Madame la présidente, monsieur le ministre des sports, mes chers collègues, trop peu de sujets, hélas, recueillent le consensus au sein de cet hémicycle. Le sport en fait heureusement partie. Le texte que j'ai l'honneur de rapporter aujourd'hui en offre l'illustration, puisque la commission mixte paritaire qui s'est réunie le 22 février dernier a, à l'unanimité, voté les compromis que moi-même et mon homologue du Sénat avions su trouver sur les articles restant en discussion.
Déposée le 24 janvier 2012 sur le Bureau de notre Assemblée, cette proposition de loi avait pour objet initial de remédier aux conséquences juridiques et matérielles, pour les forces vives du monde sportif, d'un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation au sujet de la responsabilité civile du fait des choses, appliquée aux pratiquants d'activités sportives.
En vertu de la théorie des risques acceptés, reposant sur le présupposé que les sportifs sont au fait des risques normaux et prévisibles qu'ils encourent lorsqu'ils s'adonnent à leur discipline, les juridictions judiciaires privilégiaient jusqu'alors la responsabilité pour faute sur le droit commun pour la réparation des dommages causés par une chose placée sous la garde d'un pratiquant. Or en soumettant, le 4 novembre 2010, le droit applicable aux dispositions du premier alinéa de l'article 1384 du code civil, la Cour de cassation a ouvert la voie à de sérieux inconvénients.
Tout d'abord, à une exposition plus forte des organisateurs d'événements sportifs et de compétitions, ainsi que des fédérations sportives, au contentieux de la responsabilité civile délictuelle ;
Corrélativement, à un renchérissement du coût des primes d'assurance pour les organisateurs d'événements sportifs et de compétitions à risques, ainsi que pour les fédérations de sports faisant intervenir des choses potentiellement dangereuses ;
Enfin, à des incertitudes juridiques quant à la pérennité de spécificités importantes du droit du sport, s'agissant notamment de la théorie de la garde en commun ou de l'exigence d'une faute caractérisée pour l'appréciation de la responsabilité des sportifs.
Grâce à l'article 1er de ce texte, les pratiquants sportifs se verront désormais exonérés de la responsabilité de plein droit, lorsque la chose dont ils ont la garde a provoqué, dans un lieu réservé à la pratique sportive, un dommage matériel à l'encontre d'un autre pratiquant.
Le Sénat n'a pas contesté le bien-fondé de notre démarche, même s'il a souhaité en restreindre quelque peu la portée aux manifestations sportives et aux entraînements. Un compromis s'est finalement dégagé sur ce point.
Au cours de la première lecture, notre Assemblée avait également souhaité compléter le texte par un second volet présentant un lien certes connexe, mais pas inexistant, avec l'objet initial de la proposition de loi. La promulgation de la loi n° 2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs ayant créé une inégalité de traitement juridique entre la sanction de la revente illicite des titres d'accès à des manifestations sportives et l'inexistence de sanction pour la revente illicite de billets de manifestations culturelles et commerciales ou de spectacles vivants, il avait été décidé d'unifier le droit applicable en la matière au sein du code pénal.
Les sénateurs nous ont rejoints dans cette volonté, en adoptant conforme l'article 2 qui punira de 15 000 euros d'amende – peine portée à 30 000 euros en cas de récidive – le fait de vendre, de fournir les moyens en vue de la vente ou d'exposer à la vente des titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle.
Au cours de ses travaux, le Sénat ne s'est pas contenté de préserver les grands équilibres du texte voté par notre Assemblée. Il a légitimement souhaité apporter des compléments sur plusieurs points qui, à l'exclusion d'un seul, ont été validés en commission mixte paritaire.
En premier lieu, le Sénat avait prévu que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er juillet 2013, un rapport élaboré en concertation avec le comité national olympique et sportif français, relatif aux enjeux et aux perspectives d'évolution du régime de responsabilité civile en matière sportive.
Si la multiplication des rapports de l'exécutif au Parlement n'entre pas dans les orientations privilégiées au cours de cette XIIIe législature, il n'en demeure pas moins que, sur quelques sujets précis, l'information du législateur par le Gouvernement revêt un intérêt réel, notamment pour apprécier, dans la durée, les effets d'une réforme législative aux implications importantes. C'est le cas de la démarche retenue ici, qui présente l'avantage de retenir une échéance suffisamment éloignée pour que les éléments d'information transmis au Parlement soient étayés et pertinents et qui s'appuie sur une concertation avec le monde sportif, ce qui garantit davantage d'objectivité dans les conclusions qui seront présentées.
La commission mixte paritaire s'est donc logiquement rangée aux arguments du Sénat, mais elle a considéré que la concertation devait intervenir au préalable et ne pas se résumer au seul Comité national olympique et sportif français, les assureurs, les fédérations sportives et les pratiquants devant aussi avoir leur mot à dire.
En deuxième lieu, le Sénat a souhaité poser les bases juridiques du passeport biologique, afin de renforcer l'efficacité du suivi antidopage des sportifs. J'y suis moi-même fondamentalement favorable. Je m'étais retenu de prendre une telle initiative en première lecture en raison de certaines réticences manifestées par le monde sportif, notamment les petites fédérations, faute d'une véritable étude d'impact de la mesure, sur le plan financier notamment.
Une fois encore, la commission mixte paritaire s'est rangée à cette initiative, notamment en raison du choix raisonnable d'une entrée en vigueur différée au 1er juillet 2013, de manière à apaiser les craintes. Dans l'intervalle, un comité de préfiguration définira les modalités de mise en place du profil biologique des sportifs, et il remettra un rapport au Gouvernement et au Parlement, ce qui ne peut que convenir à notre Assemblée.
Le dernier ajout du Sénat était assurément le plus problématique. En effet, la majorité sénatoriale avait souhaité saisir l'opportunité de ce texte pour revenir sur la possibilité ouverte par la loi n° 2010-626 du 9 juin 2010 encadrant la profession d'agent sportif, au cocontractant d'un sportif ou d'un entraîneur – autrement dit, à chaque club de rémunérer l'agent sportif qui l'a mis en relation avec ce sportif ou cet entraîneur. L'on peut s'interroger sur les effets de cette réforme de 2010 à laquelle je n'ai pas pris part, puisque je n'étais pas encore député à l'époque.