Madame la ministre de la culture, je souhaite vous interroger sur l'avenir du réseau des écoles d'art en France, aux termes de la déclaration de Bologne de 1999. Celle-ci vise à faire des écoles d'art et de leur réseau des universités à part entière là où elles étaient des structures d'enseignement supérieur entièrement à part. Pour ce faire, vous souhaitez que ce réseau se conforme à la réforme dite LMD – licence, master, doctorat – qui conduira l'ensemble de ces écoles à mettre en place un premier, un deuxième, puis un troisième cycle au bénéfice de leurs étudiants.
Cette réforme, qui peut avoir des effets très positifs, si on l'accompagne, n'est pas accompagnée pour l'instant. Elle soulève un certain nombre de questions sur lesquelles je souhaite avoir des précisions.
Premièrement, la plupart des écoles d'art, à l'exception de quelques-unes qui ont une dimension nationale, sont financées à plus de 90 % par les collectivités territoriales. Or, en lisant les documents émanant de votre ministère à propos de la révision générale des politiques publiques, j'ai le sentiment que le réseau des écoles d'art en France est l'une des principales cibles de la RGPP. J'en veux pour preuve que l'école d'art de Cherbourg a vu la subvention de l'État qui lui était allouée cette année diminuer de 20 %. Nombre de maires se demandent donc aujourd'hui s'ils pourront, dans le contexte de la réforme et des objectifs de la RGPP continuer à faire fonctionner ces écoles.
Madame la ministre, entendez-vous prendre des dispositions pour faire en sorte que d'autres collectivités territoriales et l'État financent davantage ces écoles pour ne pas les voir disparaître car beaucoup d'entre elles sont menacées ?
Deuxièmement, je m'interroge sur le statut des enseignants. À partir du moment où l'on souhaite faire de ces écoles d'art des universités à part entière et que les enseignants verront leur statut évoluer, il faudrait que votre ministère précise le cadre de l'évolution de ce statut de manière que l'on connaisse les conditions dans lesquelles nous allons pouvoir continuer à les employer, éventuellement à renouveler leur contrat.
Troisièmement, pour se conformer à la réforme LMD, votre ministère a indiqué dans une circulaire qu'il faudrait encourager la création d'établissements publics de coopération culturelle au niveau régional. Nous avons d'ailleurs engagé cette réflexion à l'échelle de la Normandie. Toutefois il faudrait que les directeurs régionaux des affaires culturelles soient mandatés pour rassembler ces écoles et les accompagner dans la création de ces EPCC. Il conviendrait également que le Gouvernement précise les conditions dans lesquelles il entend les doter financièrement.
Je conclurai en abordant quelques éléments simples tirés de l'expérience locale.
Tout d'abord, ces écoles sont une extraordinaire occasion pour donner accès à des étudiants à une formation supérieure, là où ce serait impossible dans le cadre des cursus traditionnels de l'université. Ces écoles d'apprentissage des arts plastiques et de formation des esprits donnent une autre chance sur les territoires d'avoir accès à des pratiques beaucoup plus professionnalisantes qu'on ne le pense en réalité.
Ensuite, ces structures ne sont pas simplement des structures d'enseignement supérieur. Ce sont aussi des structures culturelles qui contribuent au rayonnement des beaux-arts, de l'art contemporain sur les territoires. À Cherbourg, par exemple, nous avons implanté à proximité de l'école des beaux-arts un centre d'art contemporain autour de la photographie que vous accompagnez d'ailleurs fortement de votre volonté et de subventions ce qui permet de mener le travail en collaboration. Faites donc en sorte que ces écoles soient des instruments de politique culturelle.
Enfin, veillons à ce que la culture ne soit pas trop balayée par le vent de la RGPP. S'il est un domaine qui doit demeurer préservé des régulations budgétaires, c'est bien celui-ci. Je pense qu'en tenant ces propos, je ne vous ferai pas de peine.