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Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du 6 mars 2012 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy, co-rapporteur :

Cette communication et la proposition de résolution que nous allons vous présenter font suite au travail que nous avons déjà présenté le 29 novembre 2011 avec Marietta Karamanli sur cette proposition de directive très importante, relative à l'accès à l'avocat dans les procédures pénales. La proposition de directive, déposée le 8 juin 2011, s'inscrit, ou est censée s'inscrire, dans le cadre de la feuille de route relative aux garanties procédurales en matière pénale du 4 décembre 2009.

Il y a, sur ce sujet, ce que je prends la responsabilité d'appeler une sortie de route de la Commission européenne, qui n'a pas hésité à changer les règles du jeu en cours de route sur une question qui conditionne la crédibilité et la viabilité de la directive : en effet, l'aide juridictionnelle n'est pas traitée dans la proposition, alors même que la feuille de route le prévoyait.

Il est proposé d'ouvrir un droit d'accès à l'avocat, non pas pour la seule garde à vue, mais dès qu'une personne est soupçonnée d'avoir commis une infraction pénale. Or, la notion de personne soupçonnée, qui est issue du droit anglo-saxon, n'existe pas en tant que telle en droit français. Depuis nos travaux du mois de novembre, la présidence danoise de l'Union, qui a repris le sujet en janvier 2012, a compris que le texte n'était pas consensuel en l'état et que, s'il existe une majorité numérique en faveur de son adoption, la minorité d'Etats membres qui s'y oppose comprend des pays importants : la France, la Belgique, les Pays-Bas, l'Irlande et la Grande-Bretagne. La présidence danoise a souhaité sauter l'obstacle en différenciant le droit d'accès à l'avocat en deux temps : le droit général d'accès à l'avocat serait ouvert, mais serait facultatif à l'étape du soupçon, et obligatoire et effectif, donc accompagné des mesures d'aide juridictionnelle, dès lors que la personne est privée de liberté. Une telle proposition pourrait séduire mais il est nécessaire d'y jeter un regard plus pointilleux et plus sourcilleux. En effet, les droits seraient établis de manière inégale et pour partie virtuelle. Dans un certain nombre d'États qui se font fort de soutenir la Commission européenne, certains se réjouissent devant une nouvelle disposition ainsi proposée dont ils n'ont que faire et que, concrètement, ils n'auraient pas à mettre en oeuvre puisque tout ce qui concerne l'aide juridictionnelle est reporté à plus tard, une proposition de directive étant annoncée pour 2013.

Nos conclusions du 29 novembre étaient très réservées. Notre résolution le sera aussi aujourd'hui, même si des progrès ont été accomplis, pas uniquement sur des points de détail.

Ce dont nous pouvons être sûrs, mes chers collègues, c'est que la Commission européenne admet que cette directive ne pourra pas être mise en place sans un grand pays comme la France. Il faut donc manifester des réserves importantes et être très rigoureux sur les modifications qui doivent encore être apportées au texte.

Nos collègues sénateurs ont également travaillé sur cette question et nous avons tenu à recevoir M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la proposition résolution de la commission des affaires européennes du Sénat. Il est intéressant de noter que, alors même que la nouvelle majorité au Sénat aurait pu faire penser à une adhésion plus franche sur la proposition de directive, les Sénateurs ont unanimement tenu à en rester à ce qui leur semble être le cadre naturel du droit d'accès à l'avocat, tel que nous l'avons fixé dans la loi sur la garde à vue du 14 avril dernier, c'est à dire limité aux personnes placées en garde à vue pendant la phase d'enquête policière.

Selon nous, et sur ce point nous sommes parfaitement d'accord, Marietta Karamanli et moi, la déconnexion de l'aide juridictionnelle et la « vente à la découpe » de la feuille de route ne sont pas acceptables. Sur un sujet aussi sensible, comment pourrait-on prétendre créer des droits sans créer les conditions de l'effectivité de ces droits ?

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