Toutefois, force est à nouveau de constater que, souvent, les accords obtenus n'ont pas résisté à l'épreuve des faits. Ainsi, le 17 janvier dernier, dans l'Ariège, le Président de la République a critiqué, lors de la présentation de ses voeux au monde rural, des règles environnementales trop « tatillonnes » et certaines limitations imposées par la justice à la chasse. « La préservation de l'environnement, ça n'est pas empêcher quiconque de faire quoi que ce soit », a-t-il lâché, ajoutant que le Gouvernement allait « prendre un certain nombre de décisions pour relâcher la pression ». De fait, dès le 4 février, deux moratoires, en vigueur jusqu'en 2013, sur la chasse de deux oiseaux, l'eider à duvet et le courlis cendré, ont été levés, alors que ces oiseaux sont toujours inscrits sur la liste rouge des espèces menacées en France publiée par l'Union internationale pour la conservation de la nature. En outre, la chasse à des fins scientifiques de l'oie a été autorisée jusqu'au 10 février 2012, à la suite de la décision du Conseil d'État du 23 décembre d'avancer au 31 janvier la date de fermeture pour le gibier d'eau.
À l'instar des associations de protection, je dénonce la rupture unilatérale du compromis qui avait été arrêté en juillet 2008, puisque le Gouvernement revient, sans aucune consultation, sur les engagements qu'il avait pris. Malheureusement, ces reculs risquent demain, d'être suivis, pour des raisons électoralistes, de véritables renoncements. En effet, le Président de la République n'a-t-il pas déjà promis aux chasseurs d'autoriser les chasses traditionnelles d'espèces protégées, comme le bruant, l'ortolan et le pinson des Landes, et d'avancer d'un mois la chasse au vanneau huppé ?
Nous assistons donc à un véritable braconnage électoraliste, qui, outre qu'il risque de remettre en cause les grands équilibres environnementaux, ne manquera pas de conduire la Commission européenne à s'interroger sur le comportement des autorités françaises vis-à-vis de leurs engagements internationaux et qui n'est pas conforme à l'article 1er de la proposition de loi. Celui-ci en effet reconnaît le rôle de la chasse comme instrument efficace de gestion de la biodiversité. Or on n'améliore pas la préservation de la biodiversité si l'on chasse plus d'espèces plus longtemps.
Si le texte proposé par Jérôme Bignon vise, comme il l'a rappelé, à réduire la cristallisation de l'opposition entre chasseurs et protecteurs et à sublimer les conflits de légitimité, il est à craindre que les décisions déjà prises sans aucune concertation par le Président de la République et celles qu'il a annoncées portent atteinte aux fragiles équilibres auxquels la table ronde avait abouti.
Quant à nous, nous nous sommes toujours situés dans le camp des progressistes pragmatiques, favorables au développement d'une chasse durable, respectueuse des autres utilisateurs de la nature, des écosystèmes et de la diversité biologique et qui puisse être pratiquée par le plus grand nombre. Ce texte, monsieur le rapporteur, le groupe SRC le votera.