Mesdames, messieurs, c'est pour moi un grand plaisir d'être devant vous aujourd'hui pour l'évaluation de cette loi très importante qui répond à une grande attente sur le terrain. En un an, et malgré la crise, le nombre de contrats en alternance a augmenté de 7,2 % dans notre pays. Les mesures de simplification pour les employeurs, le dispositif « zéro charges » pour les entreprises de moins de 250 salariés et l'apport de cette loi nous ont permis d'enclencher cette dynamique positive.
Je me suis rendue dans un grand nombre de départements pour signer des contrats d'objectifs et de moyens et visiter des centres de formation des apprentis : en Guadeloupe, M. Victorin Lurel lui-même a déclaré par deux fois au cours de son intervention que la « loi Cherpion » était une bonne loi ! Je me réjouis donc de l'analyse faite par l'opposition, monsieur Gille !
Concernant l'alternance, nous avons pris six textes, dont un arrêté. Reste à prendre un texte d'application de l'article 12, qui doit permettre aux médiateurs de l'apprentissage d'étendre, à titre expérimental, pour une durée de deux ans, leur mission à l'accompagnement des entreprises et des jeunes. La liste des départements doit être définie par arrêté. Cette extension de la mission des médiateurs de l'apprentissage a été souhaitée par un des réseaux consulaires, mais aucun d'entre eux n'a encore indiqué qu'une chambre était prête et volontaire pour mettre en oeuvre cette expérimentation ou proposer d'inscrire des départements pour cet arrêté.
J'en viens directement à vos questions sur les apports de la loi.
La carte étudiant des métiers, lancée à Toul, constitue une très belle avancée en termes de valorisation de nos jeunes apprentis. Elle est d'ores et déjà matérialisée dans un grand nombre d'établissements et le sera dans l'ensemble des CFA d'ici à la rentrée prochaine.
Nous avons fusionné le portail de l'alternance avec le service public de l'orientation. Je vous livre quelques chiffres : 3 000 visites par semaine sur le portail, près de 9 000 la semaine dernière ; 9 272 offres d'emploi, dont 2 782 en provenance de Pôle emploi, 100 000 offres d'emploi sur une année ; 15 988 actions de formation en apprentissage, et bientôt 10 000 actions de formation en contrat de professionnalisation. Nous travaillons actuellement à l'amélioration ergonomique du simulateur et à la mise en place d'une version expert de celui-ci dans laquelle l'utilisateur qui connaît les dispositions de sa convention collective pourra saisir ses propres variables et effectuer une simulation plus détaillée en fonction du cas particulier qu'il aborde. Ce site donne un accès aux formations en alternance disponibles et à une bourse des offres d'emploi en alternance, et met à disposition une aide à la décision, le simulateur de calculateur permettant au futur apprenti de connaître son salaire, et au futur employeur le coût d'un apprenti.
Par ailleurs, nous oeuvrons pour établir davantage de liens entre le portail de l'alternance et le site « Orientation pour tous » que j'ai lancé le 6 décembre dernier, ces deux sites étant complémentaires.
Les prochaines étapes pour le développement du portail de l'alternance sont les suivantes : de mi-février à fin février, ouverture sur le portail d'un nouvel espace réservé aux établissements chargés de la formation des alternants dans lequel ils pourront télécharger le document utile à la délivrance de la carte étudiant des métiers ; en mars, mise en place d'un numéro vert assistance nationale du portail ; à la rentrée 2012, début du déploiement de la dématérialisation ; en 2013-2014, arrêt des flux papiers.
S'agissant des mesures visant à sensibiliser les élèves de l'enseignement secondaire aux formations en alternance, les deux décrets pris en application des articles 17 et 18 de la loi sont en cours de publication.
Le projet de décret pris en application de l'article 17 donne la possibilité aux établissements scolaires de mettre en oeuvre des dispositifs en alternance permettant une découverte approfondie des métiers et des formations durant les deux derniers niveaux de l'enseignement au collège – quatrième et troisième –, comprenant des stages en CFA. Le ministère de l'éducation nationale avait pris les devants en publiant, dès septembre 2011, deux circulaires qui répondent à l'objectif de l'article 17 avec deux dispositifs : en classe de quatrième, une alternance « légère » et une alternance « renforcée » avec l'atelier de découverte des métiers et des formations ; en troisième, une classe préparatoire aux formations professionnelles, dite « prépa pro ».
S'agissant de l'article 18 de la loi, qui a ouvert la possibilité à des élèves ayant accompli leur scolarité au collège d'être accueillis en centres de formation d'apprentis sous statut scolaire et sous condition d'âge afin de découvrir un environnement professionnel, le décret vise à inclure ce public dans les dispositifs réglementaires relatifs à l'accès au dispositif d'initiation aux métiers en alternance – DIMA. Il intègre également la possibilité d'entrer en apprentissage pour les jeunes âgés d'au moins quinze ans au cours de l'année civile après le suivi d'une formation dans le cadre du DIMA, conformément à la modification de l'article L. 6222-1 du code du travail par l'article 19 de la loi.
Concernant l'alternance dans l'emploi saisonnier, le décret n° 2012-197 du 8 février 2012 a été publié au Journal officiel le 10 février dernier. Un décret n'était pas expressément demandé par la loi, mais le ministère de l'éducation nationale a souhaité prendre un texte afin de faciliter la mise en oeuvre pratique de la mesure. Annoncée par le Président de la République dans son discours de Bobigny du 1er mars 2011, cette mesure permet de faciliter l'emploi durable de l'alternant et de mieux répondre aux besoins des entreprises. Elle permet à deux employeurs de conclure conjointement un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation pour l'exercice d'activités saisonnières, ce qui était très attendu sur le terrain. Le code de l'éducation est donc modifié pour permettre, dans le cadre d'un tel contrat, l'inscription à deux spécialités du baccalauréat ou à deux spécialités de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) au titre de la même session d'examen.
Concernant l'apprentissage dans l'emploi intérimaire, monsieur Gilles, le Conseil d'État réexaminera le texte le 23 février prochain, et soyez assuré que le décret devrait être publié au plus tard courant mars. Je rappelle que les entreprises d'intérim sont des acteurs incontournables de l'insertion professionnelle, puisqu'elles emploient près de 150 000 jeunes. Cette forme d'emploi constitue souvent une première expérience qui permet aux jeunes d'acquérir des compétences diversifiées au travers de plusieurs missions qui leur redonnent confiance en les formant et en débouchant, dans plus de 25 % des cas, sur des contrats à durée indéterminée.
S'agissant des apprentis n'ayant pas trouvé d'employeur, le législateur a instauré une nouvelle possibilité, mais il appartient à chaque région, en fonction de la situation de l'emploi local, de la structure des centres de formation d'apprentis et des demandes éventuelles des acteurs de l'apprentissage, de la mettre en oeuvre. Le législateur a donc fait le choix de la souplesse pour permettre à chacun d'agir en fonction de sa situation. J'ai souhaité que les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) reçoivent une instruction dès la rentrée 2011 afin que le dispositif puisse s'organiser au mieux sur le terrain. À ce jour, quatre-vingt-trois stagiaires ont bénéficié du dispositif, dont trente et un pour la Franche-Comté et quinze pour la Haute-Normandie. J'ai moi-même constaté en Guadeloupe que des jeunes n'ayant pas trouvé d'employeur ont pu entrer en CFA et ainsi commencer leur formation.
Sur la suppression du contrôle de validation de l'enregistrement, les chambres consulaires sont attachées à garder la possibilité de consulter les services de l'État sur les contrats litigieux, mais des instructions n'ont pas été données à ces services pour qu'ils répondent à ces sollicitations, car cela ne fait plus partie de leur compétence. Aux termes du décret n° 2011-1924 du 21 décembre 2011, la validation par les DIRECCTE de l'enregistrement des contrats d'apprentissage réalisé par les chambres consulaires est supprimée. Les directions seront désormais seulement destinataires des copies dématérialisées à des fins d'information de l'inspection du travail et du suivi statistique de ces contrats.
En ce qui concerne le titre II, la loi contribue, par l'intégration des stages en entreprise à un cursus pédagogique, à normaliser les pratiques et met fin à des abus qui avaient été observés. Elle empêche notamment que le stagiaire puisse être en situation d'exécuter une tâche correspondant à un poste de travail permanent. La conclusion d'une convention tripartite – établissement d'enseignement, établissement d'accueil, stagiaire –, l'encadrement de la durée des stages, l'introduction d'un délai de carence sur un même poste et l'introduction d'une gratification constituent autant de garanties en ce sens.
Les modalités de la convention de stage et celles de l'intégration des stages à un cursus pédagogique sont définies par le décret du 29 août 2006 modifié par le décret du 25 août 2010, avec substitution de base légale entre la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances et la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels. Les dérogations à la règle d'une durée maximale de six mois sont prévues par plusieurs décrets pour les huissiers de justice, les avocats, les notaires, les experts-comptables et les géomètres experts. Le décret du 31 janvier 2008 fixe le montant de la gratification des stages lorsque leur durée est supérieure au seuil mentionné à l'article L. 612-11 du code de l'éducation et dans le cas où ce montant n'est pas prévu par la convention de branche ou un accord professionnel étendu. Le décret relatif à la tenue d'un registre des conventions de stage par l'entreprise est en cours d'élaboration.
S'agissant du titre IV, la forte et commune implication de l'État et des partenaires sociaux a permis, comme vous l'avez souligné, la mise en oeuvre rapide et efficace du contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Ce dispositif partenarial est un succès, comme le montre le fort nombre d'adhésions des salariés. Durant les cinq mois qui viennent de s'écouler, depuis l'entrée en vigueur de ce contrat, la priorité a été donnée par les partenaires sociaux et l'État aux salariés. Tous les textes essentiels permettant de proposer le dispositif aux salariés – 98 % du salaire net pendant un an, accompagnement renforcé et sécurisation – ont été pris. Restent certains aspects très techniques à régulariser, qui n'impactent pas le service rendu aux salariés ; ce sera fait dans les semaines qui viennent.
Vous avez également attiré mon attention sur la possibilité pour les bénéficiaires d'un congé de reclassement d'effectuer des périodes de travail en entreprise. Cette possibilité existe déjà pour les bénéficiaires du contrat de sécurisation professionnelle, et vous avez voulu l'étendre aux salariés en congé de reclassement. Cela prouve, une fois de plus, que le contrat de sécurisation professionnelle fonctionne très bien et qu'il inspire des évolutions pour d'autres dispositifs. Le texte réglementaire que vous avez évoqué est en cours de finalisation et paraîtra dans les toutes prochaines semaines. En 2011, nous avons enregistré 22 030 contrats de sécurisation professionnelle, grâce à une montée en charge du dispositif – 645 entrées en septembre, 9 073 en décembre. Pour 2012, il semble raisonnable de tabler sur 80 000 à 90 000 bénéficiaires, soit environ 7 000 nouveaux bénéficiaires par mois en moyenne.