En tant que vice-président du Comité, je tiens tout d'abord à souligner que ce rapport complète utilement les précédents rapports du CEC, organe encore jeune, mais dont les travaux commencent à être reconnus. Établis à chaque fois par deux rapporteurs, l'un appartenant à la majorité, l'autre à l'opposition – exercice auquel nous n'étions pas nécessairement habitués, mais dont l'intérêt s'avère indéniable –, ces rapports font la part entre le diagnostic partagé et les différences d'appréciation sur les leçons à en tirer, ce qui permet d'asseoir le débat politique sur de bonnes bases. C'est ainsi que nous avons produit des rapports sur de grandes questions transversales, comme le principe de précaution, des rapports qui font référence, sur la politique de la ville ou sur l'aménagement du territoire en milieu rural, des rapports d'évaluation de politiques publiques, comme celui sur les autorités administratives indépendantes ou celui sur les dispositifs de défiscalisation des heures supplémentaires, et des rapports de portée européenne, comme le rapport sur la performance des politiques sociales en Europe ou le présent rapport. Il serait d'ailleurs opportun que celui-ci donne lieu à un débat dans l'hémicycle, ou à tout le moins en commission : puisque la principale critique qui y est formulée est que personne ne s'est approprié la Stratégie de Lisbonne, il ne serait pas mauvais que l'Assemblée donne l'exemple de l'effort à mener !
Cette stratégie était au départ une démarche extrêmement technocratique : rien que pour expliquer ses objectifs – l'emploi, la cohésion sociale et l'économie de la connaissance –, il faudrait faire appel à une douzaine d'universitaires ! Alors, quand j'entends Pierre Méhaignerie embrayer tout de suite sur les 35 heures, je trouve cela un peu court – d'autant plus qu'on pourrait lui rétorquer qu'en Allemagne, où la durée du travail est plus faible, le chômage est moins élevé qu'en France. Il me semble que ce débat mérite mieux.
Il faut puiser dans ce rapport de quoi avancer. Aujourd'hui, avec la crise de la dette et la crise de l'euro, on bute sur la question de la « gouvernance » européenne, sur le fait que le gouvernement économique européen, que chacun appelait de ses voeux au moment de la création de l'euro, n'a pas été mis en place : il n'existe qu'une fausse banque centrale, qui ne joue pas son rôle. Comme le souligne le rapport, il convient de doter l'Europe d'un organe politique à la hauteur des transferts de compétences qui ont été réalisés, notamment en matière économique et monétaire.
Le rapport recommande en outre de favoriser l'appropriation institutionnelle et politique de la Stratégie de Lisbonne ; il prévoit à cette fin un financement nouveau, reposant sur une taxe sur les transactions financières.
C'est un début. Si l'on veut des résultats, il faudra une volonté politique, des institutions et des ressources ; s'il n'en est pas ainsi, on en restera au constat dressé par le présent rapport : quelles que soient les arguties sémantiques, la Stratégie de Lisbonne n'est pas une réussite, c'est même un échec !