Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous sommes réunis aujourd'hui pour mettre un point final au débat sur la proposition de loi relative à la protection de l'identité. Après plusieurs navettes qui ont vu émerger, au Sénat et ici, au Palais-Bourbon, deux positions irréconciliables, le Gouvernement a demandé à votre assemblée, comme elle en a le pouvoir, de statuer définitivement. La proposition a été très bien instruite par plusieurs discussions, des améliorations ont été apportées, et il est temps de faire un choix.
Ici, à l'Assemblée nationale comme au Sénat et au Gouvernement, nous nous accordons tous sur la nécessité absolue de protéger nos concitoyens contre l'usurpation d'identité, mais il nous reste à nous accorder sur les moyens concrets d'y parvenir. Faut-il, suivant la volonté des auteurs de cette proposition de loi, les sénateurs Jean-René Lecerf et Michel Houel, suivant l'avis du Gouvernement, suivant la position prise de manière répétée par votre assemblée, privilégier un lien fort au sein de la base TES – pour « titres électroniques sécurisés » – destinée à recenser, de manière unique et centralisée, les éléments d'état civil et des données biométriques de chaque demandeur ou titulaire d'un titre d'identité, ou bien suivre la position prise en cours de débat par le Sénat en faveur du lien faible ?
Comme l'a fait votre commission des lois en revenant sur le texte transmis par le Sénat, nous vous demandons de choisir définitivement le lien fort. Nous vous demandons de faire le choix de l'efficacité et de la sécurité.
Le choix de l'efficacité, d'abord, car, contre l'usurpation d'identité, le lien faible n'est qu'un pétard mouillé. À l'inverse en effet du lien fort, qui permet de remonter jusqu'à l'usurpateur via ses empreintes, le lien faible ne permet que de détecter l'usurpation.
La question qui nous est posée est simple : protéger nos concitoyens, est-ce détecter leurs problèmes ou nous mettre en position de les résoudre ? Un constat n'est pas une réponse. Nos concitoyens attendent de nous des solutions. Ils attendent de nous que nous retenions le lien fort.
Retenir le lien fort, c'est aussi faire le choix de la sécurité.
Sécurité technique, en premier lieu, puisque, de l'avis même de l'entreprise chargée de le développer, le lien faible n'est aujourd'hui ni pleinement fiable ni parfaitement opérationnel.
Sécurité juridique, ensuite, puisque le texte qui vous est présenté aujourd'hui fait siennes toutes les garanties définies par la CNIL en matière d'utilisation des fichiers : restriction de l'accès à la base aux seuls agents de l'Agence nationale des titres sécurisés et traçabilité de ces accès ; segmentation des données ; sécurité des transmissions et sécurité contre les intrusions.
Sécurité juridique, toujours, puisque nous pensons que la garantie des libertés fondamentales mérite d'être gravée dans le marbre de la loi et non pas simplement subordonnée à un dispositif technique. Adopter le lien faible, ce serait considérer que seule une technique dégradée permet de garantir une liberté individuelle, ce serait reconnaître que le législateur est incapable de concevoir des garanties. C'est pourquoi nous avons inscrit dans le texte qui vous est présenté aujourd'hui l'interdiction de croiser la base TES avec les autres fichiers publics, c'est-à-dire, très concrètement, l'interdiction de l'utiliser pour tout autre objectif que celui de la protection de l'identité ; la limitation à deux du nombre d'empreintes enregistrées et l'interdiction de la reconnaissance faciale ; la limitation, enfin, à trois cas, et trois cas seulement, de l'autorisation de remonter des empreintes à l'identité : premièrement, c'est logique, au moment de la délivrance ou du renouvellement du titre, afin d'en garantir la bonne fabrication et la remise à la bonne personne, deuxièmement, sous le contrôle du procureur, dans le cadre d'infractions pour usurpation d'identité, ce qui correspond à l'objet même de la loi, troisièmement, toujours sous le contrôle du procureur, pour permettre l'identification de victimes d'accidents collectifs ou de catastrophes naturelles.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, dans l'esprit donné à ce texte par ses auteurs, à la suite de votre rapporteur et de votre commission des lois et en songeant à tous ceux de nos concitoyens qui voient leur vie perturbée par une usurpation d'identité, le Gouvernement vous demande d'adopter le texte qui vous est présenté aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)