À cette question, vous ne trouverez qu'une seule réponse objective : le Sénat ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Puisque vous posez une question dont vous connaissez la réponse, il ne vous reste plus qu'à nous apporter la solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nous l'attendons avec un grand intérêt.
Le projet de loi constitutionnelle prétend redonner une place centrale au Parlement. Nous ne pouvons que souscrire à cette démarche, tant il est vrai que la Constitution de la Ve République s'est construite sur le principe du parlementarisme rationalisé, lequel s'apparente souvent à un parlementarisme empêché.
De ce point de vue, le recours systématique aux ordonnances prévues à l'article 38 occupe une place de choix dans l'arsenal destiné à affaiblir le rôle du Parlement. Évoquons un exemple historique, trop souvent oublié, des errements de ce parlementarisme rationalisé. En 1967, les députés de droite, majoritaires, rechignent à laisser Georges Pompidou faire passer un certain nombre de mesures économiques et sociales via la procédure de l'article 38. Le Premier ministre décide alors d'utiliser le troisième alinéa de l'article 49. Ainsi, il pose la question de confiance sur le projet de loi autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures d'ordre économique et social ! Cet épisode est un sommet du parlementarisme rationalisé.
Disons le tout de suite : il n'est pas dans nos intentions de créer une polémique partisane sur la question du recours aux ordonnances. Tous les gouvernements ont contribué à ce que le Parlement devienne, selon les termes du Conseil d'État, « l'acteur de son dessaisissement temporaire ».
Les vingt dernières années ont d'ailleurs connu une intensification de l'utilisation de la procédure prévue par l'article 38. En 2004, pour la première fois sous la Ve République, plus de la moitié des textes – 56 % – relevant du domaine de la loi étaient des ordonnances. Cette situation s'est reproduite en 2005, avec une proportion de 63,3 % !
Lorsque le Parlement autorise le Gouvernement à utiliser l'article 38, il choisit de se dessaisir de ses prérogatives. Si cela peut parfois se justifier, cela ne saurait se banaliser comme c'est le cas depuis une vingtaine d'années, d'autant que le champ d'intervention des habilitations s'est considérablement étendu. Longtemps, le recours à cette procédure concernait essentiellement l'actualisation du droit applicable à l'outre-mer, la transcription de directives et la codification. Or, depuis les années 2000, la diversification des sujets abordés est spectaculaire : elle concerne les domaines les plus variés et touche la plupart des branches du droit, y compris le droit civil.
La révision constitutionnelle nous offre l'occasion de donner un coup d'arrêt à cette dérive préoccupante. Le groupe socialiste a déposé un amendement visant à limiter le champ d'intervention des ordonnances, en excluant leur recours – cette facilité – lorsqu'elles investissent le coeur de la compétence normative du Parlement.