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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 29 février 2012 à 15h00
Protection de l'identité — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Nous pensons que les garanties matérielles apportées par le Sénat sont pertinentes. Non seulement elles n'altèrent pas l'intérêt du texte, mais elles préservent mieux les libertés individuelles. Les différents amendements que vous avez proposés au fil des lectures n'ont fait que nous conforter dans notre conviction. Le texte qui sera soumis au vote mardi prochain et que nous combattons déborde sensiblement l'objectif initial des sénateurs, c'est-à-dire le cadre strict de l'usurpation d'identité. La liste des infractions pour lesquelles la consultation de ce fichier sera autorisée ne devait à l'origine porter que sur les atteintes à la fraude à l'identité. Aujourd'hui, on pourra parfaitement modifier la finalité du fichier. Il suffira par exemple de se référer à l'article 313-1 du code pénal qui concerne « l'escroquerie par manoeuvre frauduleuse ». Il n'y a pas là d'usurpation d'identité : on pourra pourtant, dans ce cas, utiliser l'accès au fichier.

Et je ne reviens pas, monsieur le rapporteur, sur votre amendement autorisant l'emploi du fichier pour identifier un cadavre par ses empreintes digitales, ce qui n'a rien à voir avec l'esprit de la proposition de loi.

Pour que le fichier soit définitivement détourné de son but premier, il suffirait, comme l'a relevé le rapporteur du Sénat, François Pillet, le 21 février dernier, de supprimer, dans une énième loi de simplification du droit, la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 55-1 du code de procédure pénale, dans la rédaction proposée par notre assemblée, ou d'ajouter de nouveaux articles à la longue énumération déjà présente dans le même code.

On le constate, la voie est ouverte à d'autres empiétements afin d'étendre peu à peu le périmètre de l'utilisation du fichier central biométrique de la population française.

De notre point de vue, une telle imprécision pose inévitablement la question de la constitutionnalité du dispositif.

En effet, aux termes de la Constitution, c'est bien au législateur qu'il appartient de définir avec précision les garanties légales nécessaires à l'exercice ou à la protection des libertés individuelles.

Or, comme l'écrit encore la CNIL, la proportionnalité de la conservation sous forme centralisée de données biométriques, au regard de l'objectif légitime de lutte contre la fraude à l'identité, n'est pas à ce jour démontrée.

Nous ne pensons pas, pour notre part, que la lutte contre l'usurpation d'identité puisse justifier la mise en place d'un instrument aussi puissant que le fichier que vous prônez.

C'est la raison pour laquelle nous vous convions à rejeter ce texte en adoptant notre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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