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Intervention de Marie-Louise Fort

Réunion du 22 février 2012 à 16h45
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Louise Fort, députée, co-rapporteure :

Premier aspect de cette relation bilatérale qui rapproche près de deux milliards d'êtres humains : la position de la Chine et de l'Union européenne face aux responsabilités de la gouvernance mondiale.

La Chine et l'Union européenne sont devenues des acteurs majeurs de la mondialisation, grâce à la réussite du modèle spécifique de croissance par l'exportation de l'Etat-continent le plus peuplé du monde et du modèle d'intégration d'un continent d'États sans précédent historique.

Le choix de la Chine de se transformer en atelier du monde pour nourrir sa croissance a été déterminant dans l'avènement du monde multipolaire. Son industrialisation massive, par l'ouverture aux entreprises multinationales des pays avancés, en a fait le centre de la transformation et de l'exportation vers ces pays. En résulte le basculement du centre de gravité de l'économie mondiale vers l'Asie, où vit 60 % de la population du globe. Sa montée en gamme systématique est fondée sur la priorité du rattrapage technologique. Elle s'appuie sur la taille future de son marché intérieur qui lui permettra de porter toutes les innovations technologiques du XXIème siècle et de constituer des groupes mondiaux capables de peser sur la définition des normes techniques mondiales.

Ce modèle de croissance par l'exportation a fait de la Chine un géant économique. Premier manufacturier du monde, elle est devenue le premier exportateur mondial, devant l'Allemagne, en 2009, et pèse près de 10 % des exportations mondiales en 2010, au lieu de 5 % dix ans avant.

Avec un PIB de 5 878 milliards de dollars en 2010, la Chine est devenue la deuxième puissance économique du monde, devant le Japon et derrière lesÉtats-Unis (14 527 milliards). Les États membres ne reprennent le premier rang qu'en regroupant leurs forces au sein de l'Union européenne (16 242 milliards).

La Chine a établi avec l'Europe et les États-Unis les deux principaux axes commerciaux du monde. Cette interdépendance commerciale s'est muée en interdépendance financière avec la transformation massive des excédents commerciaux de la Chine en placements massifs aux États-Unis et, secondairement, en Europe.

La Chine a soumis les industries des pays avancés à une rude concurrence. La hausse de 9 points (de 3 % à 12 %) des exportations chinoises dans le commerce mondial à partir de 2001 s'est traduite par des pertes de marché, de 3 points pour la zone euro, qui en aurait perdu plus sans l'augmentation des exportations de l'Allemagne vers la Chine, de 4 points pour les États-Unis et de 2 points pour la France, et par la désindustrialisation : les productions manufacturières ont stagné en Europe et aux États-Unis, alors qu'elles ont quintuplé en Chine depuis 1998.

L'appétit de son modèle de croissance en énergie et en matières premières et l'intégration productive régionale ont conduit la Chine à pratiquer une diplomatie intensive de l'énergie et des matières premières, et à mener une politique asiatique de stabilisation régionale. Toutefois, elle inquiète ses voisins à cause de ses revendications territoriales et de souveraineté maritime, soutenues par un renforcement de sa puissance navale ; les États-Unis ont réagi avec le lancement du projet de partenariat transpacifique.

La Chine est une puissance paradoxale : l'importance de sa population lui donne un double statut international. Elle est l'un des trois acteurs systémiques de la mondialisation, aux côtés des États-Unis et de l'Union européenne, et l'on attend qu'elle exerce pleinement ses responsabilités internationales dans la gouvernance mondiale. Mais elle est encore, comme nous avons pu le constater en y allant, un pays en transition qui s'implique pacifiquement, progressivement et prudemment dans l'exercice des responsabilités mondiales.

L'intérêt de l'Union européenne est que l'économie mondiale repose sur des bases saines, pour résorber les déséquilibres mondiaux, commerciaux et monétaires. Mais la sous-évaluation du yuan biaise les positions de la Chine.

Après avoir retrouvé son rang, la Chine s'efforce d'apaiser les craintes de ses partenaires, en soutenant le multilatéralisme, en renforçant l'intégration régionale et en participant à la gouvernance mondiale. Elle mène une stratégie d'indépendance vis-à-vis de l'Occident, s'efforce de développer un partenariat avec les grands pays émergents et ne veut pas se laisser entraîner au-delà de ses moyens, ni en dehors de ses priorités.

Dans la négociation sur le réchauffement climatique, la Chine évolue à son propre rythme, sans égard pour des objectifs mondiaux contraignants, en développant son effort technologique, pour figurer aux avant-postes de la révolution verte, grâce aux perspectives de voir émerger sur son marché intérieur des champions innovateurs.

La Chine a coopéré au règlement de certaines crises internationales, mais sa convergence avec la Russie l'a menée jusqu'au veto sur la Syrie.

Les déséquilibres internes provoqués par sa croissance fulgurante la conduisent à réorienter son modèle exportateur vers le développement de la consommation intérieure et du bien-être social. Le défi pour le régime est de changer de modèle économique sans changer de modèle politique, dans une société en pleine mutation.

Le douzième plan quinquennal (2011-2015) devrait constituer le point de départ de cette mutation et coïncider avec le renouvellement des organes du parti unique en octobre 2012.

Cette nouvelle stratégie suscite trois interrogations : sur la difficulté de la transition, sur l'évolution du régime politique sous la pression d'une société civile émergente comptant plus de 500 millions d'internautes, et sur la capacité d'une superpuissance autoritaire d'exercer un leadership mondial, dans un monde où les individus communiquent par-dessus les frontières et les hiérarchies.

L'Union européenne doit relever son défi intérieur et surmonter les contradictions entre États membres pour définir un intérêt commun et agir de concert face à ses grands partenaires. Au-delà des dispersions institutionnelles et des divergences d'intérêt entre les États membres, la crise de l'euro et des balances de paiement a montré que les écarts de compétitivité se sont creusés surtout dans le commerce au sein de l'Union et non avec les pays tiers.

Quatre-vingt dix pour cent de la croissance mondiale à venir se réalisera en dehors de l'Europe. C'est pourquoi l'Union doit établir un partenariat fécond et équilibré avec la Chine.

Le 14 février dernier, le 14e sommet Union européenne-Chine, qui a réuni les Présidents Barroso et Van Rompuy et le Premier ministre Wen Jiabao, a abouti à des annonces encourageantes, mais limitées, sur la négociation d'un accord bilatéral sur les investissements, le développement urbain durable et la multiplication des échanges, à travers le dialogue entre les personnes, l'éducation et la culture.

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