Je ne sais pas s'il y avait véritablement urgence, monsieur le ministre.
Rappelons qu'initialement, cette proposition avait un intitulé différent : « Proposition de loi visant à modifier le régime de responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs sur les lieux réservés à la pratique sportive ». À cet égard, nous avions exprimé nos réserves : ce texte nous semblait davantage correspondre à un besoin d'affichage, en cette toute fin de législature, qu'à une approche aboutie permettant de résoudre le problème posé par les accidents occasionnés par la pratique sportive.
Rappelons également que l'origine de cette proposition de loi était de satisfaire une demande émanant des responsables du sport automobile, consécutivement à l'arrêt du 4 novembre 2010 de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. Ce sont les seuls qui ont interpellé les législateurs à ce sujet.
Au cours de la première lecture dans cet hémicycle, a été ajouté un cavalier législatif permettant d'étendre les sanctions pénales, édictées à l'encontre des revendeurs de billets d'accès aux manifestations sportives, aux revendeurs de billets d'accès aux manifestations culturelles, commerciales et du spectacle vivant, ce qui est bien légitime. Bien qu'en total décalage avec l'objet du texte initial, cette disposition utile pour faire respecter un minimum de règles et de principes ne nous a pas paru poser problème.
S'agissant de la responsabilité civile, monsieur le ministre, vous n'avez pas voulu accepter notre amendement portant sur la reconnaissance de la responsabilité pour faute ou violations des règles du jeu, ce qui nous a conduits à ne pas voter le texte.
Si j'en crois un courrier du 9 février adressé au président de la fédération française de motocyclisme par son assureur-conseil, il semble bien que notre position était la plus raisonnable et la plus susceptible de répondre aux inquiétudes des fédérations concernées. Dans ce courrier, l'assureur, après avoir indiqué qu'il avait à maintes reprises évoqué les conséquences de ce revirement de jurisprudence, écrit : « Nous avions espoir qu'une nouvelle décision de la Cour de cassation, notamment de son assemblée plénière, puisse à nouveau infléchir la jurisprudence en la matière. Malheureusement, nous venons de découvrir que l'Assemblée nationale vient de prendre une disposition législative qui, si elle était confirmée par le Sénat, consacrera définitivement l'abandon de la théorie de l'acceptation des risques sur le plan des dommages corporels lorsqu'un licencié s'adonne délibérément, et en parfaite connaissance de causes, à un sport réputé dangereux ». Et le même assureur de souligner que son obligation de conseil le conduit à faire part des répercussions que cette évolution législative – que nous allons adopter aujourd'hui – ne manquera pas d'avoir sur les contrats d'assurance, s'agissant tout particulièrement de la garantie de responsabilité civile des licenciés. Il évoque ainsi tous les problèmes que nous avions nous-mêmes soulevés lors de la première lecture.
Le 21 février, nos collègues sénateurs ont à leur tour examiné ce texte, transformant son intitulé, de façon assez logique, en « proposition de loi tendant à faciliter l'organisation des manifestations sportives et culturelles ».
S'agissant de la question de la responsabilité, qui est au coeur même de ce texte, on ne peut pas dire que les deux modifications introduites par le Sénat régleront tous les problèmes liés à l'application de la responsabilité civile de droit commun en matière sportive. La modification de l'article 1er n'apporte qu'une précision en substituant les mots « dommages matériels » aux mots « dommages autres que corporels ». Il est peu probable que cela permette d'y voir plus clair, même si l'on peut comprendre que ce changement a été dicté par la recherche d'un nouvel équilibre permettant de maintenir les garanties pour les victimes tout en en évitant une explosion des primes d'assurance des fédérations ou des organisateurs, grâce à l'exclusion de l'indemnisation des dommages matériels.
Si j'en juge par les discussions que nous avons eues en sortant de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, je crois que notre avis a été confirmé par une partie du mouvement sportif. Il nous semble – nous le vérifierons peut-être – que nous restons là dans une incertitude et une insécurité juridiques évidentes.
Certes, le Sénat a introduit un article 1er bis visant à ce que le Gouvernement demande un rapport au Parlement, élaboré en concertation avec le mouvement sportif et le Comité national olympique et sportif français, relatif aux enjeux et aux perspectives d'évolution du régime de responsabilité civile en matière sportive.
Je suis au regret de rappeler que si le Gouvernement avait lui-même déposé un texte, nous aurions pu disposer d'une étude d'impact.