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Intervention de Gaël Yanno

Réunion du 17 novembre 2008 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Article 43

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaël Yanno :

Avec l'article 43, nous abordons la question du plafonnement des réductions d'impôt obtenues au titre des investissements réalisés outre-mer.

Les collectivités ultramarines ont en commun un besoin élevé d'investissements productifs et de logements sociaux, qui seuls permettront le nécessaire rattrapage du niveau de développement de la métropole. Il faudrait sans doute d'ailleurs parler des outre-mer, tant la situation de ces collectivités et de leurs populations est diverse.

En 2003, un ambitieux dispositif de défiscalisation pour l'outre-mer a été mis en place par notre majorité. Nous pouvons en être fiers car il a été source, pour les populations de l'outre-mer, de créations d'emplois et de constructions de logements.

Personne, de quelque côté de cet hémicycle, ne remet en cause les bienfaits de cette défiscalisation, même si, après cinq années d'application, il paraît légitime de vouloir améliorer ce dispositif, voire d'en corriger certains excès.

Toutefois, le plafonnement tel qu'il nous est proposé dans le projet de loi – 40 000 euros ou 15 % du revenu imposable – va bien au-delà d'un simple toilettage. Il risquerait, s'il n'était pas assoupli, de remettre en cause le dispositif dans son ensemble.

Mes chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur les quatre principales caractéristiques qui distinguent la défiscalisation outre-mer des autres dispositifs de défiscalisation.

En premier lieu, la défiscalisation outre-mer est la seule pour laquelle il y a eu un engagement fort de la part de l'État sur sa stabilité dans la durée.

Cette défiscalisation, nous a-t-on assuré à l'époque, c'est-à-dire en 2003, serait stable durant quinze ans, soit jusqu'en 2018. Cet engagement est bien présent dans la mémoire des élus et des socioprofessionnels d'outre-mer. Ils ne comprendraient pas que l'État ne le respecte pas.

La stabilité est essentielle pour la mise en oeuvre, sur le long terme, du développement économique. Il ne faut donc en aucun cas que la volonté de plafonnement du Gouvernement puisse être interprétée comme une quelconque remise en cause de ce dispositif essentiel pour les économies d'outre-mer.

Les seuils de plafond proposés, et plus particulièrement celui de 40 000 euros brut de rétrocession, conduiraient à une remise en cause s'ils n'étaient pas revus à la hausse.

En second lieu, contrairement aux autres défiscalisations que le projet de loi de finances prévoit de plafonner, la défiscalisation outre-mer est la seule qui a déjà connu cette expérience. C'était en 2000, quand le gouvernement socialiste de Lionel Jospin a voulu remettre en cause la défiscalisation outre-mer, plus connue sous le nom de loi Pons.

La loi Paul, du nom du ministre socialiste de l'outre-mer de l'époque, prévoyait en effet un plafond pour le contribuable fixé à 50 % de l'impôt dû. Ce plafond restrictif a eu rapidement pour effet de réduire la collecte de fonds. Heureusement, les effets négatifs de ce plafond ont été rapidement supprimés par la loi Girardin entrée en vigueur dès l'année 2003. Nous devons donc tirer les enseignements de cette expérience.

Troisième particularité qui distingue la défiscalisation outre-mer du dispositif Malraux ou de celui de la location meublée professionnelle : la limitation stricte du gain pour le contribuable à l'économie d'impôt obtenue nette de rétrocession, sans aucune valorisation à terme de son patrimoine.

En effet, les défiscalisations ultramarines dans des investissements productifs ou dans des logements sociaux sont constituées exclusivement d'opérations de portage au terme desquelles le contribuable, ou plutôt l'investisseur, ne conserve en fait au maximum que 40 % – 20 % environ dans la pratique – de l'économie d'impôt totale obtenue grâce à la défiscalisation.

Ce n'est pas du tout le cas des investissements en immeubles « loi Malraux » ou en locations meublées professionnelles pour lesquelles le contribuable, en plus d'obtenir un avantage fiscal, valorise un bien immobilier qui demeure sa propriété et se constitue ainsi un patrimoine en plus de la réduction d'impôt obtenue.

La quatrième caractéristique de la défiscalisation outre-mer qui la distingue des autres, est que la valeur faciale de la réduction d'impôt obtenue par le contribuable ne correspond en aucune façon à l'avantage réel qui lui est accordé.

En effet, la réduction d'impôt affichée intègre la part rétrocédée à l'entreprise ou à l'organisme de logements sociaux ultramarins. Il est profondément regrettable d'entendre des médias ou des responsables politiques affirmer que la défiscalisation outre-mer est le moyen le plus efficace pour échapper à l'impôt sur le revenu. En apparence ils ont raison, mais c'est volontairement oublier que le contribuable est contraint de rétrocéder, en clair d'abandonner, plus de 60 % de sa réduction d'impôt à l'entrepreneur ou au lotisseur ultramarin.

La volonté de plafonner la défiscalisation outre-mer répond, comme pour les autres plafonds, à un souci d'équité : aucun contribuable ne doit pouvoir échapper totalement à l'impôt. Qui pourrait contester cette légitime préoccupation ? Il faut simplement rappeler que le contribuable qui ne paie pas ou peu d'impôt sur le revenu en raison d'investissements outre-mer n'échappe pas à tout impôt, comme cela est souvent dénoncé, puisqu'il accepte de rétrocéder la plus grande partie de sa réduction d'impôt aux économies ultramarines.

La question du plafonnement de la défiscalisation outre-mer doit donc être abordée avec une extrême prudence, car si les seuils retenus s'avéraient trop faibles, c'est le dispositif tout entier de soutien aux économies ultramarines qui serait fragilisé.

Gardons en mémoire que la mise en place du bouclier fiscal, en juillet 2007, et l'instauration d'un prélèvement libératoire sur les dividendes fin 2007, ont déjà affaibli l'attrait de la défiscalisation outre-mer.

La crise financière sur laquelle nous avons débattu a le double effet d'augmenter les besoins de financement des entreprises d'outre-mer et de réduire les capacités fiscales des contribuables.

Le plafonnement de la défiscalisation ultramarine nous impose, si nous voulons maintenir le flux de financement induit, de relever le défi de la démocratisation de la collecte des capacités fiscales, c'est-à-dire de rendre cette défiscalisation plus accessible aux contribuables ayant des revenus moins élevés.

Les deux outils existant aujourd'hui, les SOFIOM, pour l'investissement productif, et les SCPI, pour le logement social, sont, reconnaissons-le, tous deux des échecs.

Si nous voulons relever le défi de la démocratisation de la défiscalisation outre-mer, il faudra impérativement et très rapidement lever deux obstacles : premièrement, rendre possible pour les investissements productifs la réduction d'impôt au travers de sociétés de capitaux – sociétés anonymes ou sociétés par actions simplifiées – et pas uniquement, comme aujourd'hui, au travers de SNC ; en second lieu, assouplir les contraintes de l'appel public à l'épargne, notamment en relevant le seuil du nombre d'épargnants, actuellement fixé à 100.

C'est à ces seules conditions qu'un plafonnement, pris en compte net de rétrocession, pourra concilier à la fois le souci d'équité et le maintien du soutien aux économies de nos collectivités d'outre-mer.

C'est en ce sens que j'aurai l'occasion de défendre dans quelques instants l'amendement de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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