Si vous me le permettez, monsieur le président, et si vous m'accordez quelques secondes supplémentaires, mon intervention vaudra également pour l'article 7. Nous gagnerons ainsi du temps. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Ces deux articles visent à renforcer le dispositif de lutte contre la fraude fiscale en étendant son champ aux contrats d'assurance-vie non déclarés, d'une part, et en relevant substantiellement le montant des amendes prévues en cas de fraude fiscale, d'autre part.
La première limite du dispositif est qu'il ne concerne que les États dits non coopératifs. Or la France ne reconnaît plus aujourd'hui comme paradis fiscaux qu'à peu près dix-huit confettis, pesant moins de 0,2 % de la finance offshore mondiale !
De fait, le nombre de poursuites reste limité : 606 poursuites seulement ont donné lieu à condamnation en 2010, pour un montant moyen d'amende de 5 000 euros. Même en multipliant par dix, par cent ou par mille le montant des amendes, cela ne représentera au mieux que 500 000 euros de rentrées fiscales, quand l'enjeu porte, selon Bercy, sur 40 milliards d'euros.
Le Réseau mondial pour la justice fiscale, seul aujourd'hui à disposer d'une liste fiable de paradis fiscaux depuis que celle de l'OCDE a totalement disparu, souligne que nombre d'États considérés comme coopératifs continuent d'être en réalité des paradis fiscaux, et que la pratique du secret bancaire n'est elle-même que la partie visible de l'iceberg, n'est que des multiples mécanismes utilisés par les juridictions opaques, d'autres mécanismes tels que les sociétés écrans, les trusts ou les fondations contribuant largement à l'évasion fiscale, et de manière très efficace.
John Christensen, fondateur et directeur du Réseau mondial pour la justice fiscale, explique, par exemple, que l'État du Delaware permet d'utiliser couramment ces techniques, tout comme les îles Caïman qui, par ailleurs, d'après cette association, « mentent de manière tangible sur les actifs qu'elles détiennent ».
Enfin, des mécanismes comme les manipulations des prix de transfert commerciaux au sein d'une même entreprise permettent à cette entreprise de déclarer artificiellement ses bénéfices où elle le veut. Ce procédé représente des flux illégaux considérables : environ 50 % du commerce mondial se fait entre filiales du même groupe aujourd'hui.
Le Comité catholique contre la faim et pour le développement explique encore : délocalisez le siège de votre entreprise en Irlande ou aux Pays-Bas, pour la fiscalité, développez une compagnie d'auto-assurance au Luxembourg ou aux Bermudes, pour désormais assurer vous-même vos activités, investissez aux États-Unis en passant par les Îles Vierges, ou en Inde à travers l'île Maurice, et vous ferez fortune !
Ce n'est pas autrement qu'agissent les gestionnaires de fonds d'investissement.
Madame la ministre, vos mesures de saupoudrage masquent difficilement le vide sidéral de votre action en la matière. Vous n'avez eu rien de plus pressé ces dernières années que de blanchir des pays qui n'auraient pas dû l'être en signant avec eux des conventions fiscales a minima. Ce n'est pas suffisant. Les chiffres en témoignent.