La question de Jean-Jacques Urvoas s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur le projet de suppression de quarante-quatre des cent quinze tribunaux des affaires de sécurité sociale que compte aujourd'hui notre pays.
Une circulaire en date du 9 janvier dernier aurait fixé à 550 requêtes nouvelles en moyenne chaque année le seuil légitimant la survie d'une juridiction. Peut-être des adaptations sont-elles nécessaires en la matière. Toutefois, comment concevoir que la réforme envisagée se fonde sur un critère purement arithmétique, faisant abstraction du droit pour tous d'accéder facilement au juge ?
Un essayiste français du xviiie siècle, Joseph Joubert, faisait remarquer que « la justice est le droit du plus faible ». Le « droit du plus faible » est actuellement garanti par le maillage étroit des juridictions des affaires de sécurité sociale. Car ce sont bien les plus fragiles de nos concitoyens – retraités de condition modeste, malades, handicapés – qui y ont recours, et souvent sans l'assistance d'un avocat. En supprimant ces tribunaux, vous ne feriez qu'accroître leurs difficultés, alors même qu'ils sont déjà confrontés à des problèmes physiques, moraux, matériels, parfois insurmontables.
Réformez donc, si tel est votre désir, mais sans jamais perdre de vue l'intérêt du justiciable, et sans tourner le dos – contrairement à ce que, semble-t-il, vous vous apprêtez à le faire – aux impérieuses nécessités d'une politique d'aménagement du territoire équilibrée.
Avec ses 354 affaires jugées en 2008, il semblerait que la juridiction des affaires de sécurité sociale de Quimper soit vouée à faire partie de la charrette des tribunaux sacrifiés sur l'autel du rendement judiciaire.
Si une telle décision devait être confirmée, elle soulignerait le caractère pour le moins incohérent d'une réforme fondée sur des considérations purement quantitatives.
Ainsi, comment pourrait-on ne pas tenir compte du fait que le Finistère est un département particulièrement vaste, de surcroît divisé en deux zones clairement distinctes sur le plan administratif et culturel ?
De même, comment faire abstraction du fait que, les modes de transports collectifs demeurant insuffisamment développés dans le département, il deviendrait quasiment insurmontable pour un justiciable de la région de Quimperlé, dépourvu de tout moyen de locomotion propre, de se rendre à Brest, 200 kilomètres plus loin, pour suivre une procédure ?
Comment ne pas voir aussi que la suppression du TASS de Quimper toucherait une ville déjà lourdement pénalisée par la décision prise voici quelques mois d'installer à Brest le futur pôle de l'instruction ?
Enfin, comment refuser de prendre en considération le fait qu'il est somme toute légitime qu'un chef-lieu de département, conformément à sa vocation naturelle, reste en mesure de dispenser des services publics de qualité, pour le plus grand profit de nos concitoyens ?
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser si la fermeture de quarante-quatre tribunaux des affaires de sécurité sociale demeure toujours d'actualité, si le Gouvernement a bien envisagé les conséquences d'une telle réforme sur l'accès au droit des plus fragiles de nos concitoyens, et si la juridiction de Quimper, en dépit du bon sens, fait toujours partie de celles dont la suppression est programmée ?