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Intervention de Nadine Morano

Réunion du 15 février 2012 à 16h45
Commission des affaires sociales

Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle :

Monsieur Issindou, j'ai visité beaucoup de CFA. Chaque fois, j'y ai rencontré des jeunes « bien dans leur peau ».

Bien sûr, le seul développement de l'alternance ne permettra pas de régler les difficultés d'emploi de tous les jeunes. Pour autant, l'alternance est un levier puissant, et connu comme tel. Nous avons des décennies de retard sur l'Allemagne. Le message que nous avons fait jusqu'ici passer dans l'esprit des parents, c'est que la voie royale pour l'emploi, c'est le bac S, et lui seul.

Les ministres de l'éducation nationale et de l'agriculture, ainsi que moi-même allons adresser aux enseignants chargés de l'orientation une lettre pour les sensibiliser à l'ensemble des filières et des métiers et changer le regard porté sur l'orientation. Aujourd'hui encore, les filles sont orientées vers les métiers des services et les garçons vers l'industrie et la recherche. Il faut ouvrir au contraire toutes les palettes aux jeunes. Il est tout à fait possible de réussir une carrière professionnelle à partir de la professionnalisation. Un jeune qui commence par un CAP peut ensuite devenir ingénieur ou chef d'entreprise. Au-delà de l'enseignement théorique ou pratique, ce qui fait que les jeunes en CFA sont bien dans leur peau, c'est qu'ils savent que des perspectives leur sont ouvertes.

La semaine dernière, je suis allée chez Airbus France pour signer un accord faisant passer la part de salariés en alternance de 3 % à 5 %, comme en Allemagne.

Lors d'une réunion organisée par le Club de l'apprentissage, que j'ai créé, M. Robert Mahler, ancien président France d'Alstom, a expliqué aux jeunes qu'il avait commencé sa carrière avec un CAP d'électro-mécanicien. Ces jeunes ont été enthousiasmés ! Même débutant avec un CAP, ils peuvent déterminer le niveau jusqu'où ils voudront aller. Cela leur donne une confiance dans l'apprentissage.

À la suite de notre campagne de sensibilisation au dispositif « zéro charges » à l'adresse des entreprises de moins de 250 salariés, nous avons reçu 40 000 demandes. Nous avons donc bien enclenché une dynamique. Les développeurs de l'apprentissage, que nous avons financés – à hauteur de 9 millions d'euros –avec les chambres consulaires, sensibilisent eux aussi les entreprises, et leur action donne des résultats très concrets.

L'objet du portail de l'alternance et de la dématérialisation, c'est la simplification.

Vous avez souligné la difficulté de trouver des maîtres d'apprentissage ou des tuteurs. Après discussion avec les partenaires sociaux, nous avons pris un décret réduisant de cinq à trois ans la durée d'expérience professionnelle pour devenir maître d'apprentissage – quitte à ce que les branches maintiennent à cinq ans la durée d'exercice nécessaire dans les secteurs pour lesquels elles considèrent qu'une expertise plus approfondie est nécessaire. Cette diminution nous permet d'élargir le vivier des maîtres d'apprentissage.

J'ai signé une charte tendant à revaloriser les tuteurs.

J'ai également rassemblé l'ensemble des branches professionnelles pour prendre des engagements à la fois quantitatifs et qualitatifs en matière de développement de l'alternance. Ces actions donnent de bons résultats.

Je me réjouis que nous arrivions petit à petit à sortir l'apprentissage de son image de dispositif limité aux métiers du bâtiment et des travaux publics ou, plus généralement, aux métiers manuels ; l'apprentissage concerne aussi les métiers des services. J'ai signé avec le secteur bancaire, avec les entreprises du CAC 40, ou encore avec la SNCF, des engagements pour y développer l'alternance.

Il reste que, comme M. Siré l'a souligné, nous ne remporterons ce combat que si la filière de l'apprentissage perd son image de filière dévalorisée. Nous devons changer nos réflexes, ainsi que les mentalités. Il faut désormais orienter non pas par défaut, mais par talent, par choix, et sur la base de l'envie de pratiquer.

Pour l'orientation des jeunes, on ne parle aux parents que des filières, jamais des métiers. Or, ce qui est fondamental, c'est bien les métiers ! Y recrute-on ? Et y recrute-t-on dans la région du jeune ? Une étude de Pôle emploi et du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC), parue en 2011, démontre, secteur par secteur et région par région, que notre pays dispose d'un potentiel de 1,6 million d'emploi.

Il nous faut une mise en adéquation des besoins des entreprises et des formations. Nous devons mieux orienter les jeunes en fonction des potentiels des filières. Nous en voyons trop venir se plaindre, dans nos permanences, de ne pas trouver de travail malgré un niveau de formation élevé, tout simplement parce qu'ils ont suivi une filière inadaptée.

Il ne faut pas hésiter non plus à dire aux jeunes qui ne trouvent pas d'entreprise où travailler, ainsi qu'à leurs familles, que, tant sur le portail de l'alternance que sur le site de Pôle emploi, ils peuvent trouver une carte de France sur laquelle un simple clic permet de faire apparaître, dans chaque région, des entreprises qui recrutent et embauchent des jeunes en contrat d'alternance.

Monsieur Perrut, nous avons signé avec de grandes entreprises des contrats par lesquels elles s'engagent sur des contrats d'apprentissage en entreprise. Ainsi le groupe DCNS – je me rendrai demain dans son établissement du Finistère – s'engage à un pourcentage de 7 % de contrats en alternance.

La préparation opérationnelle à l'emploi, ou POE, est aussi un dispositif efficace. Grâce à elle, nous disposons – pour une fois – d'un module de mise en adéquation des besoins de l'entreprise et de ceux du demandeur d'emploi. Alors que, l'an dernier, nous nous étions fixé un objectif de 10 000, nous en sommes à près de 10 800, et, pour 2012, notre objectif est de 75 000. J'ai tenu, la semaine dernière, une réunion avec les directeurs régionaux de Pôle emploi pour les mobiliser sur ce dispositif et sur la formation en alternance.

J'ai aussi demandé aux préfets une cartographie des CFA. Jusqu'ici, en effet, nous ne disposions pas de leur taux d'occupation. La maîtrise de cette donnée nous permet de sensibiliser les autorités territoriales, les chambres consulaires et les missions locales – lors des assises des missions locales, il a été décidé que celles-ci accompagneraient 50 000 jeunes vers les contrats en alternance.

Parmi les régions les plus actives dans ce domaine figurent notamment la région Nord-Pas-de-Calais et la région Alsace. La région Lorraine consacre 70 millions d'euros à un programme auquel l'État apporte un montant équivalent. La région Île-de-France a conclu avec l'État un contrat d'objectifs et de moyens où chacune des deux parties apporte 325 millions d'euros, pour un objectif de 118 000 apprentis d'ici à 2015. C'est la première fois que les régions acceptent par contrat de consacrer à un programme des moyens financiers identiques à ceux qu'y affecte l'État. Ces montants représentent aujourd'hui 1,7 milliard d'euros pour chacune des parties. Bref, il existe bien en France une volonté partagée de développer l'alternance.

Monsieur le président Méhaignerie, vous proposez – très judicieusement comme toujours – d'utiliser le fonds de 20 millions d'euros chargé de financer des actions de prévention en matière de pénibilité pour développer le tutorat. Nous devrons travailler à la mise en oeuvre de ce dispositif avec le ministre Xavier Bertrand.

Par ailleurs, par tradition, l'État français pratique à l'égard des entreprises l'incitation financière – suppression des charges –, mais il intervient malheureusement aussi de façon plus coercitive en imposant le respect de quotas, ce qui n'est pas le cas en Allemagne.

Au regard des excellents résultats obtenus en un an, malgré un contexte difficile, le Président de la République a souhaité mobiliser les grandes entreprises de plus de 250 salariés, pour les inciter à recruter. Ces entreprises devront ainsi atteindre un quota de 5 % – dont je rappelle qu'il n'est pas imposé aux entreprises de moins de 250 salariés – si elles veulent échapper à une surtaxe, dont le produit nous a permis, l'an dernier, d'accroître les contrats d'objectifs et de moyens. Chacun doit montrer l'exemple. La mobilisation des branches professionnelles et les engagements pris m'incitent à penser que nous sommes dans la bonne direction. Je rappelle aussi l'institution d'un bonus, certes modeste, en cas de conclusion de tels contrats. Nous devons tous faire des efforts pour enclencher la dynamique.

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