Hier, monsieur le Premier ministre, vous vous êtes adressé à chacun d'entre nous, à la majorité comme à l'opposition, rappelant l'enjeu du texte de loi constitutionnelle qui nous est proposé, pour notre pays, notamment pour notre assemblée.
Pour notre assemblée, car il est vrai, on l'a rappelé, que la Constitution originelle de la Ve République créait un équilibre des pouvoirs entre un Parlement qui, certes, ne disposait plus des prérogatives excessives de la IVe République, mais restait un acteur important de la vie publique face à l'exécutif autour du chef de l'État.
Chacun le sait, et cela a été longuement rappelé depuis le début de nos débats, l'élection au suffrage universel du Président de la République, celui-ci disposant de surcroît du droit de dissolution, modifia cet équilibre.
Plus récemment, le passage du septennat au quinquennat – que, pour ce qui me concerne, je n'ai pas soutenu – a encore accru cette primauté du chef de l'État en inscrivant son action dans un délai plus court.
Ce qui nous est proposé aujourd'hui, c'est tout d'abord un rééquilibrage des pouvoirs, à travers la maîtrise d'une part significative de l'ordre du jour, une primauté donnée aux travaux des commissions dans la préparation de la loi, une rationalisation de l'usage de la procédure contraignante prévue au troisième alinéa de l'article 49, sans remettre en cause la capacité, pour l'exécutif, sur les textes essentiels, notamment le budget, de disposer des moyens de gérer le pays.
Qui d'entre nous, à un moment ou à un autre de sa vie parlementaire, n'a pas souffert, dans sa fonction de législateur, de ce carcan dans lequel l'Assemblée s'est peu à peu retrouvée, en même temps que la montée des pouvoirs locaux et celle de la production législative européenne limitaient son champ d'action ?
Le chef de l'État s'est engagé sur cette réforme durant la campagne présidentielle, comme vous, monsieur le Premier ministre, qui avez toujours cru à la nécessité de la réforme des institutions – et je peux en témoigner – pour redonner sa place au Parlement.
Nous nous devons de saisir cette occasion, dont il est vrai qu'elle est exceptionnelle et qu'elle ne se reproduira peut-être pas.
Cette réforme, elle est aussi celle qui peut faire basculer définitivement notre Parlement dans le camp de la modernité, en l'ancrant dans sa double fonction de législateur et de contrôle de l'action du Gouvernement. Cette fonction de contrôle, si longtemps ignorée et encore tant limitée ! Pour ma part, je n'ai jamais cru, pas plus que chacun d'entre nous, que le contrôle puisse s'exercer au travers des questions orales sans débat ou des questions au Gouvernement. Je n'ai jamais cru qu'un Parlement accomplissait son travail de contrôle en consacrant deux heures à l'examen d'une loi de règlement qui est le résultat d'une politique budgétaire et de l'action des ministres, quand il consacre deux mois au vote du budget, qui est une intention.
En affirmant la place des lois de programmation, qui inscrivent l'action de l'État dans la durée autour d'objectifs, en officialisant la mise à disposition de la Cour des comptes dans l'assistance au Parlement pour le contrôle de l'action du Gouvernement, en affirmant la place de l'évaluation des politiques publiques, et en nous associant aux nominations des principaux responsables, la réforme de la Constitution fait de notre Parlement un Parlement moderne, en lui donnant les prérogatives de tous les Parlements que nous connaissons, ceux des pays scandinaves, du Royaume-Uni, de l'Allemagne et du Canada.