Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, faut-il réformer la Constitution, la moderniser ? Une réforme n'est jamais inutile dans la mesure où une démocratie est vivante et la République appelée à évoluer. On peut donc imaginer y apporter des améliorations. J'ajoute qu'il est toujours plus facile de procéder à ce genre de réforme en début de législature que vers la fin, où l'on ne peut être suspecté de manoeuvres électorales diverses.
Chacun sait ici que la Constitution n'est ni un texte de gauche, de droite ou du centre, mais d'abord un texte républicain qui doit s'appliquer quelle que soit la majorité. Pour modifier une Constitution, encore faut-il un climat de confiance et d'écoute réciproque au sein du paysage politique afin de parvenir à un consensus. Or ce climat de confiance est fortement mis à mal aujourd'hui.
Quand M. Sarkozy nous dit qu'il tend la main, qu'on peut la prendre sans risque de se la voir tordre, il faut se rappeler ce qui s'est passé mardi matin : une fois de plus, la majorité parlementaire a refusé la discussion d'une proposition de loi du groupe socialiste. Je ne lui conteste pas le droit de s'opposer à nos propositions, mais son refus à voir notre texte discuté montre bien qu'elle n'est disposée à accorder à l'opposition que le minimum du minimum… Tout cela, les citoyens l'ignorent : ils s'imaginent que l'opposition peut déposer des textes, ce qui n'est pas le cas du tout ! Cela montre bien votre état d'esprit qui ne nous incite guère à la confiance au moment d'entamer cette discussion.
Ajoutons que les ultimes péripéties de la discussion du projet de loi relatif aux OGM – motions de procédure raccourcies, absence de vote solennel, CMP tronquée – ne contribuent pas à établir un climat propice.
Par ailleurs, une modification constitutionnelle doit s'établir suivant quelques grands axes. Or ce texte souffre de nombreuses lacunes. Je n'ai pas le temps de toutes les développer – d'ailleurs, cela a déjà été fait par plusieurs orateurs. Je n'en citerai que trois.
En premier lieu, on n'évoque pas la situation du Sénat, qui est illégitime et où l'alternance s'avère impossible : il ne s'agit pas d'une assemblée démocratique. C'est un vrai problème, que vous avez préféré ignorer, mais sur lequel il faudra bien, un jour ou l'autre, revenir.
En deuxième lieu, on ne comptabilise pas le temps de parole du Président de la République dans les médias. Le Premier ministre vient de nous expliquer qu'une telle disposition serait techniquement difficile à mettre en oeuvre : il serait par exemple absurde de tenir compte de la réception d'un chef d'État étranger. Le problème, c'est qu'aucun des prédécesseurs de l'actuel président, quelle que soit leur couleur politique, n'a abusé comme lui de l'appareil médiatique.