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Intervention de Jérôme Lambert

Réunion du 22 février 2012 à 16h45
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Lambert, député, co-rapporteur :

Venons-en aux relations directes entre l'Union européenne et la Chine. Le rachat de dettes souveraines de certains États et la participation éventuelle de la Chine aux opérations du Fonds européen de stabilité financière ont suscité des craintes pour l'indépendance de l'Europe. La Chine est amenée à le faire, parce que sa croissance est largement dépendante des exportations et que l'Europe est son premier client. Une baisse de 1 % du PIB européen se traduit par une baisse de 10 % des exportations chinoises. La Chine détient une large part de la dette des États-Unis, sans que la question de l'indépendance de ce pays ne soit posée.

Les investissements chinois en Europe ont été multipliés par 2,5 en 2011 par rapport à 2010, où ils étaient encore très modestes. Ils ont visé des secteurs stratégiques, comme les infrastructures portuaires en Grèce, ou des entreprises en difficulté, comme Volvo ou Rover, symboles du déclin industriel de l'Europe mais aussi détentrices de technologies intéressant la Chine. Le rachat d'une société allemande d'éoliennes témoigne de la volonté de s'approprier les technologies et le savoir-faire européens.

Depuis la reconnaissance de la Chine en 1975 par l'Union européenne, leurs relations portent la marque d'une grande ambivalence. La Chine tire le parti maximal de son statut de pays en développement et a bénéficié de concessions unilatérales tarifaires, liées au système des préférences généralisées, et de la politique d'aide au développement. Pourtant, sa situation a bien évolué depuis quarante ans.

L'Union européenne a mené longtemps une politique d'engagement inconditionnel. Elle pensait qu'en lui accordant des concessions économiques, la Chine en ferait d'autres, notamment sur les droits de l'Homme, et qu'en montrant le bon exemple, en matière d'environnement, la Chine lui emboîterait le pas. L'Europe, en 2001, a soutenu l'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui a été le catalyseur de la croissance exportatrice chinoise. Quels progrès ont été accomplis, depuis dix ans, en matière environnementale ou de droits de l'Homme ? Pas grand-chose.

Jouant des divergences entre les États membres, la Chine se sent en position de force. Il n'est pas une seule négociation, dans le cadre du partenariat stratégique qui les lie depuis 2003, où les Européens ont obtenu ce qu'ils voulaient des Chinois. Les négociations sur un nouvel accord-cadre afin de remplacer l'accord de commerce et de coopération de 1985 qui est obsolète, bloquent depuis 2006 sur l'embargo sur les armes, l'octroi à la Chine du statut d'économie de marché et la réciprocité pour l'accès au marché chinois. Les Chinois demeurent imperturbables.

Nos relations sont asymétriques. L'asymétrie de résultats est illustrée par un déficit commercial structurel, très différent selon les États membres puisque l'Allemagne voit chaque année son déficit se réduire. L'accession de la Chine au rang de première puissance exportatrice s'est faite au détriment de l'Europe qui a perdu, en dix ans, trois points de parts de marché, et de son industrie puisque la production manufacturière de la Chine a été multipliée par cinq alors qu'elle stagnait en Europe.

L'asymétrie est patente dans les comportements : les difficultés persistantes d'accès au marché chinois pour les entreprises européennes, le manque de transparence des réglementations et leur mise en oeuvre arbitraire, les droits de propriété intellectuelle contournés, les transferts de technologie imposés, les commandes publiques réservées aux producteurs nationaux et les distorsions bénéficiant aux entreprises chinoises, ainsi qu'une sous-évaluation chronique du yuan sont autant de facteurs de déséquilibre, contraires aux obligations qu'implique l'adhésion à l'OMC. La Chine ne peut pas tirer profit du libre-échange et ne pas respecter les règles du commerce international.

Après avoir largement ouvert ses marchés, l'Union européenne, depuis 2009-2010, semble avoir compris qu'il fallait changer de méthode. Lors du sommet Union européenne-Chine de 2009, elle a refusé l'octroi anticipé du statut d'économie de marché, revendication récurrente de la Chine qui rendrait la mise en oeuvre des clauses antidumping plus difficile pour l'Europe. Le principe de réciprocité adopté par le Conseil européen, largement porté par la France, vise tous les émergents et particulièrement la Chine.

Nos interlocuteurs chinois ont parfois l'air de ne pas comprendre. Je vous renvoie à notre rapport écrit. Pendant notre déplacement, nous avons été reçus par des autorités intéressantes, qui nous ont dit leur souci que l'Union européenne et la Chine établissent un partenariat « gagnant gagnant ». Nous en sommes loin. Le rééquilibrage des relations, par la mise en oeuvre du principe de réciprocité, est indispensable. Au cours des prochaines années, les pays émergents, dont la Chine, tireront la croissance mondiale. Le marché chinois est un enjeu pour les entreprises européennes, grandes entreprises ou PME, dans des secteurs comme les énergies renouvelables, l'automobile ou les services.

L'Union européenne a des atouts : elle est la première zone commerciale mondiale et l'interdépendance des économies constitue un levier de négociation.

Avant tout, l'Europe doit forger son unité et surmonter ses divergences pour définir ses priorités. La priorité absolue, la clé de sa compétitivité, est son avance technologique, qu'elle doit conserver en développant l'innovation et en la protégeant, tant pour ses investissements en Chine que pour les investissements chinois en Europe. Tel est l'objet de plusieurs points de notre proposition de résolution.

La réciprocité pourra surgir d'un accord sur les investissements, tendant à réduire les barrières non tarifaires et à permettre aux entreprises européennes d'accéder au marché chinois, sans être tenues de transférer leurs technologies. Ne rêvons pas, mais amenons-les à négocier. De même, l'Union européenne ne doit pas ouvrir ses marchés publics sans réciprocité, comme c'est le cas actuellement.

L'Union européenne doit être moins naïve, si elle veut rétablir l'équilibre nécessaire des relations, d'autant que la Chine, son économie, sa société, ne sont pas immunes et pourraient faire face à des difficultés.

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