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Intervention de Chantal Bourragué

Réunion du 1er mars 2012 à 9h30
Enfance délaissée et adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Bourragué :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vous le savez, le nombre de personnes qui font une demande d'adoption ne cesse d'augmenter chaque année. Plus de 10 000 demandes ont été reçues en 2011 pour 4 000 enfants adoptés. De plus, l'adoption internationale représente encore aujourd'hui plus de 80 % de l'adoption en France. Nous sommes le troisième État d'accueil d'enfants adoptés à l'étranger, après les États-Unis et l'Italie.

En France, si plus de 2 000 enfants ont le statut de pupille de l'État, seulement près du tiers de ces pupilles sont placés dans une famille en vue de leur adoption et 74 % de ces enfants ont moins d'un an.

Que deviennent les deux tiers restants ? Avec le rapport sur l'adoption remis au Président de la République par Jean-Marie Colombani en mars 2008, des propositions concrètes ont été faites. Ses principales propositions ont été mises en oeuvre. C'est le cas de la création d'un ambassadeur pour l'adoption internationale. Son investissement et son action après le tremblement de terre en Haïti ont été vraiment utiles et protecteurs pour les enfants et leurs famille, dans une situation si difficile pour les adoptants.

De même, le développement des correspondants « adoption » dans les ambassades ou dans les consulats a permis un meilleur accueil et accompagnement des familles candidates à l'adoption dans les pays concernés.

Cependant, des améliorations restent possibles et nous sommes nombreux à être mobilisés sur cette question sur tous les bancs de notre assemblée.

Je veux ici remercier et féliciter Mme Michèle Tabarot pour son projet de loi et son excellent rapport, ainsi que M. Jean-Marc Roubaud, président de la commission spéciale.

Ce projet de loi porte en premier lieu sur l'amélioration de la rédaction de l'article 350 du code civil relatif à la déclaration judiciaire d'abandon, qui permet à l'enfant de bénéficier du statut protecteur de pupille de l'État.

Pour mieux prendre en compte la situation des enfants délaissés et leur droit à vivre dans une famille, cette proposition de loi propose de remplacer le désintérêt manifeste par la notion de « délaissement parental ».

Cette notion fait référence aux carences dans les responsabilités parentales, carences qui compromettent le développement de l'enfant. Cette nouvelle définition plus objective doit permettre de mieux protéger l'enfant délaissé.

Car, encore aujourd'hui, nombre d'enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance peuvent rester sans relations familiales et sans le statut protecteur de pupille de l'État pendant plusieurs années. Ainsi, trop souvent, les enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance atteignent l'âge de dix, voire quinze ans, sans vrai projet familial.

Pour mieux prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant, l'article 1er de la présente proposition introduit la notion de « délaissement parental », notion de référence dans la plupart des pays européens.

Pour l'enfance délaissée, je veux aussi attirer votre attention sur la situation des enfants pour lesquels une délégation d'autorité parentale a été prise par la justice. À l'article 377 du code civil, la délégation d'autorité parentale est présentée comme une alternative à la déclaration judiciaire d'abandon.

« En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale, le particulier, l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant peut saisir le juge, aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l'exercice de l'autorité parentale ».

Cette délégation n'a aucun effet sur le statut de l'enfant. L'IGAS, dans son rapport de 2008, note que la situation juridique de ces enfants « n'est pas nécessairement meilleure que depuis qu'ils ont été séparés de leurs parents ».

Vous avez bien précisé, madame la secrétaire d'État, que les enfants ainsi protégés par une décision de justice bénéficieront d'un examen régulier de leur situation au même titre que les autres enfants, tous confiés à l'aide sociale à l'enfance. Ils pourront ainsi bénéficier du statut plus protecteur de pupille de l'État s'ils font l'objet d'un délaissement parental.

De plus, pour éviter que les enfants demeurent sans vrai projet parental, l'article 2 précise qu'un rapport doit être établi pour chaque enfant accueilli ou faisant l'objet d'une mesure éducative six mois après sa prise en charge, puis au bout de la première année. Comme l'ont dit mes collègues, le temps de l'enfant n'est pas celui de l'adulte et cette protection dès les premiers mois est essentielle.

En parallèle – c'est l'objet d'un autre article –, il nous faut mieux informer les candidats à l'adoption française ou internationale en précisant l'âge, la santé, les conditions de vie des enfants adoptables dans leur pays. C'est l'objet de l'article qui accompagne l'information des familles candidates lors de l'agrément.

Aujourd'hui, les enfants adoptables ont changé. Ils sont très souvent plus âgés et peuvent parfois souffrir de déficiences. Dans les consulats que j'ai rencontrés en Russie ou en Afrique, cet accompagnement pour une meilleure information des candidats à l'adoption est très attendu ; c'est le rôle aussi bien de l'AFA que des conseils généraux.

Le troisième point que je souhaite aborder concerne la kafala. Nous avons longuement discuté. Vous nous proposez, madame la rapporteure, un amendement qui est un progrès.

Cependant nous le savons, aujourd'hui en France, la kafala n'empêche pas l'adoption, car selon le code civil, après cinq années de résidence en France au sein d'une famille française, l'enfant peut réclamer la nationalité française et pourra ainsi bénéficier d'une adoption simple.

Cependant, pour améliorer la situation de ces enfants, le délai pour obtenir la nationalité française pourrait être réduit à un an pour les enfants n'ayant plus leurs parents dans leur pays de naissance et exclusivement pour les kafalas judiciaires. Cette mesure simplifierait la vie de nombreuses familles françaises résidant en France ou à l'étranger. Madame la secrétaire d'État, je compte sur votre attention et votre écoute concernant ce point réglementaire.

Bien sûr, je voterai ce projet de loi qui est un nouveau progrès pour la protection de l'enfance délaissée et l'adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

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