En recevant aujourd'hui les ministres en charge des transports et de la Ville, notre commission d'enquête arrive au terme de ses nombreuses auditions. Nous avons notamment entendu les représentants des usagers et les responsables syndicaux, mais également les dirigeants de Réseau ferré de France (RFF), de la SNCF, de la RATP, du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) et de l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). Au cours des dernières semaines, nous avons aussi auditionné M. Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), le secrétaire général de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui remplaçait son président, M. Dominique Perben, empêché. Nous avons bien évidemment reçu MM. Jean-Paul Huchon, Roger Karoutchi et M. François Kalfon pour la région d'Île-de-France, ainsi que de nombreux élus locaux. Le préfet de police de Paris nous a apporté des éléments d'information sur le volet sécuritaire, tandis que les représentants du MEDEF et du Conseil économique, social et environnemental nous ont exposé le point de vue des acteurs économiques et sociaux. Les représentants de la Société du Grand Paris (SGP), le préfet de la région d'Île-de-France et des experts urbanistes ont traité de la question de l'aménagement de la région capitale et des projets en cours. Enfin, nous avons reçu la semaine dernière le président de la septième chambre de la Cour des comptes, qui avait remis, en novembre 2010, un rapport plutôt sévère sur les transports ferroviaires en Île-de-France.
Notre commission d'enquête n'a donc pas chômé ! Nous parviendrons à tenir les délais très courts qui nous étaient impartis. Le rapport sera remis officiellement au président de l'Assemblée, M. Bernard Accoyer, le 7 mars prochain, et nous pourrons ainsi nous targuer d'avoir clos la XIIIè législature.
Messieurs les ministres, votre présence est essentielle compte tenu de l'implication de l'État dans le développement des transports en Île-de-France. La RATP, la SNCF, RFF et l'EPSF sont des établissements publics, sur lesquels l'État exerce une tutelle. La complexité de la gouvernance du « système RER » m'incite à vous interroger sur la pertinence du maintien d'un schéma aussi obsolète. Résulte-t-il d'une volonté de l'État de conserver deux exploitants – la SNCF et la RATP – sur les lignes A et B du RER ? Même si les opérateurs nous ont présenté les progrès réalisés sur la ligne B depuis la mise en place de ce qu'on appelle l'interopérabilité en 2009, bien des problèmes subsistent. Le centre de commandement unifié de la ligne B (CUB) n'est toujours pas opérationnel. Malgré l'annonce récente de la RATP et de la SNCF de mettre en place de manière effective cette structure de gestion commune, des doutes demeurent. Ne serait-il pas plus simple de confier pleinement la ligne B à l'un des deux opérateurs ?
La même question se pose à propos de la ligne A. Comment comprendre que les trains s'arrêtent systématiquement plus longtemps en gare de Nanterre Préfecture afin de permettre un changement de conducteur ? La « relève » ressemble à une relique injustifiable à l'époque de la modernisation de l'action publique, de la LOLF et de la RGPP. La Cour des comptes avait également souligné ces incohérences dans le rapport précité.
Je ne peux également que faire écho aux interrogations de la Cour des comptes sur l'opacité des comptabilités des opérateurs. Bien que certaines données n'aient pu être fournies à la Cour lors de son enquête, celle-ci a pointé les présentations comptables qui sont données de leur activité tant par la RATP que par la SNCF, y compris de manière analytique. Toute comparaison entre les deux opérateurs semble impossible du fait de la particularité de chaque système et aucun des deux ne serait en mesure de fournir des résultats précis par ligne. Comment, dans ce contexte, l'autorité organisatrice qu'est le STIF peut-elle d'exercer pleinement ses compétences ?
Il me faut aussi relayer auprès de vous la lassitude des usagers du RER, confrontés chaque jour à une dégradation de leurs conditions de transport. Comment comprendre que, en vingt ans, la durée des trajets a augmenté sur des distances identiques ? Comment expliquer le manque d'information en cas d'incident ? L'accroissement du sentiment d'abandon en face de transports moins sûrs et plus sales est prégnant parmi les voyageurs. Certes, les nouvelles rames inaugurées sur la ligne A en décembre dernier améliorent sensiblement la situation, mais il s'agit d'une exception, tandis que les usagers des autres lignes sont, pour le moins, agacés de recevoir « les rames bâtardes de la ligne A » – je ne fais que répéter là une phrase entendue dans la bouche d'usagers lors de nos auditions.
Enfin, qu'en est-il de la politique d'aménagement de l'Île-de-France ? Bien sûr, celle-ci relève de la compétence de la région, mais l'État s'implique fortement dans le développement francilien, comme l'illustre le Grand Paris.
Depuis Paul Delouvrier, rien ne paraît réellement avoir été pensé dans son ensemble, et la région semble s'être agrandie par à-coups, le réseau de transport suivant cahin-caha, avec des solutions bricolées dans l'improvisation et posées comme des rustines sur les failles de nos politiques d'aménagement du territoire. Les déséquilibres territoriaux sont criants en Île-de-France, entre l'Ouest accueillant les bassins d'emplois et l'Est abritant des villes dortoirs. Ce bilan est quelque peu schématique, mais une question demeure : quand acceptera-t-on de faire de l'Île-de-France une région polycentrique au lieu de maintenir l'illusion d'un Paris au centre de tous les développements économiques et sociaux possibles?