Le projet de loi de programmation que nous examinons a été voulu par ce gouvernement, il revêt une importance absolue car il permettra à moyen terme de résorber le stock de peines en attente d'exécution, de renforcer la lutte contre la récidive et, c'est essentiel, d'améliorer la prise en charge des mineurs délinquants.
Ce texte a été enrichi par M. le président de la commission des lois qui, il l'a rappelé il y a quelques instants, a introduit un chapitre important sur la saisie des biens provenant de délits ou de crimes, améliorant considérablement les dispositifs de saisie confiscatoire.
Le projet de loi de programmation, monsieur le garde des sceaux, a le mérite de cibler concrètement, avec lucidité et pertinence, les principaux dysfonctionnements de notre justice.
Au premier rang des dysfonctionnements se trouve, contrairement à ce qu'a soutenu M. Raimbourg, l'insuffisance des capacités carcérales, et ce, le ministre et Jean-Paul Garraud l'ont rappelé, malgré le rattrapage effectué par ce gouvernement, dont je tiens à saluer les efforts. Avec cette loi, des moyens extrêmement importants et ambitieux vont être mis au service de l'amélioration de notre système judiciaire : 3,5 milliards de crédits d'engagement, 7 000 emplois créés, dont 200 de magistrats, 120 d'éducateurs et près d'une centaine de greffiers, moyens qui permettront de fluidifier le bon fonctionnement de la chaîne pénale et de favoriser l'indispensable et rapide exécution des peines.
Nous avons déjà eu, mes chers collègues, l'occasion de débattre longuement, lors des précédentes lectures, des dispositions essentielles, et je ne reviendrai pas sur l'ensemble des mesures, très complètes et très exhaustives, qui sont contenues dans le texte. Je voudrais simplement souligner que la réorganisation des services d'insertion et de probation, la généralisation des bureaux d'aide aux victimes, le développement et la multiplication des bureaux d'exécution des peines, la généralisation du diagnostic à visée criminologique et la création de nouveaux centres éducatifs fermés constituent autant d'éléments qui vont considérablement améliorer notre système judiciaire et pénitentiaire.
En revanche, je souhaite m'attarder sur une des mesures essentielles de ce texte, incontestablement la plus importante car elle permettra de résoudre un grand nombre des difficultés que nous rencontrons aujourd'hui : il s'agit de porter à 80 000 places la capacité d'accueil du parc carcéral français à l'horizon 2017. Avec 83 places de prison pour 100 000 habitants alors que la moyenne européenne, contrairement à ce que vous avez laissé entendre, monsieur Raimbourg, est de 140, nous avons en France un des taux de capacité de détention parmi les plus faibles en Europe. Pour parvenir à ces 80 000 places, indispensables au regard des objectifs de la loi pénitentiaire et au regard de la capacité de nos juridictions à prononcer des peines de prison ferme exécutoires, il est prévu de construire, dans les cinq prochaines années, 24 000 places de prison, dont près de 6 000 seront réservées aux courtes peines dans des quartiers ou dans des établissements spécifiques mieux adaptés à leur exécution, ce que j'avais proposé dans mon rapport.
La faiblesse du parc carcéral actuel a conduit par le passé à rechercher des solutions alternatives. J'émettrai quelques nuances par rapport à ce qu'a dit M. le garde des sceaux, car je considère que nous étions entrés dans une logique systématique de l'aménagement des peines – qui cachait, il faut bien le reconnaître, une certaine forme d'hypocrisie – pour pallier le manque de capacité carcérale. Les aménagements de peine ont bien évidemment une utilité lorsqu'ils sont individualisés.
Par contre, leur caractère trop général ou systématique, voire automatique, comme vous le proposez, ainsi que les sénateurs socialistes, remettrait en cause de façon particulièrement dangereuse les décisions prononcées souverainement par les tribunaux au nom du peuple français.
En conclusion, je veux rappeler que l'efficacité de notre justice est un objectif qui doit dépasser les clivages politiques et qui ne tolère pas de positions sectaires. À cet égard, je regrette l'attitude du Sénat qui a refusé de débattre en nouvelle lecture et qui avait précédemment introduit des dispositions à tout le moins surprenantes. En forçant un peu le trait, au prétexte de mieux exécuter les peines, l'idée assez inédite et originale était de les supprimer. Le Sénat a en effet proposé un aménagement systématique, automatique, obligatoire des peines de moins de trois mois – une disposition contraire à tous nos principes constitutionnels. Il a également proposé de supprimer les peines plancher. Quant à vous, monsieur Raimbourg, vous venez de rappeler votre attachement à cette idée ahurissante de numerus clausus : à partir d'un certain nombre de détenus, une personne condamnée par un tribunal ne peut entrer en prison que si une autre en sort.
Ce n'est pas sérieux mais cela a eu au moins un mérite : éclairer nos concitoyens sur les positions et les contradictions du parti socialiste et de son candidat à la présidence. Devant les Français, le candidat François Hollande exprime sa volonté de mieux exécuter les peines ; dans cet hémicycle, le député François Hollande vote en faveur du numerus clausus, de la suppression des peines plancher, de l'aménagement systématique, automatique et obligatoire des peines.
Avec ce débat, les Français seront éclairés. En tout cas, si ces dispositions venaient à être appliquées, elles auraient sans aucun doute des conséquences dramatiques en matière de sécurité et de délinquance dans notre pays.