Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Lefait

Réunion du 6 mars 2012 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Lefait, co-rapporteur :

La numérisation de l'écrit est une question en évolution constante et très mouvante.

Cette utilisation de l'électronique pour la diffusion de l'écrit s'applique à la fois aux oeuvres actuelles mais aussi à celles du passé. Ces technologies nouvelles valorisent ainsi les anciens contenus, ce qui présente des avantages car ces documents sont ainsi consultables de partout et n'ont pas à être manipulés, ce qui est favorable à leur conservation.

Appliquées aux oeuvres anciennes, ces techniques ont révélé le problème posé par les oeuvres orphelines qui ont toujours existé. Ce sont en effet les oeuvres encore sous droits car datant de moins de 70 ans après la mort de leur auteur et donc non encore tombés dans le domaine public, mais dont les auteurs sont soit inconnus, soit connus mais introuvables. En vertu de la propriété littéraire et artistique, il est impossible de les numériser et de les diffuser sous quelque forme que ce soit.

Ces oeuvres présentent deux enjeux, juridique et culturel.

L'enjeu juridique découle de la nécessité d'harmoniser la sécurité de l'autorisation et de l'exploitation de ces oeuvres alors que leur auteur ne peut pas autoriser leur exploitation et la cohérence du droit de la propriété littéraire et artistique fondé sur la protection du droit d'auteur.

L'enjeu culturel repose sur le fait que l'Union européenne possédait, en 2001, un peu plus de 2,5 milliards de livres et de périodiques reliés et qu'une grande partie de cet héritage, est inaccessible et inutilisable pour des usages innovants et créatifs. La British Library estime par exemple qu'elle possède 40 % d'oeuvres orphelines. Un grand nombre de ces oeuvres européennes – estimées à 50 millions – risque de disparaître, faute de pouvoir juridiquement être reproduites sur de nouveaux supports.

Dès 2006, la Commission européenne s'est inquiétée de cette situation en incitant les États membres à agir dans ce domaine, mais sans beaucoup de succès.

Elle a donc pris de nouvelles initiatives d'abord en mettant en place une interface (ARROW) permettant à toute personne souhaitant numériser un livre imprimé d'identifier l'oeuvre, ses ayants droit ainsi que son statut commercial. Seize intervenants de la chaîne du livre participent à ARROW dont, en France, la Bibliothèque nationale de France, Electre et le Centre français du droit de copie.

Une proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des oeuvres a ensuite été publiée en mai 2011. Cette proposition prévoit que dans chaque pays, une institution sera chargée de la recherche des ayants droits sur les oeuvres publiées la première fois dans ce pays. Si le détenteur du droit ne peut être identifié ou localisé, l'oeuvre est reconnue « orpheline ». Ce statut sera valable dans toute l'Union et l'oeuvre pourra être numérisée sans autorisation préalable jusqu'à la découverte de son propriétaire.

C'est donc une avancée réelle dans la mesure où les bibliothèques et les autres institutions pourront ainsi numériser les oeuvres orphelines sans enfreindre le droit d'auteur.

La France a déjà agi dans ce domaine avec la loi adoptée le 22 février dernier pour autoriser la numérisation par une société de gestion collective de 500 000 à 700 000 livres orphelins du XXe siècle.

Le problème sera ainsi réglé pour le passé mais aucune mesure ne permet actuellement d'éviter leur apparition dans l'avenir, compte tenu de la fugacité croissante dans ce domaine notamment avec les oeuvres publiées uniquement sur support numérique.

La nécessaire préservation de la chaîne du livre numérique exigera une triple action en matière de lutte contre le piratage, de prix et de fiscalité.

Comme la musique ou les films, les livres numériques font l'objet de piratage qui peut être évalué à environ 1,5 % du total des livres. Cela est très peu comparé à la musique mais il ne faut pas laisser se développer ce phénomène qui trouve sa source dans le mythe de la gratuité des ressources sur Internet. La protection électronique des fichiers est donc inévitable à l'heure actuelle.

En matière de prix, c'est en France que le prix des livres numériques est le plus élevé avec un prix de vente moyen de 15 € – 11 € en Suède – et où la différence avec le prix du livre papier est la moins importante, 20 %. Notre pays a adopté l'année dernière une loi instituant un prix unique du livre numérique pour conforter la chaîne du livre et empêcher la concurrence sauvage.

La fiscalité concerne l'assujettissement des livres numériques à la TVA, la Commission européenne les considérant comme des prestations de service. Cette conception nous semble erronée car le livre numérique est un vrai livre et doit donc être assujetti au même taux que le livre imprimé.

C'est la voie qu'ont choisi actuellement trois pays : la France, le Luxembourg et l'Espagne.

Aucune procédure d'infraction n'a encore notifiée à la France par la Commission qui semble prendre conscience des problèmes posés par la dissymétrie des taux de TVA entre les deux supports comme elle l'a noté dans sa communication du 6 décembre dernier sur l'avenir de la TVA. Cette évolution suivait ainsi la résolution du Parlement européen du 13 octobre dernier qui soulignait la nécessité de soumettre à une TVA semblable des biens analogues.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion