Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, on a trop coutume de dire que les questions institutionnelles n'intéressent pas les Français.
Je crois que cette posture est fausse, ou pour le moins incomplète. Nos concitoyens savent fort bien évaluer ce type d'enjeux et faire la différence entre ce qui relève du tripatouillage ou de l'écran de fumée, et le travail de fond destiné à améliorer et à adapter le fonctionnement de notre bien commun le plus précieux : la démocratie.
Nous passons notre temps à dire qu'il faut « décorseter » la société française. Certes, mais nous serions plus crédibles si nous commencions par nous appliquer à nous-mêmes ce principe dynamique !
Or je crois que nous en sommes arrivés aujourd'hui au point où se joue notre responsabilité. Pourtant, nous ne traversons pas de grave crise institutionnelle et nul ne nous propose de changer de République. Alors profitons-en et, pour la première fois dans notre histoire, jouons dans le calme la partition d'une modification importante de la Constitution.
Le texte qui nous est proposé, et chacun peut en convenir, ne va pas aussi loin que les propositions de la commission Balladur, au demeurant fort prudentes. Mais il s'en inspire et les suit de près. En revanche, pour certains de mes collègues, je sais que le projet de loi constitutionnelle va déjà trop loin. Personnellement, je ne trouve aucun motif préalable, aucune condition de blocage a priori dans le texte qui nous est présenté.
J'en prends acte. En effet, à mon sens, la seule question qui vaille d'être soulevée dans nos débats, c'est bien de savoir en quoi les modifications apportées participeront du renouveau démocratique, du regain d'intérêt pour la vie publique et de la volonté d'agir sur les événements.
Pour ce qui est du rôle du Président de la République, nous constatons aujourd'hui que l'instauration du quinquennat a modifié de facto sa position dans le jeu démocratique. Fallait-il en prendre acte dans les textes ? Je reste très prudent sur ce sujet. Dans un pays où les notions d'État, de nation et de République sont si intimement liées, je suis tenté de croire qu'il ne faut toucher qu'avec la plus grande prudence au statut du chef de l'État.
La fonction revêt en effet une charge symbolique non négligeable. Mais, en l'espèce, et après analyse des différents usages qu'en firent les locataires successifs de l'Élysée, je crois que chaque Président de la République a pu imposer son style sans qu'il soit nécessaire de trop formaliser les textes.
Bien sûr, je n'ignore pas que l'actuel Président de la République a exprimé le souhait de s'adresser au Parlement, ce qui n'est pas l'usage en France. L'article 7 du projet de loi constitutionnelle ouvre cette possibilité. Soit, et pourquoi pas ? N'en faisons surtout pas une affaire d'État.
Il nous est également proposé de limiter à deux le nombre de mandats consécutifs du Président : cela me semble aller dans le bon sens. Ne pourrions-nous pas en profiter pour lancer le débat de la limitation des mandats électifs en France, non seulement pour ce qui relève de leur cumul, mais aussi de leur nombre dans le temps ?
En ce qui concerne l'amélioration du travail parlementaire, je tiens à dire que nous serions mal venus de ne pas nous féliciter de la revalorisation du rôle du Parlement. Je suis soulagé que disparaissent de la Constitution les formules révélatrices de la conception qui prévalait chez ses rédacteurs en 1958 quant au rôle du Parlement. Nous étions cantonnés à une passivité que traduisait bien le premier alinéa de l'article 34 de la Constitution : « La loi est votée par le Parlement. » Nous étions, pauvres parlementaires, soumis à un ordre des choses qui nous dépassait.
Nous ne sommes pas là pour servir un ordre sacré qui engendrerait la loi, mais pour faire la loi, ou tout au moins pour la « coproduire ». Je me réjouis donc de voir prochainement écrit dans la Constitution : « Le Parlement vote la loi et contrôle l'action du Gouvernement. » Cela n'a l'air de rien, mais un rôle actif dans le système démocratique est ainsi reconnu au Parlement.
Dans le même ordre d'idées, je me réjouis du fait que pour rétablir la confiance entre les citoyens et leurs députés l'usage du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution soit désormais limité à des cas particuliers. Je ne suis pas un spécialiste de droit comparé mais je n'ai pas connaissance de constitutions qui coulent dans le bronze un tel déni de dialogue et de recherche du compromis entre un Gouvernement et un Parlement. Qui plus est, l'histoire parlementaire récente nous a montré qu'il ne servait à rien de passer en force – j'en veux pour preuve le désagréable épisode du CPE. Notre pays a élevé au plus haut degré la culture du bras de fer : aussi, je me réjouis, et trouve plutôt encourageant, que les matamores doivent désormais en rabattre.
Je voudrais me pencher maintenant sur les questions relatives aux délais de présentation des textes. L'article 22 du projet de loi constitutionnelle, qui modifie l'article 48 de la Constitution, améliore un peu les choses. Mais je rappellerai ici que tout représentant d'un exécutif local est tenu de respecter auprès de ces instances délibératives des délais de présentation. Qu'est-ce qui justifie que le Gouvernement soit exonéré d'une telle obligation ?