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Intervention de Guy Lefrand

Réunion du 22 février 2012 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Lefrand, rapporteur :

Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue Serge Blisko. Madame la secrétaire d'État, vous avez dit que c'était l'intérêt du patient qui vous importait le plus. Nous partageons ce sentiment. Or il n'est pas dans l'intérêt du patient de se déplacer au tribunal. Les magistrats de Pontoise, qui se rendent à l'hôpital d'Argenteuil, nous ont dit eux-mêmes que ce n'était ni plus long ni plus coûteux à condition d'être bien organisé. Naturellement, on ne peut pas en dire autant de Créteil où de nombreux établissements psychiatriques sont situés dans le ressort du tribunal. Mais quand on peut le faire, la dignité du patient est respectée, conformément à l'intention du législateur.

Monsieur Rolland, les agences régionales de santé dans leur ensemble se sont donné beaucoup de mal pour que la loi soit applicable au 1er août 2011. Néanmoins, on peut craindre que parfois les préfets ne se déchargent sur elles de leurs prérogatives. Les soins à la demande du préfet relèvent du trouble grave à l'ordre public : ils ne sont pas du ressort du médecin de l'agence régionale. Nous devons éviter cette dérive. S'y ajoute un problème d'efficacité. En effet, nombre de saisines hors délai sont liées à des soins sans consentement à la demande du préfet, ce qui montre que les agences régionales, plus que les directeurs d'établissement, ont du mal à respecter les délais légaux.

Monsieur Issindou, en cas de discordance entre le psychiatre et le préfet, la loi dispose, d'une part, qu'un second avis est demandé à un autre psychiatre et, d'autre part, que le juge est saisi. Cette dichotomie s'explique par le fait qu'une décision du Conseil constitutionnel en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité est intervenue le 9 juin 2011, entre la deuxième et la troisième lecture. Voici ce qui se passe aujourd'hui en pareil cas, selon le Gouvernement : un second psychiatre est sollicité ; si son avis rejoint celui du premier, le préfet le suit ; s'il est discordant, le juge est saisi.

Michel Issindou a également évoqué la médication lors du transport des patients. Selon certains soignants, il arrive que les patients soient « surmédiqués » avant d'être emmenés au tribunal, ce qui les empêche de comprendre ce qui se passe et de défendre convenablement leurs droits. L'ampleur du phénomène n'a pas été évaluée, mais nous devons tenir compte de cette information.

Comme l'a rappelé Serge Blisko, le rôle du juge reste important pour évaluer la proportionnalité de la mesure de privation de liberté. On l'a dit, au cours des trois premiers mois, 6 à 7 % des patients entendus par le juge ont bénéficié d'une mainlevée. Nous aimerions pouvoir faire rapidement la part des raisons de forme – une saisine trop tardive ou non conforme aux règles, par exemple – et des motifs de fond – la mesure n'était pas justifiée.

Tous les établissements publics peuvent-ils accueillir les patients qui bénéficient de mesures de soins sans consentement ? Peut-être pourrait-on envisager une organisation différente, par exemple dans le cadre du plan de santé mentale : seuls accueilleraient ce type de patients les établissements qui ont réellement les moyens humains de le faire.

Dans un climat désormais apaisé, la loi fonctionne. Toutefois, les statistiques semblent montrer qu'elle fonctionnait mieux après trois mois qu'au bout de six. Le Gouvernement ne doit pas croire qu'elle continuera de donner satisfaction à moyens constants, car cela démobiliserait tout le monde. Les moyens alloués aux juges et aux greffiers doivent être accrus comme vous vous y êtes engagée, madame la secrétaire d'État, si l'on veut que cette loi, utile aux patients qui bénéficient – j'insiste sur ce terme – de soins sans consentement, soit un succès.

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