve cette expression sous d'autres formes dans la bouche de nombreux chefs d'entreprises, parmi les plus grandes, qui considèrent que fonder l'essentiel de la transmission d'entreprise sur l'héritage n'est pas la meilleure façon de construire une économie dynamique. Et dans ce domaine, les cadeaux se sont multipliés au cours de nos débats avec, par exemple, la majoration de l'abattement à 7 500 euros au profit des neveux et nièces.