Permettez-moi d'abord, madame la ministre, de saluer votre présence et de vous en remercier : c'est un signe fort, non seulement vis-à-vis de la représentation nationale, mais aussi vis-à-vis de tous ceux qui s'intéressent au sujet que nous traitons ce soir.
Permettez-moi ensuite, tout de même, de regretter le caractère très partiel de cette proposition de loi, de la première expression législative de l'histoire traitant des fêtes foraines.
Pour des raisons historiques, en effet, il n'existait pas de réglementation spécifique sur la sécurité des attractions. Ce texte, très partiel, rompt avec cette tradition. Mais, quitte à rompre avec elle, avec l'absence de législation en ce domaine, l'examen de ce texte aurait pu être l'occasion de tenir un discours sur la place, le rôle de l'activité foraine en France, qu'elle se déroule dans de petites communes, dans lesquelles quelques manèges viennent assurer une animation régulière, très attendue des habitants, ou qu'elle prenne la forme de foires importantes, rassemblant des centaines d'attractions et des milliers de visiteurs.
Je suis députée de la 8e circonscription de Paris. C'est la circonscription du Musée des arts forains, que je vous invite tous à visiter pour prendre la mesure du rôle du monde forain dans l'expression des arts et traditions populaires, pour vous rendre compte du caractère unique de cet espace-temps qu'est la fête foraine et pour découvrir la part de rêve, d'imaginaire, de poésie des fêtes, et les multiples témoignages de l'impertinence du monde forain à l'égard de tous les puissants qui s'exprime dans les attractions, les jeux de massacre. Vous verrez, mes chers collègues, que les manèges et les attractions des fêtes foraines disent toujours quelque chose de leur époque et de la société dans laquelle ils s'inscrivent. Cela demeure le cas aujourd'hui, avec ces scream machines dont on va probablement beaucoup parler ce soir, ces machines aux performances étonnantes, mais qui suscitent la crainte.
Le 12e arrondissement de Paris, ma circonscription, accueille également chaque printemps la Foire du Trône, l'une des plus importantes foire d'Europe. Tous les petits Parisiens, tous les petits Franciliens ou presque sont passés à la Foire du Trône : 5 millions de visiteurs s'y pressent chaque année, de toute génération, de toute catégorie sociale ; 350 manèges et attractions, des plus modestes aux plus sophistiqués, y sont rassemblés. C'est un spectacle et une atmosphère uniques. C'est aussi un rassemblement de masse, qui pose des problèmes de masse auxquels la puissance publique ne répond pas et auxquels ce texte n'apporte malheureusement encore aucune réponse.
Dès l'introduction de son rapport sur la proposition de loi dont il était l'un des auteurs, le sénateur Pierre Hérisson fait référence au dramatique accident survenu le 4 août dernier à la Fête des Loges, et qui a coûté la vie à un adulte et à un enfant. Plus direct encore, notre collègue Bernard Gérard explique, dès les premières lignes de son rapport, que ce texte est inspiré par cet accident tragique, à la suite duquel le Président de la République, comme à son habitude, a décidé de réagir par une législation : la loi répond à l'émotion, sert à afficher un activisme politique…