Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons marquera un progrès certain dans la procédure existante en matière d'adoption pour beaucoup d'enfants. Elle facilitera les procédures et je me plais à saluer la méthode qui a été utilisée pour son examen, méthode qui a associé plusieurs commissions et donné lieu à des débats de qualité.
Pour beaucoup de familles, la quête d'un enfant demeure une épreuve longue et aléatoire. Des parents attendent durant des années l'arrivée d'un enfant, et vivent dans l'angoisse en fonction de l'évolution des réglementations dans les pays d'origine. Ainsi pour Haïti, des parents ont vécu des situations dramatiques : ils connaissaient les enfants qui leur avaient été attribués et ceux-ci restaient dans un pays dévasté par le séisme et le choléra.
Pour moderniser totalement notre procédure et répondre aux souhaits de nombreux candidats à l'adoption, il reste cependant quelques points à régler, qui ne le sont pas encore dans ce texte :
D'abord, vous le savez, nos procédures et surtout les enquêtes font le tri entre les candidats à l'adoption et souvent récusent certains en fonction de leur orientation sexuelle, notamment s'ils vivent en couple avec une personne du même sexe. Certes, nous savons que le nombre d'enfants adoptables est inférieur à celui des familles qui souhaitent adopter. Nous comprenons donc bien que les services sociaux sélectionnent les candidats. Mais l'orientation sexuelle du candidat est-elle le bon critère pour savoir qui peut ou non s'occuper d'un enfant ? Cette discrimination ne figure pas dans la loi. Il faut donc faire en sorte que la possibilité de devenir parent et d'élever un enfant ne soit plus tributaire de la plus ou moins grande franchise du candidat quant à ses choix de vie.
Un collègue UMP disait ce matin qu'il ne fallait pas que l'avenir et l'intérêt de l'enfant dépendent du comportement affiché, lequel devrait rester de l'ordre de l'intimité. Sur ce point, il a tort : il n'est pas nécessaire de se cacher pour pouvoir être un bon parent. A contrario, qui ne se souvient de ces familles où le vieux garçon ou la vieille fille qui servait d'oncle, de tante, de référent très aimé par les enfants, se révélait être homosexuel ?
À un moment où les schémas familiaux sont bouleversés, où les familles recomposées de toute sorte se sont multipliées, il serait bon que nous nous disions que l'intérêt de l'enfant exige que soient privilégiés l'amour et les capacités d'encadrement des personnes qui veulent s'occuper de lui. Il n'y a plus un seul type de famille qui puisse lui assurer la sécurité et la stabilité dont il a besoin.
Nous devrions régler un autre problème à l'occasion de cette proposition de loi, le cas des enfants qui sont recueillis dans le cadre de la tradition musulmane de la kafala. Nous en avons beaucoup parlé. Nous sommes tous conscients du fait qu'il n'est pas raisonnable que les gens qui se retrouvent à adopter ou à recueillir des enfants de leur famille, parce que le parent est décédé ou parce qu'il y a un problème dans la famille d'origine, se heurtent à une course d'obstacles insupportable.
Il y a déjà des difficultés pour obtenir l'enquête sociale puisque, bien évidemment, le juge marocain ou algérien demande des références de la famille et certains services ne se sentent pas habilités à faire des enquêtes alors qu'il n'y a pas véritablement procédure d'adoption.
Il y a des problèmes insolubles sur les visas de long séjour parce que notre gouvernement a l'air de considérer qu'on recueille un enfant pour détourner les lois sur l'immigration familiale.
Il y a ensuite cette difficulté majeure du statut de l'enfant et enfin la difficulté concernant sa nationalité.
Il n'est plus raisonnable de continuer de la sorte.
On nous oppose le fait que l'on ne peut régulariser la situation de ces enfants parce que leur loi personnelle ne reconnaît pas l'adoption. Pour avoir pratiqué assez longtemps au barreau de Paris, je sais que l'on n'applique pas dans les divorces la loi personnelle des époux, faute de quoi, dans de nombreux cas, le divorce serait prononcé aux torts de la femme parce qu'elle a refusé d'accueillir la seconde épouse du mari. Nous considérons, en règle générale, que l'ordre public français est supérieur à la loi personnelle. En l'espèce, nous sommes signataires de conventions internationales demandant la protection des enfants et je crois que l'intérêt de l'enfant devrait l'emporter sur le fait de respecter une loi personnelle. D'ailleurs, je pense que les pays d'origine ne tiennent pas absolument à ce que nous nous opposions à la régularisation de ces enfants au motif de la loi personnelle.
Il nous est possible d'avancer, même sans revenir sur le fait qu'il ne s'agit pas là d'adoption. Nous pouvons déjà autoriser les enquêtes, autoriser les visas de long séjour et faciliter le regroupement familial quand quelqu'un se voit confier un enfant par kafala alors qu'aujourd'hui, c'est vraiment un parcours d'obstacles.
Cette proposition de loi effleure enfin un dernier sujet, qui me semble pourtant majeur et sur lequel j'espère que la discussion nous permettra d'avancer. L'adoption, c'est très bien pour l'enfant, c'est merveilleux pour la famille française qui l'adopte. Mais nous devrions prendre en considération le sort de ces enfants qui ne sont pas adoptés. Il faudrait que notre pays soit beaucoup plus présent dans l'aide à l'enfance délaissée dans les pays du tiers-monde car, là encore, c'est une grande majorité qui souffre et qui a besoin qu'on la prenne en considération. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)