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Intervention de Nora Berra

Réunion du 22 février 2012 à 16h15
Commission des affaires sociales

Nora Berra, secrétaire d'état à la sant :

Le travail a été dense, puisqu'il a dû être conduit dans le court délai qui nous était imparti par le Conseil constitutionnel. Il a permis d'aboutir à une révision de la loi de 1990 qui était nécessaire pour assurer le respect de la dignité des patients et offrir une nouvelle alternative de prise en charge. Les décrets d'application ont été publiés sitôt la loi promulguée, et nous nous sommes efforcés d'apporter tout notre concours à la mise en oeuvre de la loi. La « foire aux questions » était un outil indispensable, tant la situation des territoires et la sensibilité des différents acteurs sur le sujet sont contrastées. Il était donc impératif de répondre très rapidement à leurs difficultés.

L'avancée majeure de la loi réside dans ce travail transversal entre deux mondes. L'intervention du monde de la justice dans celui de la santé est en effet une véritable novation : ils n'avaient jusqu'à présent jamais eu l'occasion de coopérer dans l'intérêt des patients. Cette évolution s'est certes opérée de façon contrastée, mais la volonté de faire un pas l'un vers l'autre était perceptible. Cette acculturation se poursuit aujourd'hui.

Le délai était court ; nous avons tous travaillé dans l'urgence. Néanmoins, la loi a été intégrée, comprise et appliquée. C'est en tout cas ce que j'ai constaté sur le terrain, en allant à la rencontre des professionnels. Globalement, les choses se passent donc bien.

Je n'ignore cependant pas qu'il subsiste des difficultés, auxquelles la montée en charge du dispositif de la loi devrait nous permettre d'apporter des réponses.

S'agissant des moyens mis en oeuvre par la justice, monsieur Blisko, je suis en mesure de vous indiquer que le projet de première circulaire de la campagne 2012 prévoit des crédits de dotation annuelle de fonctionnement à hauteur de 6,72 millions d'euros pour l'installation de la visioconférence et du réseau et de 10,23 millions d'euros pour les personnels assurant l'accompagnement des patients aux audiences. Des financements sont également prévus, à hauteur de 100 000 euros, pour les quatre cliniques privées assurant des soins sans consentement.

270 postes seront ouverts au concours de l'École nationale de la magistrature en 2012. L'impact de la réforme est pris en compte dans la localisation annuelle des emplois de magistrats et de greffiers. Les juridictions rencontrant des difficultés particulières seront donc pourvues en priorité.

La loi prévoyait en effet le dépôt par le Gouvernement, dans un délai de six mois, d'un rapport sur le processus de transformation de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris. Ce rapport n'est pas finalisé, car la concertation entre la préfecture de police, l'agence régionale de santé d'Île-de-France et l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) est encore en cours. Il s'appuiera bien évidemment sur les recommandations du contrôleur général des lieux de privation de liberté. J'espère qu'il pourra très vite vous être transmis.

Quant au décret relatif aux conventions visant à assurer le suivi et à favoriser la réinsertion sociale des personnes bénéficiant de soins psychiatriques sans consentement hors hospitalisation complète, il est en cours d'élaboration. Nous devons éviter d'aller trop loin dans le détail, afin de laisser les acteurs libres de définir sur chaque territoire les conditions les mieux adaptées à sa situation. Le décret rappelle le dispositif de la loi et précise les éléments que doit comporter la convention – échange d'informations, indicateurs, traitement des dysfonctionnements. La concertation est en cours.

Vous avez par ailleurs évoqué la question de la modification substantielle du programme de soins et la possibilité pour le préfet de prendre un nouvel arrêté. Toute modification du programme de soins obéit à une prescription médicale ; cette indication est donc posée par le professionnel. Il peut cependant arriver que le préfet n'accepte pas cette modification. Dans ce cas de figure, c'est le programme de soins initialement prévu qui se poursuit.

J'en viens aux saisines tardives et hors délai. Compte tenu de l'entrée en vigueur rapide de la loi, chacun a dû faire au mieux. Le traitement de la période transitoire et celui des patients ayant connu plusieurs mesures successives sont souvent complexes. La loi est respectée, mais les services n'ont pas eu le temps de s'adapter pleinement à cette nouvelle donne. Je pense par exemple au logiciel dédié à la gestion des mesures, qui ne sera complètement adapté qu'en 2013. Des modifications fonctionnelles ont cependant d'ores et déjà été effectuées pour aider les agences régionales de santé. Mais dans tous les cas de figure, le critère qui prime est l'intérêt supérieur du patient. C'est dans cette optique que certains avocats ont décidé de ne pas faire appel.

Le transport des patients sur le lieu de l'audience est en effet une préoccupation des acteurs de terrain. Pour ne pas compliquer davantage la situation, les médecins doivent intégrer cette question dans l'évaluation médicale et dans leurs recommandations.

Le sujet du cadre juridique des anciennes sorties thérapeutiques de courte durée n'a pas été abordé lors des débats parlementaires. Soyons pragmatiques. Jusqu'à présent, les patients pouvaient bénéficier de « permissions » couvertes par une simple prescription médicale ou par une sortie d'essai. La loi du 5 juillet 2011 ne précise pas davantage le cadre juridique. Consigne a été donnée qu'il s'agissait d'une prescription médicale ; mais dans les situations où une contractualisation avec le patient paraît possible, on peut poser la question de la pertinence de l'hospitalisation sous contrainte. En pareil cas, l'hospitalisation libre ne devrait-elle pas être la règle ?

Le nombre des certificats médicaux est une autre préoccupation. Je rappelle qu'il répond à une demande du Conseil constitutionnel. L'intervention du juge impose en effet une multiplicité de certificats médicaux. Nous pouvons envisager ensemble une évolution du dispositif. Peut-être une intervention plus précoce du juge permettrait-elle de réduire le nombre de ces certificats.

La « foire aux questions » s'est révélé être un bon outil d'accompagnement de la mise en oeuvre de la loi. Mes services recensent donc actuellement les bonnes pratiques dans le cadre d'une circulaire qui sera prochainement diffusée.

Afin d'être davantage à l'écoute des difficultés de mise en oeuvre de la loi, j'ai également décidé la création d'un comité de suivi, qui réunira l'ensemble des administrations centrales sous la houlette d'un conseiller d'État, afin de régler les questions juridiques susceptibles de se poser, et d'envisager le cas échéant des évolutions.

J'en viens enfin au plan « Psychiatrie et santé mentale ». Nous en avons parlé au cours des débats parlementaires, le cadre n'est pas celui d'une grande loi de santé mentale : d'une part, la loi du 5 juillet 2011 a révisé la loi de 1990 pour ce qui concerne les modalités de prise en charge ; d'autre part, la question de la filière de soins est intégrée à ce plan, que je présenterai en Conseil des ministres le 29 février prochain. L'objectif est de définir un cadre stratégique national, dont la lutte contre les ruptures de prise en charge constitue le fil directeur, après quoi il appartiendra aux acteurs de terrain, aux agences régionales de santé, d'en décliner les mesures les plus adaptées aux spécificités de chaque territoire, en tenant compte des projets locaux en cours.

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