Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Yves Bur

Réunion du 1er mars 2012 à 15h00
Enfance délaissée et adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur :

Aujourd'hui, de nombreuses familles demandent à adopter un enfant. Sur environ 3 000 adoptions internationales en 2008, 700 enfants ont été adoptés dans notre pays. L'adoption nationale est de plus en plus difficile comme en témoignent ces chiffres : en 1987, 1 424 pupilles de l'État étaient placées en vue de leur adoption alors que ce chiffre n'était plus en 2008 que de 726, parmi lesquels presque 600 enfants étaient abandonnés, nés sous X ou orphelins. Or, ce chiffre est stable d'année en année.

Cette baisse des adoptions nationales s'explique donc par la réduction du nombre d'enfants « en danger » adoptés. Or, pour 132 enfants adoptés en 2008, 265 000 étaient pris en charge par les services de protection de l'enfance. Il est par conséquent difficile de considérer que les politiques de prévention ont été un franc succès.

L'itinéraire juridico-administratif des enfants dits « en danger » est très complexe : éclatement de la compétence judiciaire entre le procureur, le juge des enfants, le juge des tutelles, le tribunal de grande instance, et lenteur du processus car ce n'est en moyenne qu'après cinq ou six ans de suivi que l'enfant en souffrance peut accéder au statut de pupille de l'État.

Il est urgent de simplifier les structures administratives et judiciaires de prise en charge des enfants en danger, d'harmoniser leur fonctionnement et d'accélérer les procédures. Je veux saluer le travail de la commission spéciale qui débouche sur ces propositions portées par Mme Tabarot. Cet état d'urgence a également été souligné par l'Académie de médecine et plus particulièrement par le professeur Jean-Marie Mantz qui a, comme d'autres, formulé des recommandations pour « faciliter l'adoption nationale ».

Il est tout d'abord primordial de redonner aux acteurs de terrain les moyens de dépister les enfants en danger pour qu'ils soient pris en charge. Médecins de PMI, puéricultrices, assistantes sociales sont à même de coopérer efficacement pour repérer et dénoncer des situations d'enfant en souffrance tout en respectant le cadre légal de levée du secret professionnel. Doit-on aller jusqu'à obliger le médecin à signaler tout comportement suspect et non plus simplement l'« autoriser » à dénoncer les parents auteurs de sévices ?

Par ailleurs, les services médico-scolaires semblent inadaptés. La surcharge des effectifs confiés au médecin scolaire ne lui permet pas de remplir ses tâches qui consistent à recevoir chaque année tous les écoliers dont il a la charge et à visiter chaque semaine les établissements dont il est responsable.

En cas de maltraitance avérée, le retrait immédiat des droits parentaux permettrait que l'enfant soit rapidement adopté et qu'un nouveau départ lui soit offert. Malheureusement, ce retrait des droits parentaux sans condamnation pénale n'est quasiment jamais demandé par le juge des enfants qui en a pourtant la possibilité, peut-être par manque d'expérience sur le terrain. Pourquoi ne pas lever certains freins juridiques et sociaux ?

Lorsque l'on sait que 30 % des sans domicile fixe sont d'anciens enfants placés, il relève de l'intérêt général de donner à l'enfant en souffrance une famille attentive et chaleureuse.

Les enfants placés souffrent plus souvent qu'on ne l'imagine d'un désintérêt parental, lequel peut aboutir à une déclaration judiciaire d'abandon au bout d'un an selon des critères liés aux contacts noués entre l'enfant et ses parents. Il faut réduire ce délai à six mois pour permettre une adoption plus rapide. En effet, l'enfant déclaré abandonné judiciairement devient pupille de l'État et peut être adopté.

Cependant, selon un rapport de 2010 de l'Observatoire national de l'enfance en danger, le nombre de pupilles de l'État aurait baissé de 70 % entre 1989 et 2008, les juges préférant à ce statut celui de délégation de l'autorité parentale à l'État, sous forme de tutelle. Ce statut peu protecteur représente un réel obstacle à l'adoption et l'on peut s'interroger sur la pertinence d'un tel choix.

De surcroît, pourquoi ne pas instaurer un système de familles d'accueil bénévoles, choisies parmi les familles candidates à l'adoption agréées, qui coexisterait parallèlement au dispositif des familles d'accueil ordinaires et rémunérées ? Cette mesure permettrait aux candidats de montrer la priorité qu'ils accordent au bonheur de l'enfant et donnerait à l'adoption son véritable sens : offrir une famille à l'enfant et non l'inverse.

Plus tôt l'enfant sort de la maltraitance, plus grandes seront ses chances de vivre une vie normale. Ne sous-estimons pas les conséquences d'une vie dans une famille maltraitante sur l'enfant, notamment sur le développement de sa personnalité.

Je ne puis donc qu'être sensible à vos propositions, chère Michèle Tabarot, qui sont de bon sens et vont dans le bon sens. Avec vous, je souhaite de tout coeur que nous puissions donner davantage de chances à ces trop nombreux enfants victimes de leurs propres parents et qui en payent un prix encore trop lourd. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion