De ce point de vue, on peut vous reconnaître un certain talent, l'orchestration est parfaite : le 10 janvier, monsieur le ministre, vous faites des déclarations fracassantes sur RMC à propos de la délinquance des étrangers, « deux à trois fois supérieure à la moyenne » ; le 17 janvier, une semaine plus tard, monsieur le rapporteur, vous déposez avec vos collègues cette proposition de loi.
Pour vous, monsieur le ministre, il n'y a que des avantages à utiliser le véhicule d'une proposition de loi, c'est-à-dire d'une initiative parlementaire : vous faites ainsi l'économie d'un avis du Conseil d'État, dont il est peu probable qu'il aurait été très positif sur ce texte bâclé et approximatif.
Vous évitez surtout une étude d'impact qui aurait démontré sa portée bien limitée, si toutefois il passait l'épreuve de la censure du Conseil constitutionnel, ce dont nous doutons fortement. Ce texte est en fait effet manifestement contraire aux principes constitutionnels d'individualisation et de nécessité de la peine.
Pour le défendre, le rapporteur s'appuie sur les chiffres du dernier rapport de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, pourtant publié un mois après le dépôt de la proposition de loi !
Cette initiative parlementaire se fonde en effet sur une augmentation des actes de délinquance commis par les ressortissants étrangers. Or, vous entretenez à dessein la confusion entre condamnations et mises en cause. En effet, les chiffres de l'Observatoire ne concernent que les mises en cause qui, comme le précise son rapport, sont un concept statistique ne pouvant en aucun cas être confondu avec la notion de culpabilité. Être mis en cause ne veut pas dire être coupable, cela vaut pour les ressortissants français comme pour les étrangers. Mais amalgame et hypertrophie sont les deux mamelles de la droite populaire !