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Intervention de Eric Berdoati

Réunion du 1er mars 2012 à 9h30
Enfance délaissée et adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEric Berdoati, rapporteur de la commission mixte paritaire :

…je préfère vous livrer quelques réflexions que m'inspire ce texte.

S'il est un sujet qu'il faut considérer non en tant qu'adulte mais d'abord, comme l'a indiqué tout à l'heure Mme la rapporteure, en partant de l'intérêt de l'enfant, c'est celui-ci. Nous avons eu, dans cet hémicycle, des débats sur la problématique du mariage homosexuel et de l'adoption par des couples homosexuels qui transcendaient les clivages politiques.

Contrairement à ce que prétend notre collègue Brard avec ce talent pour la provocation qu'on lui connaît, il n'y a pas de querelle des modernes et des anciens à ce sujet, il n'y a pas de querelle entre progressistes et rétrogrades. Il y a probablement ceux qui envisagent la question en considérant l'avenir et l'intérêt de l'enfant et ceux qui voudraient afficher dans notre société des comportements qui devraient rester liés à leur intimité.

Je suis personnellement très choqué, non par l'évolution de notre société, mais par le fait qu'une pratique individuelle puisse un jour devenir un signe de revendication ou de reconnaissance dans notre société. Ce n'est pas ainsi que notre société peut et doit se construire. Lorsqu'on traite de la problématique de l'avenir d'un enfant, je pense que c'est de lui qu'on doit partir. C'est à lui qu'on doit penser lorsqu'on est amené à légiférer sur un sujet qui, nous le voyons bien, ne se prête pas de façon mécanique, mathématique, aux clivages habituels.

Nous avons débattu ce matin d'un certain nombre de textes qui avaient pour objet des problématiques juridiques, des problématiques comportementales, des problématiques liées à l'évolution de nos sociétés, à propos desquelles diverses options étaient possibles. S'agissant de l'adoption, c'est beaucoup plus subtil, beaucoup plus complexe. La question renvoie chacun à ses convictions intimes.

Je veux partager avec vous trois réflexions.

Tout d'abord, si je souscris tout à fait à l'article 1er du texte de la commission, je m'interroge encore un peu sur la notion de délaissement et la manière dont elle est formulée, et je vous invite à la vigilance : « Un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont contribué par aucun acte à son éducation ou à son développement pendant une durée d'un an. » Cela paraît assez clair, mais qu'en est-il juridiquement ? Que veut-on dire par « aucun acte lié à l'éducation ou au développement de l'enfant pendant une durée d'un an » ? La durée d'un an, c'est clair, c'est douze mois, mais soyez attentifs à la subtilité de l'énoncé et aux interprétations qui pourront en être faites. Mon propos n'est pas du tout de dénoncer cette formulation, je veux simplement vous alerter. Nous devons être vigilants quant à la manière dont cette disposition pourra, concrètement, devenir opposable.

L'article 5 sera tout à l'heure l'objet d'une discussion. J'ai écouté attentivement ce qu'en ont dit Mme la rapporteure et notre collègue Patricia Adam. Si j'ai bien compris le débat, nous réserverions au seul ministère public la possibilité de demander la révocation de l'adoption si l'intérêt de l'enfant l'exige. Je ne suis pas sûr qu'il y ait là une réelle avancée dans l'intérêt de l'enfant, à moins que la Chancellerie ne fasse un travail auprès des procureurs de la République pour les conduire à considérer ce domaine comme une de leurs priorités quotidiennes, ce qui n'est pas forcément le cas aujourd'hui. En disant cela, je ne blâme aucunement l'activité des procureurs de la République, mais nous avons déjà eu plusieurs fois ce débat sur les moyens de la justice et nous savons tous qu'ils ont à traiter chaque jour un grand nombre de dossiers. Sans doute aurons-nous à revenir sur ce sujet lorsque nous aborderons l'article 5.

Enfin, je suis favorable à l'élargissement des compétences de l'Agence française de l'adoption – c'est l'article 6 de la proposition de loi – qui nous permettra de gagner en crédibilité et d'oeuvrer dans l'intérêt des enfants.

Je l'ai dit, je n'avais pas du tout prévu d'intervenir en ces termes. Aussi, veuillez m'excuser si j'ai été un peu confus. J'ai souhaité, en tout cas, vous parler avec sincérité.

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